Une des parties concourante à l’appel d’offre du gouvernement camerounais a déposé un recours en annulation de l’adjudication au profit du groupe vietnamien Viettel
L’entreprise Technologie et Système d’Information (TSI) partenaire au Cameroun de l’entreprise Korean Telecom (KT) et récente candidate de l’appel d’offre restreint en vue de l’acquisition de la troisième licence de téléphonie mobile, a déposé vendredi 14 décembre 2012, un recours auprès du ministère des marchés publics et des autres autorités compétentes, en annulation de l’adjudication qui été faite au profit du groupe Vietnamien Viettel. «La loi sur les marchés publics, nous donne le choix de nous opposer à une décision que je peux qualifier d’injuste. Selon cette loi-là, la séance d’ouverture des offres même si elle n’est pas publique, doit se faire en présence des soumissionnaires pour des besoins j’imagine, de transparence. Mais étonnamment, c’est par voie de communiqué radio, que j’ai appris les résultats de l’appel d’offre, ce qui est selon nous une violation» a expliqué Samuel Nono, le représentant de TSI/KT au Cameroun. Toujours selon le recourant, les motivations avancées par le ministre en charge des Postes et Télécommunications, indiquant que le groupe vietnamien avait formulé la meilleure offre sont loin de la vérité. «Si les offres de Viettel sont celles données par le ministre dans son interview à la radio, alors ils n’avaient pas la meilleure offre. Avec nos partenaires (KT), nous avons proposé et n’importe qui peut le vérifier, 45 milliards de FCFA pour l’achat de licence et un peu plus de 350 milliards d’investissements. Notre investissement devait s’achever dans les six prochains mois et s’avancer jusque dans les zones rurales où nous prévoyions à terme offrir de l’internet via le téléphone. En outre J’estime à la limite que c’est une insulte d’arriver à une situation, où on veut faire croire que Korean Telecom n’a pas pu offrir plus que 20 milliards de FCFA pour acquérir une licence de mobile. C’est vraiment dommage», a ajouté Monsieur Nono.
Le recours révèle aussi une autre anomalie dans l’attribution de la troisième licence. L’article 10 du règlement de l’appel d’offre prévoyait une adjudication provisoire, qui serait suivie de négociations avec le candidat choisi à cette étape, mais il n’en a rien été. Au contraire, le ministère des Postes a accéléré les choses et signé la convention de licence, alors que les délais impartis pour les recours n’étaient pas encore épuisés. Intervenant sur les ondes de la radio nationale, le ministre Biyiti Bi Essam a expliqué le choix de Viettel. «Il y a un certain nombre d’infrastructures à mettre en place et il est apparu que Viettel avait l’expérience nécessaire pour mettre en place très rapidement l’infrastructure qui va lui permettre de fonctionner. Il y a d’autres critères qui ont conduit à ce choix: les investissements à consentir, la couverture du réseau national de l’arrière-pays désenclavé. Pour toutes ces raisons, il est apparu au comité interministériel d’analyse que l’offre de Viettel était la meilleure», avait-il expliqué.
L’entreprise vietnamienne revendique de son côté une solide réputation et affirme avoir significativement impacté les quelques rares pays où elle s’est installée, avec notamment la création de dizaines de milliers d’emplois. Mais en marge du recours déposé par TSI/KT, de nombreux observateurs restent sceptiques et s’interrogent. Pour certains, dans un marché du mobile bien densifié au Cameroun, le scénario de création massives d’emplois ne risque pas d’arriver. En termes d’expérience, Viettel n’a effectué sa première implantation africaine qu’en mai 2012. À côté de MTN et Orange (175 millions et 280 millions d’abonnés respectifs dans le monde), l’entreprise fait figure de poids léger. Une autre préoccupation des observateurs, la pertinence d’avoir attribué la licence de mobile à une entreprise détenue par le gouvernement et dirigé par le ministère de la défense d’un pays étranger. Aussi ce que le ministre des Postes des télécommunications ait qualifié de ticket d’entrée pour Viettel reste assez dérisoire, comparé aux sommes obtenues dans d’autres pays.
Dans un Mali en crise et avec un marché moins grand que celui du Cameroun, la dernière licence a été attribuée à un peu plus de 55 milliards de FCFA. Viettel y était concurrente et n’a pas été retenue. Le Cabinet Mass mandaté pour l’expertise technique avait vu son choix contesté en 2011. Alors qu’il va toucher des indemnisations à hauteur de plus de 600 millions de FCFA on se demande pourquoi son choix comme expert n’a pas fait l’objet d’appel d’offre aussi. Pour le représentant de TSI/KT, la procédure suivra son cours jusqu’au bout. «On m’a reproché de déposer ce recours, mais je me devais de le faire. C’est notre pays et je suis presque malheureux de voir comment les choses y marchent parfois. On nous fait croire que les choses sont normales alors que dans le fond, elles ne le sont pas vraiment. Nous attendons de voir l’issue qui sera donnée à notre recours, mais c’est tout simplement dommage» a conclut Samuel Nono
