Dr.Babatunde Osotimehin: « Aucune femme ne doit mourir en donnant la vie »

Les pays africains s’associent à la campagne menée pour sauver la vie des mères à travers tout le continent

L’Afrique compte à son actif de nombreux accomplissements dont elle peut tirer fierté et confiance. Les progrès accomplis sur bien des fronts sont spectaculaires et un nouveau sentiment d’optimisme règne partout sur le continent. La croissance économique est solide et se traduit par l’augmentation des revenus et l’amélioration des niveaux de vie. L’investissement étranger afflue de toutes parts, encouragé par l’énergie et le talent des Africains, la demande accrue des consommateurs et une meilleure gouvernance. Mais, pour que le continent tire le plus grand parti possible de son riche potentiel, il faut encore relever bien des défis. Et aucun n’est plus redoutable que d’améliorer le bilan de l’Afrique en matière de santé maternelle. Sur ce point aussi de remarquables succès ont été enregistrés. La Guinée équatoriale, par exemple, a déjà dépassé la cible d’une réduction de 75 % des décès maternels énoncée dans les Objectifs du Millénaire pour le développement. L’Erythrée est elle aussi en voie d’atteindre cette cible. L’Ethiopie et le Rwanda figurent au nombre d’autres pays où la réduction a déjà dépassé les 60 %. Mais en dépit d’exceptionnels accomplissements et succès en bien d’autres pays, la situation ne s’est pas améliorée en Afrique au même rythme que dans les autres continents. En fait, une récente étude publiée par The Lancet, revue médicale qui fait autorité, a montré qu’en 2008, huit des dix pays enregistrant les taux de mortalité maternelle les plus élevés se trouvent en Afrique. Les pays qui ont été frappés avec une dureté particulière par l’épidémie du VIH/sida ont vu les chiffres augmenter, plutôt que baisser, ces dernières années.

Le résultat est que, si l’Afrique compte seulement 14 % de la population mondiale, elle regroupe nettement plus de la moitié des décès maternels dans le monde – décès évitables dans leur immense majorité. Car ce ne sont pas des maladies incurables, mais c’est le manque d’accès à la planification familiale, de soins élémentaires lors de l’accouchement, d’une assistance qualifiée, d’examens médicaux et de conseils durant la grossesse à quoi tient principalement cette perte de vies humaines. L’impact de ces milliers de drames individuels va bien au-delà de la famille touchée. Ils représentent un coup de frein brutal pour le développement économique et social au sens le plus large. L’effort résolu en cours pour en finir avec cette hécatombe inutile est une preuve de la détermination nouvelle qui anime toute l’Afrique d’écarter les obstacles au progrès. La Campagne pour l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle en Afrique – CARMMA – a été lancée voici trois ans par l’Union africaine, avec le soutien de l’UNFPA, Fonds des Nations Unies pour la population, que j’ai le privilège de diriger. Depuis que le Mozambique a été le premier pays à lancer sa campagne nationale en 2009, 36 pays africains ont adhéré à l’initiative. L’objectif est, à travers la CARMMA, de galvaniser l’action politique et de forger de nouveaux partenariats à travers des sociétés entières afin d’identifier les raisons des décès maternels et de mettre en place les politiques et ressources nécessaires pour s’y attaquer. La campagne a bénéficié d’un prodigieux appui aux plus hauts niveaux. En Zambie, par exemple, l’initiative a été lancée par le Président en personne. De nombreux pays ont mis en route la CARMMA non pas seulement au niveau national, mais aussi à celui du district et de l’Etat. Le grand nombre de naissances non assistées – en partie faute de praticien(ne)s qualifié(e)s – aide à expliquer les taux élevés de mortalité maternelle. Pour tenter de combler ce déficit, le Cameroun ouvre actuellement huit écoles de sages-femmes. Dans un pays où le dernier diplôme de sage-femme a été délivré en 1987, une seconde vague de plus de 200 étudiantes est en train d’achever sa formation.

Nous assistons à des succès analogues sur tout le continent, avec le renforcement des systèmes de santé, un financement accru et de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé et le bénévolat. La Sierra Leone a introduit la gratuité des services médicaux pour les femmes enceintes et leurs bébés. Cependant, malgré certains résultats remarquables, plus de 450 femmes et filles continuent de mourir chaque jour en Afrique de complications de la grossesse ou de l’accouchement. C’est pourquoi le sommet de la CARMMA, qui a lieu cette semaine à Addis-Abeba sous les auspices de l’Union africaine et de l’UNFPA, revêt une telle importance. Il représente une chance pour les pays de s’engager de nouveau à mettre en oeuvre la campagne, ainsi qu’à partager idées et bonnes pratiques. Les décisions prises en Ethiopie cette semaine aideront à stimuler une transformation positive de l’Afrique. Si l’on veut que Ie continent poursuive le remarquable progrès économique et social réalisé durant la dernière décennie, la réduction de la mortalité infantile et maternelle doit être une absolue priorité. Il est à notre portée de faire en sorte qu’aucune femme ne meure en donnant la vie. Tenir cet engagement est aussi entre nos mains.

Dr.Babatunde Osotimehin, Directeur exécutif de l’UNFPA
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