Marche patriotique en France: Eseka, pour un Cameroun nouveau

Par Abdelaziz Mounde

A l’initiative d’une dizaine d’organisations, d’associations et de regroupements de Camerounais de France, une Grande Marche Patriotique et Citoyenne se déroulera samedi 12 novembre 2016 à Paris, sur le trajet de la Porte d’Auteuil au Trocadéro, afin d’une part de renouveler notre soutien, notre solidarité et notre accompagnement aux victimes du déraillement du 21 octobre dernier et d’autre part, de veiller à l’établissement des responsabilités en toute transparence et justice dans le cadre des enquêtes autour de cette catastrophe.

Cette marche est le fruit d’une concertation et de la mise en place de synergies entre ces différentes organisations, décidées à se donner la main pour plus d’efficacité dans l’action.

Nous prions les Camerounais résidant à Paris et au-delà, d’y participer avec leurs drapeaux et symboles nationaux afin de traduire les liens qui nous unissent et notre aspiration commune au progrès du Cameroun.

Ce rassemblement, est consécutif à diverses actions menées depuis le 22 octobre dernier, notamment, une commémoration à l’occasion de la Journée de deuil national, devant l’Ambassade du Cameroun en France, un rassemblement devant le siège du Groupe Bolloré afin d’interpeller sur une indemnisation juste des victimes, un rassemblement sur la Place de la République autour de l’établissement des responsabilités dans le cadre de l’enquête et la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante, l’envoi de packs d’eau, de produits de soin et de premières nécessité en solidarité avec les victimes admises dans les hôpitaux, la collecte de matériel pour l’équipement de l’hôpital d’Eseka, la coordination des actions de défense des victimes entre les avocats de France et du Cameroun, etc.

Il précédera une initiative mobilisation des associations camerounaises, africaines et françaises, le 19 novembre 2016 à Paris, déterminées à faire la lumière sur les activités et dérives du Groupe Bolloré en Afrique et en France.

Vivement samedi 12 novembre !


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Guibaï Gatama: «Nous n’avons reçu aucun financement occulte»

Le directeur de la publication «L’ il du Sahel» est membre du collectif «Unis pour le Cameroun», à l’initiative d’une «marche patriotique» organisée à Yaoundé le 28 février

Le Collectif «Unis pour le Cameroun», à l’initiative d’une marche patriotique organisée à Yaoundé le 28 février dernier, dément avoir reçu un quelconque financement pour l’événement, comme l’auraient laissé entendre quelques détracteurs de la marche. L’événement a réuni plusieurs camerounais samedi dernier «en solidarité aux populations de l’Extrême Nord et à l’armée camerounaise», engagée contre Boko Haram.

«Ils parlent de « financements occultes », de « mains cachées », sans jamais fournir la moindre preuve», ironise Guibaï Gatama, l’un des membres du Collectif, à qui il avait été attribuée l’autorisation spéciale de manifestation publique relative à cette marche.

«J’invite quiconque à brandir tout document en sa possession tendant à accréditer la thèse d’un financement occulte puisque nous n’avions rien demandé à personne», se défend-il, dans une interview accordée au quotidien Mutations ce 04 mars.

«Nous avions mis en place un mécanisme basé essentiellement sur des contributions citoyennes en nature. C’est de cette façon que nous avons collecté les gadgets distribués gratuitement le 28 février 2015», explique le DP de l’ il du Sahel concernant le mécanisme de financement.

«Pour une marche comme celle-là, relève-t-il encore, de quoi avions-nous besoin en réalité ? Pas d’une fortune ! De la confection des visuels par l’agence Iboga à la diffusion des visuels dans les médias, la communication ne nous a pas coûté un seul centime. Le boulevard du 20 mai non plus. La noria, les flyers et l’estrade nous ont été offertes. Il faut dire que les seules dépenses effectuées, entre 2,5 et 3 millions de F CFA, sont en rapport, pour l’essentiel, avec l’organisation de la conférence de presse et les réunions préparatoires. Puis, nous avons fait dont de notre disponibilité à cette entreprise citoyenne», assure Guibaï Gatama.

Guibaï Gatama
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Les agressions de Boko Al Haram ne réveillent point le patriotisme

Par Dr. Vincent-Sosthène Fouda

Les agressions de Boko Al Haram ne réveillent point le patriotisme. Elles sont le triomphe de la xénophobie et la course au ndolé national

La guerre des chiffres est la preuve de la défaillance des réseaux de communication qui entourent non pas le triangle camerounais, mais ceux et celles qui se battent autour de la dépouille du pouvoir politique. Celui qui est possiblement à Etoudi, résidence du président de la République ou alors dans une autre résidence de la capitale camerounaise.

En effet, on aurait pu s’attendre à un réveil du nationalisme camerounais, mais ce sont les particularismes ethniques qui refont surface et se donnent le visage de différentes manifestations de soutien aux forces armées camerounaises qui se battent dans la région de l’Extrême Nord, dans des localités dont beaucoup de Camerounais découvrent les noms et l’existence : Fotokol, Makari, El Beid, Gambarou, Woulgo, Ngala etc. des villages, des villes, des localités que beaucoup découvrent seulement en temps de guerre. Ce à quoi nous assistons est donc ce qu’aucun sociologue n’a pensé et aucun politique imaginé ! Le repli identitaire apparaît d’ores et déjà comme le véritable vainqueur de la désagrégation de l’Etat central et le signe visible de l’instabilité à venir. C’est le triomphe du « tant que Yaoundé respire le Cameroun vit ».

Nous aurons pu faire une recherche ethnologique du phénomène auquel nous assistons depuis bientôt huit mois au Cameroun afin de la verser dans le dossier fort substantiel des études politologiques, historiques et sociologiques sur la question épineuse de la sécularisation de l’Etat-Nation au Cameroun. Qu’il s’agisse des nationalismes politiques « occidentaux » inspirés de Rousseau qui supposent l’existence de l’Etat-Nation, ou des nationalismes culturels « orientaux » issus de la pensée herderienne qui précèdent et promeuvent la création de l’Etat-Nation, ces études s’articulent pour l’essentiel autour de cinq notions de base : Nation, Etat, peuple, pays, aire linguistique et culturelle. La semaine dernière dans un article comparatif entre le peuple grec et le citoyen camerounais, nous avons essayé de montrer combien il est urgent de sortir du statut acquis de citoyen pour accéder au statut de peuple forgé par les engagements et les luttes permanentes. http://www.camer.be/39308/30:27/la-lecon-du-peuple-grec-aux-citoyens-camerounais-par-dr-vincent-sosthene-fouda-cameroon.html

Le Cameroun est enfermé dans le modèle français pensé par Ernest Renan qui voudrait que le concept de Nation soit coextensif à celui de « patrie » et comme si le patriotisme, en tant que réalité sociale, était réductible au nationalisme. La sécularisation de l’Etat-Nation passe par le dépassement de soi, le contournement de la solitude et de la froideur de l’Etat et du nationalisme politique pour atteindre la « patrie » et le patriotisme ethnologique qui passe par la conjugaison d’émotions communes.

Ces émotions, pour ce qui est du nord du Cameroun, sont loin des militaires qui sont au front. Ils meurent, mais exercent un métier qui très souvent leur est contesté. « Ce sont les fils des officiers supérieurs qui sont dans l’armée, ils n’ont fait aucun concours », « ceux qui meurent sont des pauvres enfants ramassés dans les villages sans aucune expérience, sans salaire », « c’est eux qui ont brutalisé et tué à Bépanda le 28 février 2008 ». Voilà ce que l’on entend çà et là. Ceux qui s’autoproclament leaders affichent des tee-shirts de repli ethnique et invitent le village à les suivre « Je suis Donkeng ».

Depuis 1982, le Cameroun fonctionne en méconnaissance de certaines propriétés spécifiques de la patrie, du patriotisme, il refuse de construire ce que les anglo-saxons appellent le State of mind.

Dans les années 1850 (c’est-à-dire 5 ans après l’ouverture des premières écoles au Cameroun) naît un véritable espace-public qui se pense en premier en anglais. C’est la première langue étrangère introduite au Cameroun. Mais cet espace public se pense dans une approche ethnologique et non politologique et sociologique. On peut le voir dans différentes métaphores et autre rituels patriotiques que nous avons montrés dans nos études précédentes. Mais il est important ici de relever certaines de ces métaphores chères aux Camerounais ou aux patriotes camerounais. Les unes sont spatiales ou plutôt territoriales, même si jusqu’en 1910 le territoire camerounais n’est pas encore véritablement fixé. Elles concernent donc en premier le « sol camerounais », « berceau de nos ancêtres », « chère patrie », « terre chérie » dans laquelle le Camerounais est « enraciné », qui le « nourrit », qui « l’invente », et comme va le souligner Martin Paul Samba au moment de son exécution : « Vous pouvez m’exécuter, mais vous n’aurez jamais le Cameroun ». Dans plusieurs langues du Cameroun, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, patrie (nnam, dzal, nda, tse tsa, long, mbog) est aussi la terre tout comme la maison.

Il est donc évident que quelle qu’aient été les variations historiques de la notion de « patrie » celle-ci se présente comme un territoire indissociable du peuple et du pays qu’il habite. La patrie est donc d’abord ethnique dans ce pays qui compte 254 tribus et l’action politique de ces 30 dernières années est allée dans le sens contraire et n’a pas réussi à faire de ses micro-patries une véritable patrie. Les villages ont été expurgés de leur force de ressourcement au prix de nombreux parachutages des dépositaires des traditions. La patrie ethnologique camerounaise que le pouvoir politique et bon nombre d’universitaires camerounais ont mise à mal ces 30 dernières années est la terre dans laquelle chacun reconnaît que les siens y sont enfouis. « Tu es la tombe où dorment nos pères », « le jardin que nos aïeux ont cultivé ». On germe, pousse, vit ici pour mourir ici avec la certitude métaphysique d’une seconde vie possible ou alors d’un repos dans le monde des ancêtres. Or, c’est tout ceci que le régime du 6 novembre 1982 a déstructuré. Nous assistons de plus en plus à l’abandon de la terre dans le sens de patrie et les gens sont contraints d’abandonner « là où les leurs se régénèrent sans cesse » et ceci avec la volonté du pouvoir central qui achète, exproprie, vend voire chasse tout simplement.

Chaque lecteur ici pourrait aisément donner les raisons pour lesquelles une souffrance commune comme celle des attaques de la secte islamique Boko Al Haram ne provoque pas le repli patriotique auquel on se serait attendu. C’est certainement ce qui explique le mutisme du président Paul Biya qui espérait et attendait récolter les fruits d’une mobilisation générale des citoyens devenus peuple. Mais que non ! Les roitelets ont refait surface dans les territoires qui leur ont été attribués, concédés par la république par l’entremise de lois sourdines. Interdiction de manifester, refus des pouvoirs publics de désintéresser les employés des 48 sociétés d’Etat fermées, refus de la valorisation des minimas sociaux, recrutements clientélistes dans les grandes écoles, non-insertion des jeunes diplômés, partis politiques embrigadés ou mis au service d’un seul homme, le président Paul Biya. La liste est longue et le résultat est plus désastreux qu’on ne croit.

Les lions indomptables qui refusent de recevoir le drapeau de la république à la veille de leur départ pour la Coupe du Monde de football ne sont pas plus coupables que les officiers d’armée qui abandonnent leurs positions à l’approche des massacreurs de Boko Al Haram. Non, ils ne sont pas plus coupables que les ministres et autres gestionnaires de la fortune publique qui vident les caisses de l’Etat, au même titre que les magistrats qui volent les bébés et sont couverts par leurs collègues. Les généraux qui sortent dans la rue au nom de la prévention routière et qui arnaquent les usagers alors que les rues du pays deviennent de véritables mouroirs. La décadence est là. Comme dans la fable de la Cigale et la Fourmi, en toute affaire, il faut se garder de la négligence si l’on veut éviter le chagrin et les dangers. Nos enfants l’apprennent dès le secondaire et ceux qui dirigent notre pays ne l’ont pas appris même au soir de leur règne et de leur vie !

Dr. Vincent-Sosthène Fouda
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