Attaque de Mautu : un député français demande à Paris de faire pression pour une enquête internationale

Sébastien Nadot veut que la France mène l’initiative d’une enquête sous l’égide des Nations Unies sur les exactions qui ont été commises dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest depuis 2016.

Ce 12 janvier 2021, le député Sébastien Nadot a écrit aux autorités françaises,  le président de la République, le ministre des Affaires étrangères et l’ambassadeur de France notamment, sur le massacre « dans des circonstances non élucidées à ce jour » de huit habitants du village Mautu, dans a région du Sud-ouest du Cameroun.

« A la suite de ce tragique évènement, la condamnation immédiate par la France de ‘l’usage indiscriminé de la violence contre des civils’ a été appréciée par la communauté internationale comme par les ressortissants camerounais », note avec satisfaction l’élu français.

Il ne s’arrête pourtant pas là. Interpellant l’ambassadeur de France au Cameroun qui « appelle à  faire toute la lumière sur ce crime injustifiable », Sébastien Nadot presse : « En tant que représentant de la Nation française, je vous en remercie et vous demande donc de bâtir une traduction concrète à vos propos et de porter avec force et vigueur une demande d’enquête internationale sous l’égide des Nations-Unies au sujet des exactions très nombreuses commises depuis 2016 dans le cadre du conflit qui oppose les séparatistes anglophones du Cameroun au gouvernement camerounais ».

Il rappelle par ailleurs le dernier mouvement du Sénat américain sur le sujet. En effet des élus américains ont demandé que l’administration américaine de « condamne l’usage de la violence par les forces gouvernementales comme par les groupes séparatistes armés, mais réclame également que la France use de son influence pour faire stopper les atrocités commises et favorise une action de la communauté internationale au Cameroun afin de trouver une voie de résolution du conflit ».

Le 11 janvier dernier, l’armée a reconnu avoir mené un « raid préventif » à Mautu 24 h plutôt. Cependant le ministère de la Défense ne reconnait que des « terroristes neutralisés ». Ce que rejettent plusieurs sources qui parlent de huit civils tués, dont des femmes et des enfants.

Cameroun : accusée d’avoir tué une dizaine de civils dans le Sud-ouest, l’armée se défend

Le porte-parole du ministère de la Défense avance qu’il s’agit de « quelques terroristes neutralisés » au cours d’une opération menée le 10 janvier par le Bataillon d’infanterie motorisée.

Le capitaine de vaisseau Serge Cyrille Atonfack Guemo, chef de la division de la communication du ministère de la Défense a, dans une sortie du 11 janvier dernier, donné sa version des faits d’une attaque qui s’est déroulée 24 plutôt dans la petite bourgade de Mautu, arrondissement de Muyuka dans la région du Sud-ouest du Cameroun.

Le selon le porte-parole du ministère de la Défense (Mindef) : « dans la mi-journée du dimanche 10 janvier 2021, et sur renseignement de la population, des éléments du 21ème Bataillon d’infanterie motorisée ont mené un raid préventif sur les positions de groupes terroristes aux ordres des surnommés “Spirito” et “Gabonais” ».

Il poursuit en excipant que ces éléments du Bataillon vont trouver des « individus armés, surpris en plein rassemblement [qui] ont immédiatement ouvert le feu sur les éléments des Forces de Défense, qui leur ont infligé une réponse appropriée. Le bilan de cet “accrochage” est fourni : “quelques terroristes neutralisés, d’autres blessés en fuite, des armes et munitions récupérées”.

Une version des faits à l’opposé de ce que rapportent des sources sur le terrain. Selon elles, il y a bien une opération de l’armée à Mautu le 10 janvier 2021 vers 15 h, à la recherche d’éléments séparatistes.

Des témoins rapportent que lorsque des soldats ont investi le village, plusieurs habitants ont fui pour se réfugier dans la forêt. A leur retour, au moins huit personnes avaient été tuées, dont des femmes et des enfants.  Un enfant aurait reçu une balle au bras, tandis qu’un projectile a atteint une femme à la jambe. Une autre aurait reçu une balle au dos.

Mais pour le porte-parole du ministère de la Défense, cette version est le fait “des leaders terroristes à la solde de la sécession et manifestement dépassés par les évènements [qui] ont conçu dans leurs officines occultes, un fatras d’images macabres pour essayer de faire endosser à nos Forces de Défense, un aveugle massacre perpétré à Mautu”. Tout cela ne serait pas vrai, car cette opération a été “conduite dans le strict respect des règles d’engagement”.

Il conclut toutefois en informant qu’“une enquête minutieuse a été prescrite par le Haut Commandement pour élucider cette entreprise souterraine et faire, le cas échéant, toute la lumière sur le contenu des images macabres en circulation”.