Cameroun : la région du Centre est le plus grand foyer de corruption (rapport Conac)

Le nouveau rapport de la Commission nationale anti-corruption (Conac) dévoile l’ampleur de la corruption  au Cameroun. La région du Centre, siège des institutions,  est pointée du doigt comme la zone où le recours aux pots-de-vin, abus de fonction et trafics d’influence sont les plus courants.

A chaque rencontre avec la presse, le président de la Conac, le Rev Dr. Dieudonné Mbassi Gams sensibilise ses compatriotes en martelant toujours : « la corruption nuit à la croissance de notre pays. Les corrupteurs doivent être traduits en justice ». Mais, le mal reste toujours aussi profond, notamment dans la région du Centre.

Dans le rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2020, la région-siège des institutions nationales trône au sommet du classement établi par la Commission nationale anti-corruption (Conac). Sur les 3 392 dénonciations relevées par cette institution au courant de l’année dernière, 1 399 proviennent de la région du Centre.

Le rapport de la Conac relève en outre que : «plus qu’ailleurs au Cameroun, dans cette unité administrative, la corruption prend de multiples formes, qu’il s’agisse de marchés publics truqués, d’emplois fictifs, d’abus de pouvoir dans la fonction publique, de corruption d’agents publics, d’abus de biens sociaux, de prises illégales d’intérêt, de versement de pots-de-vin».

Le journal Intégration souligne, par ailleurs, que pour traquer le phénomène, tant à Yaoundé qu’ailleurs dans le périmètre de la région, les activités opérationnelles de la Conac en 2020 ont porté sur la réception et l’exploitation des déclarations de soupçons et autres informations, les échanges avec les assujettis et la transmission de renseignements financiers aux autorités compétentes.

Dans le document, on relève en 2020 une nette augmentation (53,78%) du montant global des flux financiers repérés par rapport à 2019 dans la région du Centre. Cette évolution peut être due à la sophistication croissante des corrupteurs. Elle s’explique principalement par les importants flux financiers repérés dans les affaires liées aux fraudes diverses et aux détournements de deniers publics.

De là, le lien est vite établi avec le nombre de dossiers transmis (149 au total au cours de 2020) au seul tribunal de grande instance du Mfoundi. Globalement, situe la Conac, la triste réalité est (comme partout ailleurs au Cameroun) accentuée dans les secteurs du transport routier avec 17% de dénonciations, suivi des affaires foncières (14,60%), des forces de maintien de l’ordre (13,60%), des finances (12,60%) et de la justice (11,30%).

Cameroun : Paul Biya, des paroles mais jamais des actes

P‌ar Michel Lobé Etamé, journaliste.

Il y a quelque chose de récurrent dans le long et cynique règne de Paul Biya au Cameroun : Les promesses non tenues. Serait-il l’adepte de cet homme politique sulfureux et français, Henri Queuille, qui disait « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » ? Faut-il pour autant déduire que le président camerounais en a fait sa devise pour régner aussi longtemps auprès d’une population infantilisée à loisir ?

Amateur des mots d’esprits, très souvent vachard et ironique, sans oublier d’être grivois, Georges Clemenceau fit ce curieux parallèle pour définir les régimes dictatoriaux : « Les dictatures, c’est comme le supplice du pal : elles commencent bien mais elles finissent mal ».

En rester à ce constat serait toutefois négliger la détermination d’un homme de 84 ans, décidé à aller jusqu’au bout de son mandat. Cette volonté suicidaire ne prend pas en compte l’usure naturelle, c’est-à-dire physique et mentale. Pour le camerounais de la rue, convaincu que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, le règne de Paul Biya est une volonté divine. Ici aussi, l’église a bien fait son travail de formatage de l’esprit là où les intellectuels ont capitulé.

Il nous revient à l’esprit, dans un passé si récent encore, l’engagement de Paul Biya à offrir aux camerounais désœuvrés, la CAN (Coupe d’Afrique des Nations). Engagement non tenu. Comme à l’accoutumée, Il ne s’est jamais expliqué sur cet échec cuisant.

Encore un engagement sans calendrier

De la parole aux actes ? Ce serait aller vite en besogne. L’homme lion n’a jamais tenu ses engagements. Ses promesses ne sont soumises à aucun calendrier. Il cultive à merveille l’art du pourrissement dont raffolent les camerounais. Au cours de son intervention langoureuse et poussive au Forum de la Paix, Paul Biya s’est engagé à offrir un statut particulier aux provinces anglophones. Que contient ce statut ? Encore une coquille vide et sans calendrier ? Face à une assistance non acquise, Paul Biya a parlé de paix dans le monde et de paix dans son propre pays. Il faut dire que le Cameroun, autrefois havre de paix, est confronté à une grande pauvreté. La délinquance s’est installée et vient s’ajouter à deux guerres. Les moyens militaires mis en place ne donnent pas les résultats escomptés. Le pouvoir central de Yaoundé s’est-il posé de bonnes questions ? Au Nord du pays où sévit Boko Haram, une jeunesse désœuvrée tend les bras aux terroristes.  Dans les territoires anglophones, la guerre est sans issue. Ces doutes confortent le pessimisme des premiers jours où les armes devaient laisser la place au dialogue des braves.

Pour autant, peut-on totalement séparer les deux fronts de guerre ? La pauvreté, la misère sociale, la maladie, le banditisme des cols blancs et des désœuvrés sont les conséquences des politiques mises en place et de la mauvaise gouvernance qui ont fatalement échoué.

La militarisation du Cameroun ne saurait cacher l’essoufflement d’un régime qui n’a pas su faire un diagnostic approfondi du pays. Aujourd’hui, l’opposition moribonde et soumise n’a toujours pas le droit de se réunir et d’organiser des meetings. La liberté acquise par la guerre d’indépendance est bafouée. Cette fin de règne calamiteuse devient un chemin de croix pour le parti-État RDPC qui continue à ronronner. Mais pour combien de temps ?

Les promesses de Paul Biya ne suffisent pas à relancer le moteur économique grippé par la corruption, les blocages administratifs et claniques, le tribalisme instrumentalisé ou la répression policière.

C’est dans ce contexte social frileux que Paul Biya a choisi d’annoncer des élections législatives et municipales dans tout le pays. Pour lui, la sécurité décrétée en zone anglophone permettra des élections transparentes, libres et crédibles.

L’urgence calendaire peut-elle justifier ce rixe politique qui vient s’ajouter à l’éternel problème des listes électorales bâclées et jamais mises à jour ? L’opposition moribonde saisirait-elle ce couac juridique pour décrédibiliser un système rompu aux entourloupettes ?

Il n’est pas légitime de soumettre aux camerounais des élections qui ne peuvent garantir ni un nouveau cap politique, ni la transparence, ni la liberté.