Accords de coopération et contrats, les nouveaux défis de l’Afrique

Par Michel Lobé Etamé, Journaliste

L’ordre mondial est élaboré et imposé par les puissances financières. Il n’est donc pas surprenant que l’Afrique soit mal à l’aise, maladroite et parfois gauche, face aux obligations qui conditionnent son modèle social. Un véritable défi en ce début de siècle.

Le monde globalisé imposé par les grandes puissances correspond-il aux aspirations de l’Afrique? La question mérite d’être posée et débattue. En effet, tout se décide loin du pouvoir de l’Onu censé représenter la souveraineté des États.

Les accords de coopération
Les Etats africains, membres de l’Onu n’ont aucune influence sur les décisions stratégiques, ni les accords de coopération élaborés par les grands argentiers. L’Afrique signe, malgré elle, les accords qui bien souvent, ruinent ses efforts de développement. Ces contrats engagent l’Afrique et les générations futures pour des décennies.

A travers les organisations conventionnelles, l’Afrique signe des accords de partenariat dans tous les domaines. Il faut rappeler que ces organisations ont des intérêts différents et parfois contradictoires. C’est le cas des accords APE (Accords de Partenariat Économique) entre l’Union Européenne et l’Afrique.

Les accords APE avec l’Afrique ne sont pas standards. Ils sont différends selon les régions: l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique de l’Est, l’Afrique Centrale et l’Afrique du Sud. Cette stratégie a pour but de diviser et d’affaiblir tout le continent. La devise « diviser pour mieux régner » trouve ici sa plénitude.

Pour mieux noyer le poisson, les États européens signent d’autres accords bilatéraux avec les États africains. Des accords de partenariat qui ne tiennent pas comptes des engagements de l’Union Européenne.

Cette nébuleuse de contrats fragilise les États pauvres et faibles et les réduit à la soumission. L’Onu qui est garante de la souveraineté de ses membres a un rôle à jouer dans ce labyrinthe opaque qui étouffe toutes les velléités de développement des pays soumis au dumping des produits manufacturés. Mais, peut-on encore compter sur l’Onu ?

Les accords de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce)
Les accords de libre-échange de l’OMC, sous l’égide des Nations Unies s’appliquent à tous les états signataires de ce protocole. Ces accords sont élaborés et imposés par des libéraux et rendent les frontières poreuses pour les marchandises tout en annulant les droits de douanes qui étaient une source de revenus importants pour les pays pauvres.

D’autres accords de partenariats échappent à la tutelles des États et de l’Onu : ce sont les multinationales qui n’ont ni patrie, ni localisation. Ces différends accords, très souvent illisibles affaiblissent et divisent l’Afrique. Il en est de même avec le traité de libre-échange avec la Chine.

L’Union Africaine, un interlocuteur unique
L’Europe l’a très bien compris. Elle s’est blottie autour de l’Union Européenne pour résister au dumping outre atlantique des États-Unis. Elle se protège ainsi des contrats bilatéraux qui affaiblissent économiquement et politiquement le vieux continent.

A l’instar de l’Europe, l’Afrique doit donner plus de pouvoir à l’Union Africaine pour discuter et pour élaborer des accords de coopération avec l’Europe et tous les partenaires attirés par ses richesses.

Aujourd’hui, l’Europe est forte et incontournable parce qu’elle est unie face aux ogres dont les appétits sont insatiables. L’Afrique peut-elle calquer ce modèle qui la préserverait d’un dépècement programmé ?

L’Union Africaine doit être cet interlocuteur incontournable pour tous les accords de coopération avec l’Afrique. Elle se protègera des contrats foireux que concoctent les fonds de pensions et les organisations indélicates et sans morale.

Une monnaie unique
Le commerce entre Etats africains relève de la gageure. Cette ambiguïté est à rappeler autant que les barrières érigées par la multitude des monnaies. En effet, la monnaie, instrument d’échange, devient sur le continent un véritable frein pour les échanges régionaux ou intercontinentaux.

Si nous nous limitons à la zone franc, cette contradiction n’a pas lieu d’être. Pourtant, c’est le cas. Le franc CFA de l’Afrique de l’Ouest ne s’échange pas en Afrique Centrale. Il a besoin d’être converti.

Si nous y ajoutons les monnaies différentes et multiples des pays anglophones, lusophones ou hispaniques, nous nous perdons dans un labyrinthe sans issue.

L’Union Africaine souveraine a tout à gagner en se penchant sur une politique commune de la monnaie unique pour l’Afrique. Cette démarche va de la survie de l’Afrique. Elle va faciliter les échanges commerciaux en Afrique et à l’extérieur. Ce choix judicieux conduira vers une indépendance économique, politique et financière.

La monnaie reste un handicap majeur dans les échanges. La convertibilité du franc CFA arrimé à l’Euro limite et bloque trop souvent les échanges hors de la zone euro. Il serait donc temps de voir en circulation une monnaie unique et commune à l’Afrique.

Vers de nouveaux pôles de développement
L’artisanat, la PME-PMI et les services sont des atouts trop souvent négligés ou abandonnés au détriment des colosses aux pieds d’argile. L’Afrique a vu au cours des trente dernières années des usines fermer, faute de débouchés de leurs produits à l’extérieur.

L’artisanat, les PME-PMI et les services ne sont pas gourmands en énergie. Ils peuvent facilement se transmettre de père en fils avec un savoir-faire qui améliore incontestablement les produits. Ils génèrent des emplois pérennes.

A l’heure où le débat écologique bat son plein, l’Afrique peut sortir du lot. Elle a les moyens d’une politique qui met en valeur ses richesses endogènes et leur transformation. Il ne lui manque que la volonté politique.

Les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) offrent une large palette de débouchés inespérés à fortes valeurs ajoutées. Il suffit juste d’en faire une priorité par la formation et le matériel.

Forte de sa détermination de se prendre en charge, l’Afrique pourra alors ôter son manteau victimaire et endosser celui de conquérant du 21ème siècle. Elle deviendra actrice et profitera pleinement de la globalisation que rien, à l’heure actuelle, ne saurait arrêter.


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La Méditerranée, un tombeau à ciel ouvert pour les Africains

Par Michel Lobé Etamé, Journaliste

L’Afrique voit mourir tous les jours en Méditerranée ses enfants. Ce drame est devenu banal et n’interpelle plus les pouvoirs politiques du continent. L’Union Africaine ne débat jamais de cette tragédie qui offre un spectacle affligeant et mortifère au quotidien dans les médias du monde. Cette indifférence peut surprendre pour un continent dont le devoir est de veiller sur ses enfants.

Chaque jour, les candidats à l’exil traversent le désert. Ils viennent de tous les pays subsahariens. Ils fuient la misère, l’injustice, les régimes sanguinaires. Ils n’ont plus aucun espoir chez eux. Ils n’ont plus rien à perdre si ce n’est leur vie. Qu’importe! Mourir chez eux où en Méditerranée, quelle différence ?

Un spectacle mortifère
La ville italienne de Lampedusa est confrontée depuis quelques années à une immigration massive de jeunes africains, candidats à l’exil vers l’Europe. Lampedusa est devenue le plus grand tombeau à ciel ouvert du monde, dans l’indifférence totale. Le gros du contingent est formé de Somaliens, de Soudanais et d’Erythréens.

Chaque semaine, les images télévisuelles qui viennent d’Italie sont désespérantes. Le spectacle n’attire plus les foules curieuses. Les femmes et les hommes de Lampedusa se sont habitués à voir les cercueils alignés sur la place publique, au grand désespoir des télévisions du monde. Lampedusa offre au public médusé et hagard un espace scénique où s’exposent des cercueils. Sans identité, ils finiront dans une fosse commune.

Les chiffres sont édifiants
L’Afrique ne compte pas seulement ses morts victimes du virus Ebola qui s’élèveraient à plus de 2000 cette année. Le nombre des migrants ensevelis dans les eaux de la Méditerranée s’élève à plus de 3000 morts pour la seule année 2104. Et ce n’est pas fini.

Au cours du mois en cours, 500 personnes parties Égypte n’ont pu regagner les rivages d’Europe. Seule une dizaine a survécu. En octobre 2013, le naufrage sur les côtes de Lampedusa, en Italie, a fait plus de 366 morts. Rien n’arrête la détermination des migrants. Le silence coupable de l’Afrique est inquiétant et irresponsable. Combien de morts feront bouger les bonnes consciences du continent ?

Malgré le signal d’alarme des autorités italiennes, les passeurs indélicats, crapuleux et irresponsables continuent à affréter des embarcations fragiles pour des migrants convaincus que le bonheur est en Europe.

Le drame de l’immigration doit autant mobiliser qu’Ebola. Il tue plus que la pandémie en cours. Ce combat n’est pas seulement celui des européens qui ferment leurs frontières. Mais il est aussi celui de l’Afrique réduite à regarder ses enfants partir, tels des troupeaux de moutons que l’on conduit à l’abattoir. Oui, la Méditerranée est devenue le plus grand tombeau à ciel ouvert pour les migrants africains.

Selon un bilan de l’OIM (Organisation Internationale des Migrations), le nombre des migrants ayant disparus en mer s’élèverait de 20000 à 25000 au cours de ces vingt dernières années. Un chiffre qui fait froid au dos et qui laisse de marbre les dirigeants africains.

Combien de morts faudra-t-il encore pour réveiller les consciences de nos dirigeants ? Ce chiffre ne prend en compte que les corps repêchés dans les eaux poissonneuses de la Méditerranée. Il ne tient pas compte les morts anonymes et sans sépulture au fond des eaux ni les squelettes humains que le sable chaud couvre dans le désert aride du Sahara.

Quelles sont les raisons de cet exil de masse ?
Les conflits en cours, la pauvreté et le manque de perspective sur l’avenir poussent les jeunes à l’exil. C’est le cas du Soudan, de la Libye, du Yémen, de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Syrie et de l’Égypte. Le régime répressif d’Érythrée est aussi condamnable pour sa horde de migrants qui fuit un régime autoritaire et sanguinaire.
Les forces se mobilisent pour éradiquer le virus Ebola. Ce combat a été initié pour toutes les autres pandémies qui touchent l’Afrique. L’immigration clandestine vers l’Europe doit s’inscrire dans cette même logique.

Éradiquer la pauvreté
Les maux de l’Afrique depuis le début du vingtième siècle sont nombreux et mettent un coup de frein à son développement. La classification de ces maux n’échappe à personne. Dans l’ordre, nous pouvons citer la corruption qui freine la construction des hôpitaux, des dispensaires, des écoles, des centres de loisirs, les infrastructures routières. La corruption tue indirectement plus que le paludisme, le sida, le choléra, Ebola ou la tuberculose.

Ces maux qui minent le développement et l’équilibre social ne seront éradiqués que par la lutte contre la pauvreté qui est la source de tous les conflits majeurs sur le continent. La pauvreté est un terreau qui nourrit les ferveurs religieuses, les sorciers, les marabouts et autres faiseurs de miracles. La solution ne viendra que du travail par une prise de conscience collective des richesses que nous détenons. Ces richesses sont humaines, spirituelles et matérielles.

Naufrage d’une embarcation transportant 250 migrants africains le 13 avril 2011 aux larges des côtes italiennes
AFP/ Francesco Malavolta)/n