Verites et mensonges sur la Loi antiterrorisme

Par le Pr. James Mouangue Kobila, Agrégé de droit public

Les récriminations répétées contre la loi camerounaise anti-terroriste relèvent largement du surréalisme juridique. L’on s’en convaincra en examinant successivement la querelle sur l’imprécision de la définition du terrorisme, l’impossibilité pour un Etat de rester inerte face à cette horreur absolue, la valeur intrinsèque de cette loi et les garanties disponibles au profit des citoyens.

A propos de la querelle relative à l’imprécision de la définition du terrorisme dans la loi votée par le Parlement
C’est une querelle qui n’a pas lieu d’être, car il est universellement reconnu qu’il n’existe aucune définition saturante du terrorisme, acceptée par tous. Un collège d’éminents juristes français, intrépides défenseurs des droits de l’homme et auteurs de l’emblématique Dictionnaire des Droits de l’Homme (Paris, Presses universitaires de France, 2008, pp. 727-729), a confirmé que «la définition juridique du terrorisme n’existe pas» et que, partout à travers le monde, «la qualification terroriste déclenche la mise en oeuvre d’une législation d’exception dont l’étendue est aussi floue que la notion qui la fonde», dans le cadre de ce qu’ils ont appelé: «le droit de dérogation» (pp. 727 et 729 ; cf. aussi Frédéric Bernard, «Droits de l’homme et terrorisme», in: Maya Herting Randall / Michel Hottelier, Introduction aux droits de l’homme, Editions Yvon Blais / LGDJ / Lextenso éditions/ Schulthess éditions romandes, 2014, p. 593).

Il n’existe en effet aucune définition du «terrorisme» susceptible de résister à la critique et de faire consensus entre les Etats. La définition du terrorisme est d’autant plus improbable, presque deux millénaires après ses premières manifestations en l’an 66, qu’il n’existe pas une seule forme de terrorisme, mais des terrorismes (ANC de Nelson Mandela, IRA, PKK, ETA, Brigades Rouges, Al Qaida de tous horizons, Talibans, Hamas, Shebabs, Résistance française pendant la seconde guerre mondiale, Action directe, Etat Islamique, etc.) que l’on ne saurait ranger sous la même bannière. Certains accordent en effet l’absolution au «bon terrorisme», symbolisé par les mouvements de libération nationale, tandis que d’autres, à l’image du Conseil de sécurité de l’ONU, sont d’avis que « tous les actes de terrorisme, quels qu’ils soient, sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, l’époque et les auteurs » (résolution 1617 (2005), du 29 juillet 2005).

Ailleurs, l’on distingue trois manières de définir le terrorisme : i) la définition du terrorisme par objectif (répandre la terreur, approche trop large) ; ii) la définition du terrorisme par ses méthodes (fondée sur le postulat erroné qu’il existe des actes terroristes par nature, approche arbitraire, car seraient terroristes les actes qualifiés comme tels) et iii) la définition du terrorisme par ses effets (la terreur ressentie, les destructions, etc. ; approche très subjective et par conséquent arbitraire). Pire, le cumul de ces approches, loin de conduire au salut, cumule leurs défauts.

Ce sont d’ailleurs ces désaccords sur la définition du terrorisme qui expliquent qu’à ce jour, en dépit de la multiplicité des travaux scientifiques menés par de nombreux auteurs à la recherche d’une définition du terrorisme – y compris des thèses de doctorat – l’on ne dispose pas toujours d’une telle définition. Cette absence de définition du terrorisme constitue du reste le principal obstacle à l’adoption d’une convention internationale universelle et générale sur le terrorisme. Cherchant à prévenir et à réprimer un phénomène aux contours flous et aux formes incertaines, les Etats adoptent généralement à titre individuel ou collectif, une caractérisation large du terrorisme, à l’instar de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 qui pose, en son article 1er, que l’infraction est terroriste si elle «a pour but de gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays». Dans le même sillage, le Code pénal français qualifie de terrorisme les infractions ayant pour but «de troubler l’ordre public par l’intimidation et la terreur» (article 421-1).

Faute de définition du terrorisme, les Etats ne sauraient rester inactifs contre cette horreur absolue
Certainement pas. Partout à travers le monde les Etats organisent et renforcent la prévention et la répression du terrorisme et, jusqu’à présent, dans aucune grande démocratie, aucune juridiction n’a condamné un Gouvernement pour avoir adopté les incriminations des actes terroristes en raison de leur caractère trop vague (cf. Cour suprême du Canada, Suresh c. Canada [2002], 1 SCR 3 2002 SCC 1 ; Conseil constitutionnel français, décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986, extraits reproduits en annexe).

Il n’est pas inutile d’indiquer que la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : « CEDH ») a consacré «le droit légitime d’une société démocratique de se protéger contre les agissements d’organisations terroristes» en élargissant «la marge nationale d’appréciation » quant aux restrictions à apporter aux droits et libertés. Elle estime que l’Etat responsable de la sécurité de sa population est « libre d’apprécier par lui-même les faits à la lumière des informations qu’il détient [.] notamment en raison du caractère diffus de la menace terroriste» (cf. Affaires Zana c. Turquie, arrêt du 25 novembre 1997 et A. et alii c. Royaume Uni, arrêt du 19 février 2009, citées par Frédéric Sudre et Alii, Les Grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, 6ème éd., 2011, pp. 68 et 90-91). De manière générale, à l’instar des chancelleries occidentales, cette juridiction de référence dans le domaine de la protection des droits de l’homme « examine avec une certaine bienveillance les mesures destinées à combattre le terrorisme » (ibid., p. 73).

Les mêmes auteurs ajoutent que, dans l’affaire Irlande c. Royaume-Uni, tranchée le 18 janvier 1978, la CEDH s’est montrée « particulièrement compréhensive à l’égard de mesures justifiées par une situation ‘très exceptionnelle’ autorisant l’arrestation de personnes que ‘l’on ne soupçonnait nullement de crimes’ comme simples témoins, et les personnes soupçonnées de terrorisme pouvaient faire l’objet d’une détention ‘extrajudiciaire’ pouvant aller de 72 heures à plusieurs années» (paras 212 et 217-218, p. 92). C’est dans ce sillage que la Commission européenne des droits de l’homme a aussi déclaré qu’«il ne lui appartient pas d’examiner de manière approfondie, l’opportunité des mesures prises par le Royaume-Uni pour combattre le terrorisme en Irlande du Nord » (affaire Mme W. c. Royaume-Uni, décision du 4 mars 1986, paragraphes 14 et 16, ibid., p. 139). En elle-même, la loi antiterroriste n’a rien d’excessif. D’abord, la loi anti-terroriste adoptée par le Parlement participe de la mise en oeuvre des résolutions itératives du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont la première est la Résolution 1373 (2001) du 28 septembre 2001. Cet instrument engage les Etats, en son point 2, lettre e), à [v]eiller à ce que toutes personnes qui participent au financement, à l’organisation, à la préparation ou à la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y apportent un appui soient traduites en justice, à ce que, outre les mesures qui pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de terrorisme soient érigés en infractions graves dans la législation et la réglementation nationales et à ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes.

Ensuite, l’on est frappé par le caractère très mesuré de la loi adoptée par les deux Chambres du Parlement. La loi camerounaise anti-terroriste n’a rien d’excessif. Elle s’inscrit dans une logique pénale, et non dans la logique de guerre qui aurait conduit à l’introduction de notions contestables de non-droit comme celle de «combattant illégal», dépourvu du moindre droit, ou de camps d’emprisonnement insolites comme Abu-Ghraib et Guantanamo. Dans la même perspective, tenant compte de la complexité des enquêtes en matière de lutte contre le terrorisme, la loi en cause prévoit des délais de garde à vue plus longs que d’ordinaire, mais raisonnables: une durée de 15 jours, renouvelable sur autorisation du Commissaire du Gouvernement, suivant son article 11. En droit comparé, les durées de la garde à vue – «precharge detention» en langue anglaise – qui correspond à la détention avant d’être présenté à un juge, en matière anti-terroriste, va d’un jour (Canada) à . 28 jours (Royaume-Uni).

Enfin, à ceux qui reprochent à cette loi l’absence de mesures de prévention du terrorisme, il importe de rappeler que l’imposant dispositif militaire et policier spécifiquement mis en place dans les Régions de l’Extrême-Nord et du Nord et, dans une moindre mesure, à travers le pays participe largement de la prévention du terrorisme. En outre, dans le cadre de la mise en uvre de l’article 25 du Règlement de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) n° 01/03-CEMAC-UMAC-CM du 04 avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique Centrale, le président de la République a créé au Cameroun une Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF) par décret du 31 mai 2005. Par un autre décret du 11 mars 2006, il a ajouté aux missions de la Commission nationale anti-corruption (CONAC) celle de « surveiller les pratiques de corruption susceptibles de financer des activités terroristes ». L’on conviendra que toutes les mesures de lutte contre le terrorisme ne peuvent figurer dans le même type d’acte juridique, encore moins dans le même instrument juridique. Elles répondent cependant à un besoin social impérieux, au regard des atrocités perpétrées par les groupes terroristes en général et par le groupe Boko Haram en particulier (l’image insoutenable d’une petite fille se faisant égorger par des jihadistes de Boko Haram reste à jamais imprimée dans ma mémoire) ; mais aussi au vu de ce que la lutte contre ce groupe a déjà entraîné la mort
de plusieurs dizaines de membres des forces de défense nationales, sans compter les victimes civiles, plus nombreuses encore.

De solides garanties protègent les citoyens contre toute éventuelle interprétation abusive de cette loi par le Gouvernement
La loi anti-terrorisme ne donne pas carte blanche au Gouvernement pour réprimer le terrorisme comme bon lui semble, tant il est vrai que le combat légitime et primordial contre le terrorisme «ne justifie pas tous les moyens» (Fabien Marchadier, in : Dictionnaire de droits de l’Homme). La théorie de «la marge nationale d’appréciation» rencontre ses limites dans le contrôle judiciaire. La loi anti-terroriste soumet la lutte anti-terroriste à un cadre juridique contraignant ; l’Etat reste soumis aux exigences de légalité. L’accès au juge est aussi garanti. La proportionnalité, c’est-à-dire la pertinence des mesures de prévention et de répression du terrorisme prises par l’Etat par rapport aux risques sera évaluée par les juridictions nationales et par les mécanismes nationaux, régionaux ou universels. Ainsi, dans l’arrêt Leroy c. France, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé, le 2 octobre 2008, la condamnation d’un caricaturiste qui a fait l’apologie des attentats terroristes du 11 septembre 2001, estimant que celui qui se prévaut de sa liberté d’expression assume des responsabilités. La même juridiction a entériné l’atteinte du législateur au secret de la correspondance, au nom de la lutte contre le terrorisme, dans l’espèce Klass et autres c. Allemagne, arrêt du 6 septembre 1978. Par contre, des mesures prises par l’Etat ont été jugées disproportionnées dans l’affaire Incal c. Turquie, arrêt du juin 1988 (cf. Vincent Berger, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 13ème éd., Paris, Sirey, 2014, p. 260).

Il importe à cet égard de relever que, « [c]ompte tenu de la spécificité des [.] infractions terroristes, [la] loi confie leur répression exclusivement aux juridictions militaires » (cf. Exposé des motifs de la loi en cause. Cette compétence, consacrée à l’alinéa 3 de l’article 1er de la loi portant répression du terrorisme, est contestée par certains. Pourtant, la compétence des juridictions militaires ainsi consacrée n’est pas une nouveauté. En effet, la loi du 29 décembre 2008 portant organisation judiciaire militaire et fixant des règles de procédure applicables devant les tribunaux militaires posait déjà, à l’alinéa 4 de son article 3, que : « [.] le tribunal militaire de Yaoundé peut en cas de circonstances exceptionnelles telles que prévues à l’article 9 de la Constitution, de menaces graves à l’ordre public, de la sécurité de l’Etat ou de terrorisme, exercer ses attributions sur l’ensemble du territoire national ».

Le tribunal militaire n’est pas non plus une juridiction d’exception (sur la différence entre ces deux types de juridictions, voir Jean-Louis Atangana Amougou, «Les Tribunaux militaires et les Juridictions d’exception au Cameroun », in : Lambert Abdelgawad (Elisabeth), (Dir.), Juridictions militaires et Tribunaux d’exception en mutation, Perspectives comparées et internationales, Ed. des Archives contemporaines / AUF, 2007, pp. 91-98). D’autres ont dépeint la nouvelle loi antiterroriste comme liberticide, en ce qu’elle consacre la compétence des juridictions militaires qui, d’après eux, sont des juridictions d’exception. Il n’en est rien. Aux termes de l’article 2 de la loi du 29 décembre 2008 portant organisation judiciaire militaire et fixant des règles de procédure applicables devant les tribunaux militaires, « les tribunaux militaires sont des juridictions à compétence spéciale », et non pas certes des juridictions d’exception. D’autant que : i) la procédure applicable devant le tribunal militaire est celle «de droit commun sous réserve des dispositions spéciales » (alinéa 1 de l’article de la loi portant organisation judiciaire militaire et fixant des règles de procédure applicables devant les tribunaux militaires précitée); (ii) les débats devant le tribunal militaire se déroulent «conformément aux règles de droit commun» (alinéa 1 de l’article 19 de la même loi).

Le tribunal militaire offre par ailleurs des garanties procédurales classiques. Conformément à l’article 21 de la loi portant organisation judiciaire militaire et fixant des règles de procédure applicables devant les tribunaux militaires suscitée,
(1) les jugements du tribunal militaire sont susceptibles d’opposition ou d’appel ;
(2) la forme, les délais d’opposition ou d’appel sont ceux du droit commun ;
(3) l’appel est porté devant la Cour d’Appel territorialement compétente ;
(4) les appels interjetés contre les jugements du tribunal militaire obéissent aux règles prévues par les articles 20 et suivants de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.

Par ailleurs, aux termes de ladite loi, les jugements du tribunal militaires sont « motivés en fait et en droit sous peine de nullité d’ordre public ». Enfin, les textes nationaux et internationaux régissant les droits et libertés demeurent en vigueur. Ils encadrent et limitent l’action des pouvoirs publics, sous le contrôle des mécanismes nationaux, régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme et des peuples (Commission nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Conseil des droits de l’homme des Nations Unies). La double exigence du respect de l’Etat de droit et des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, autant que celle du respect du droit des réfugiés et du droit international humanitaire est du reste itérativement rappelée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Prêchant par l’exemple, ces exigences sont mises en uvre par le Conseil de sécurité luimême, par le truchement du recours aux sanctions ciblées et la multiplication des exemptions humanitaires telles que le respect du droit à l’alimentation et à la santé. Elles sont davantage exaltées par les mécanismes régionaux de protection des droits de l’homme. Les affaires jointes, Kadi et Al Barakaat Foundation c. Comm. et Cons. U.E., tranchées le 3 septembre 2008, et Kadi du 30 septembre 2010, dans lesquelles la CEDH a refusé de valider des mesures prises en application des résolutions du Conseil de sécurité, jugées attentatoires aux droits de l’homme restent emblématiques à cet égard.

Pr. James Mouangue Kobila
camnews24.net)/n

Fecafoot: La réponse du Pr. Mouangue Kobila au Pr. Joseph Owona

L’agrégé de droit public a réagi à la lettre envoyée par le président du Comité de normalisation de la Fécafoot. La réaction intégrale

Douala, le 4 décembre 2014

Monsieur le Président du Comité de Normalisation de la Fécafoot

Yaoundé


Monsieur le Président,

Je vous prie de trouver, ci-après, mes observations liminaires sur la lettre du 2 décembre 2014,reçue le 3 décembre 2014 par courriel à 17h,que vous m’avez adressée, par laquelle vous estimez- à tort – que ma qualité de membre de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage du Comité national Olympique et Sportif du Cameroun (ci-après: «CCA-CNOSC») est incompatible avec celle de membre du Comité de normalisation de la Fédération Camerounaise de Football.

Dès lors que la qualité d’«organe juridictionnel» de la CCA-CNOSC, visée par les articles 44 et 59 de la Loi sur les activités physiques et sportives et par l’alinéa 2 de l’article 78 des Statuts de la Fécafoot ne fait pas de doute, vous vous fondez uniquement sur l’alinéa 2 de l’article 36 des Statuts de la Fécafoot, ainsi conçu:

[i «[u]n membre du Comité Exécutif ne peut être simultanément membre d’un organe juridictionnel de la Fécafoot ni délégué à l’Assemblée Générale».]

*

1- Dans le cas qui intéresse, peu importe de s’attarder sur les motifs qui vous amènent à soulever cette prétendue incompatibilité plus de dix mois après ma nomination à la CCA-CNOSC, plus de dix mois après que je vous ai annoncé cette nomination en vos bureaux, plus de neuf mois après que cette nomination ait été débattue en réunion du Comité de normalisation à l’instigation de Monsieur le Professeur Minkoa She, avec la conclusion que cette double appartenance ne posait aucun problème dès lors que je ne siège pas dans les formations destinées à trancher les litiges concernant la Fécafoot et plus de sept mois après ma prestation de serment radio-télévisée.

Seule importe, à mes yeux, d’appeler votre attention sur ce que la simple lecture des Statuts de la Fécafoot suffit à établir que l’incompatibilité visée ce texte ne jouerait que si un « membre du Comité exécutif » est en même temps « membre d’un organe juridictionnel de la Fécafoot ».

Or, il est évident que l’incompatibilité alléguée ne saurait jouer entre l’appartenance à l’organe exécutif de la Fécafoot et à la CCA-CNOSC, car la CCA-CNOSC n’est nullement «un organe juridictionnel de la Fécafoot».

i) L’alinéa 2 de l’article 78 des Statuts de la Fécafoot fait une différence limpide entre les juridictions internes de la Fécafoot, c’est-à-dire des juridictions créées, organisées et financées par la Fécafoot dans le but de régler les litiges concernant le football, relativement auxquelles est exigé l’«épuisement des voies de recours internes à la Fédération» et la CCA-CNOSC, instituée par l’article 37 du Règlement intérieur du CNOSC du 20 avril 2007, qui apparaît incontestablement-etnécessairement – commeune juridiction externe à la Fécafoot.

ii) Le législateur camerounais ne dit pas autre chose, qui pose sans ambages, à l’alinéa 2 de l’article 44 de la Loi camerounaise du 15 juillet 2011 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives qu’«[e]n cas d’épuisement des voies de recours internes à la fédération, l’une des parties peut, en dernier ressort au plan national, saisir la Chambre de Conciliation et d’arbitrage instituée auprès du Comité National Olympique et Sportif du Cameroun ». La loi énonce bien: «[a]uprès du Comité National Olympique et Sportif du Cameroun» ; et non : «auprès de la Fédération camerounaise de football», ce qui atteste, encore une fois le caractère extérieur de la CCA-CNOSC par rapport à la Fécafoot.

iii) Cette lecture est corroborée par l’alinéa 1 de l’article 59 de la Loi du 15 juillet 2011 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives qui précise encore plus clairement que «le Comité National Olympique et Sportif du Cameroun dispose en son sein d’une Chambre de Conciliation et d’Arbitrage». Au sein du CNOSC, pas au sein de la Fécafoot. Ce qui confirme définitivement l’extranéité de la CCA-CNOSC par rapport à la Fécafoot.

iv) La distinction entre, d’une part, les juridictions des «fédérations, associations ou autres organismes sportifs», dont la sphère de compétence se limite à leur discipline et, d’autre part, les juridictions externes et supérieures aux fédérations sportives (dont la CCA-CNOSC et le TAS font partie), caractérisées par leur polyvalence, apparaît clairement dans le Code d’arbitrage en matière de sport du Tribunal Arbitral du Sport(cf. le Statut des organes concourant au règlement des litiges en matière de sport, 1.S12, lettre b) et 3.S20, lettre b)).

v) En doctrine juridique sportive, il est établi que la notion d’«instance de règlement des litiges juridiques au c ur des fédérations sportives nationales (et de leur organe national déconcentré que sont les Ligues professionnelles» ou de «système interne de règlement des litiges», vouée au règlement des litiges dans le milieu institutionnel du sport,est étroitement corrélée aux «commissions aptes à régler des différends juridiques ou à se prononcer sur des opérations juridiques ponctuelles [dans] une discipline autonome» (Voir Jacques Barthélémy, «Instances des fédérations sportives nationales (1): litiges juridiques», in: Charles Dudognon / Bernard Foucher / Jean-Pierre Karaquillo / Alain Lacabarats (dir), Règlement des litiges au sein du mouvement sportif, Paris, Dalloz / Juris édition, 2012, pp. 15-21 (spéc., pp. 15 et 16).

vi) Ce commentateur ajoute, sous le contrôle rigoureux des quatre spécialistes du droit du sport ayant assuré la direction de l’ouvrage auquel il a contribué, qu’en matière de contentieux sportif, l’on ne peut qu’évoquer le «désistement de tout membre ayant eu un contact, relatif au dossier traité, avec une des parties» (ibid., p. 19). Laura Weillerest plus précise, qui fait observer que, « from the arbitrator’s standpoint first of all, the duty of loyalty entails an obligation to disclose any circumstances which could affect his or her independance or impartiality, even after acceptance of his or her assignment, so that the parties can exercise their right to challenge the arbitrator’s appointment (droit de récusation) [.] to avoid any risk of conflict of interest [recalling] the provision prohibiting Court of Arbitration for Sport arbitrators and mediators from acting as counsel for a party before the Court of arbitration for Sport » (voir de cet auteur, « The Major Principles of Arbitration Law and their Application in Sports Related Matters », Les Cahiers de l’Arbitrage, 2013, n° 2, pp. 337-348 (spéc., pp. 343-344)).Or, ces hypothèses ne sauraient être envisagées vis-à-vis d’un arbitre-conciliateur de la CCA-CNOSC qui n’a jamais siégé comme arbitre ou conciliateur dans les affaires relatives à la Fécafoot.

vii) Par surabondance, conformément aux préconisations de la jurisprudence arbitrale du TAS – dontla Fécafoot n’a jamais contesté la compétence – monappartenance au Comité de Normalisation ne pourrait être remise en cause que si les Statuts de la Fécafoot ou tout autre texte pertinent tire de ses dispositions relatives à l’incompatibilité des fonctions la conclusion selon laquelle «tout membre du Comité exécutif de la Fécafoot qui accepterait des fonctions au sein d’un organe juridictionnel sportif quelconque s’exclut elle-même de la Fédération camerounaise de football», ce qui n’est pas le cas (voir l’Avis consultatif TAS 94/128, Union Cycliste Internationale (UCI) et Comité National Olympique Italien (CONI), 5 janvier 1995, paragraphe 28). Il n’est pas inutile de relever que, dans cet avis, le TAS a noté que «les questions posées de même que les réponses qu’elles appellent dépassent largement le cas d’espèce et même le sport cycliste dans son ensemble» (paragraphe 10).

viii) Par ailleurs, la position formulée dans votre correspondance du 2 décembre 2014 est absurde, car elle revient à soutenir que la Fécafoot et le CNOSC, «institution représentative de l’ensemble des acteurs privés du sport, à savoir les associations sportives, les fédérations et leurs licenciés» (Sandrine Giummarra, Les droits fondamentaux & le sport, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2012, pp. 239-241 ; Frédéric Buy / Jean-Michel Marmayou / Didier Porracchia / Fabrice Rizzo, Droit du sport, 2ème éd., Paris, L.G.D.J. / Lextenso éditions, coll. «Manuel», 2009, p. 108) partagent la même personnalité juridique. Or, tel n’est pas le cas, les Statuts de chacun de ces organismes affirmant séparément qu’ils jouissent chacun de la personnalité juridique.

ix) Vous semblez également méconnaître la différence entre un organe susceptible de connaître du contentieux de la Fécafoot et un organe juridictionnel de la Fécafoot. A vous suivre, le Tribunal Arbitral du Sport serait aussi un organe de la Fécafoot, dès lors qu’il connaît du contentieux des litiges sportifs concernant la Fécafoot en dernier ressort, à l’échelle internationale.

2- Subsidiairement, conformément à la déontologie juridictionnelle, en ma qualité de membre du Comité de Normalisation de la Fécafoot, je n’ai jamais siégé dans une affaire concernant la Fécafoot au sein de la CCA-CNOSC.

3- Encore plus subsidiairement, je n’ai jamais siégé dans aucune affaire au sein de la CCA-CNOSC.

4- Tout à fait subsidiairement, si par extraordinaire, vous mainteniez, après la lecture des présentes que l’incompatibilité entre les fonctions de membre du Comité de Normalisation de la Fécafoot et celles de membre de la CCA-CNOSC est constante, je me réserve le droit d’opter pour l’une des deux fonctions, d’autant plus facilement du reste que je n’en ai jamais exercé qu’une seule des deux.

*
Dans l’espoir que les observations ci-dessus permettront de vous rassurer sur mon intégrité professionnelle, je vous renouvelle, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.


James Mouangue Kobila
Professeur agrégé de Droit public
Membre du Comité de normalisation de la Fécafoot

Ampliations
– FIFA
– CAF

Pr. James Mouangue Kobila
DR)/n

Le Pr Mouangue Kobila et les incidents de Deido

«Une aussi grande légèreté de plume ne peut être que blâmable»

La nuit du 30 au 31 décembre dernier et les jours suivants, le quartier Deido à Douala est entré en éruption, causant d’importants dégâts matériels et des morts d’hommes, tous des Camerounais. Evénements regrettables, engrenage infernal mais schéma prévisible. Dans un article publié sur les réseaux sociaux, «Cameroun: la paix suspendue à un fil bien ténue», nous attirions déjà l’attention de l’opinion et de nos gouvernants sur le fait que notre pays tendait à devenir un baril de poudre à nos pieds. Il faut aujourd’hui insister sur le fait que la probabilité pour que la mèche de ce cocktail explosif soit allumée à Douala au cas où le compte à rebours n’est pas arrêté à temps est très grande: les émeutes de février 2008, les événements du jeudi 29 septembre 2011 sur le pont du Wouri, et les actuelles incidents meurtriers de Deido, tout semble désigner notre belle et cosmopolite cité portuaire comme le théâtre de lancement idéal. Encore une fois, relisons l’histoire: Douala, 24 septembre 1945; encore Douala, du 22 au 30 mai 1955.

En septembre 1945, des émeutes, parties de la misère, furent rapidement politisées et prirent tout aussi vite une tournure communautaire, sauf qu’à ce moment-là, les Camerounais faisaient tous ou presque partie de la tribu des exploités face aux Blancs. Voici comment décrit ces émeutes Richard Joseph, une voix que l’on conteste rarement: «D’une part les chômeurs, les travailleurs occasionnels mal payés et d’autres éléments du sous-prolétariat; d’autre part, les forces de la réaction coloniale, c’est-à-dire les colons, mais aussi certains membres de l’armée et de la police et quelques administrateurs»(1). Les émeutes du 22 au 30 mai 1955 commencèrent simultanément à Douala et à Mbanga. A Douala, le théâtre d’opération principal n’était pas Deido mais New-Bell. Ces émeutes, organisées par l’UPC, s’étendirent jusqu’à Nkongsamba, Edéa et Yaoundé et firent de nombreux morts et blessés.

Les émeutes de 1945 étaient incontestablement plus sociales que politiques mais elles furent politisées. Celles de 1955 furent davantage politiques mais sur fond de misère et de frustrations sociales. En dix ans, ce qui n’avait été au départ que social avait eu le temps de devenir politique, ce qui est le propre des engrenages. Parlant de ces deux émeutes, Richard Joseph affirme: «Ce qui compte le plus pour nous dans ces émeutes de 1945, c’est à quel point elles furent semblables à celles de 1955» (2). De même, ce qui nous paraît significatif dans les événements qui touchent Douala depuis 2008, c’est leur similitude profonde avec ceux des années 40-50 à Douala. 2008 était manifestement une explosion sociale due à la misère; sept 2011 marque l’irruption de la politique avec, comme en 1955, une tentative d’extension vers le Moungo profond qui, cette fois aussi, fait long feu. Décembre 2011 montre que ce cycle peut se répéter encore et encore, jusqu’à ce que la mèche prenne. Le chef de la communauté Deido, sur Canal 2 international, pensait certainement à une telle perspective lorsqu’il déclarait que «Certains attendent toujours un second tour à l’élection présidentielle», montrant par là que pour lui, on ne pouvait pas déconnecter ce qui s’est passé à Deido du climat sociopolitique général qui règne au Cameroun. Par là même, il semble choisir son camp et en cela il est dans son droit le plus absolu même si l’on peut déplorer qu’il ramène ainsi le structurel à la conjoncture, et propose pour le coup un schéma simplificateur et même simpliste à un phénomène récurrent de nature potentiellement volcanique. En la circonstance, on ne peut que saluer la pertinence et la profondeur de l’analyse de l’écrivain Lionel Manga dont le texte, «Le spectre du Léviathan», publié sur les réseaux sociaux, devrait être largement partagé et médité. Lorsqu’il parle «des frustrations qui s’accumulent au fil du temps comme le magma dans un volcan», quand il dit que «le quotidien baigne dans une violence aveugle qui explose lorsque les circonstances s’y prêtent comme à Deido récemment», il prend une hauteur salutaire devant une situation qui pousse certains, pourtant perchés sur un Himalaya de parchemins qui en imposent généralement à l’humble camerounais, à effectuer une plongée étonnante vers les miasmes des profondeurs: c’est le cas du Pr Mouangue Kobila.

Ce monsieur nous a tiré les larmes des yeux en relatant l’histoire pathétique de ses déboires avec l’autre Professeur, M. Maurice Kamto. Malgré le respect que le Pr Kamto a par ses prouesses dans l’affaire Bakassi mérité auprès des Camerounais de tous les points cardinaux, la plaidoirie larmoyante de M. Kobila a su toucher le c ur de plus d’un et, nonobstant la présomption d’innocence, a commencé à faire apparaître le Pr Kamto sous le jour peu sympathique d’un tyran somme toute pas très différent de nombre de ses collègues qui martyrisent de pauvres étudiants sans défense sur la plupart de nos campus universitaires. Voici qu’à la faveur des événements de Deido, M. Mouangue Kobila, plus Professeur que jamais, secoue la peau de l’agneau et montre qu’en fait celle du loup lui va bien mieux. Ecoutez-le plutôt et admirez ces accents qui font penser irrésistiblement à un certain M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur gérant les émeutes des banlieues en France en 2005: «C’est le lieu de rappeler aux uns et aux autres les termes de la Déclaration issue de la Conférence de Copenhague.». Le schéma simplificateur qu’adopte en la circonstance le Pr Mouangue Kobila, au regard de son pédigrée, gêne particulièrement, parce qu’il tente de le crédibiliser par des approximations scientifiques qui devraient faire honte à la science et à tous ceux qui s’en réclament.

Roger Kaffo Fokou, essayiste et poète
Journalducameroun.com)/n

Quel est le type de régime politique qui convient au Pr Kobila, agrégé de droit? Lorsqu’il parle «des références absurdes à un modèle de République ou d’Etat-nation aujourd’hui désuet», le mépris dont il charge ces mots semble si profond que l’on en vient à se demander s’il est même un républicain. Existe-t-il un modèle de république, digne de porter ce non, où les citoyens ne seraient pas des égaux? Faut-il croire que la protection des minorités, indiscutablement nécessaire quand il est prouvé qu’elles sont menacés où que cela se produise et pas nécessairement dans «leur village», «dans leur terroir» ou «sur leurs terres ancestrales» parce qu’il existe des minorités en exil qui n’en sont pas pour autant des minorités défendables quand elles sont menacées, correspond-elle forcément à l’enfermement des individus dans un carcan tribal artificiel qui jure avec un brassage quotidien auquel aucune tribu n’échappe, brassage d’autant plus intense dans des cités cosmopolites comme Douala où le Nigérian ou le Chinois ne peuvent qu’être surpris de la volonté de certains à vouloir distinguer des gens qui sont si semblables à leurs yeux? Semblables par la discrimination sociale qui les frappe pareillement autant que par une histoire et une géographie tribales autrefois dressées d’infranchissables fortifications heureusement de plus en plus poreuses si bien que pour beaucoup le fait tribal, loin de diviser tend de plus en plus à unir? Le Pr Kobila se rend-il compte que les Camerounais qui se marient dans leur village seront bientôt minoritaires et que ceux qui se sont retrouvés à l’étranger estiment de plus en plus que se marier à un/e Congolais/e c’est choisir le village d’à côté? Comme le disait justement Renan, l’un des premiers défenseurs de l’universalité que M. Kobila propose en référence, «La vérité est qu’il n’y a pas de race pure et que faire reposer la politique sur l’analyse ethnographique, c’est la faire porter sur une chimère». En écho à Renan et sans doute insensible à la désuétude du modèle national, M. Barack Obama nous révèle: «Je pense en outre que le génie de l’Amérique a toujours résidé en partie dans sa capacité à intégrer de nouveaux venus, à forger une identité nationale à partir des groupes disparates débarquant sur nos côtes» (2). La grande contradiction du professeur, c’est justement de vouloir défendre la théorie de l’universalité et de la diversité qu’avait si bien soutenu Ernest Renan à la Sorbonne en 1882, mais à l’aide des arguments de Fichte et de Herder qui ont inspiré en Allemagne les partisans de la Shoa fanatisés par Hitler. Quand il parle de «certains habitants de la ville de Douala animés par une volonté hégémonique», il reprend un discours qui fit fortune dans les années 90 lorsque M. Mono Djana encore dans ses beaux jours et espérant par là accéder à l’échelle de promotion de l’Etat clientélo-tribal prêchait «l’ethno-fascisme». On sait qu’il s’est passé depuis l’époque. Ce saut dans le passé est forcément périlleux et il ne fera pas du Pr Mouangue Kobila, tout agrégé qu’il est, un homme du futur. Il est vrai que le passé a tellement l’air de devoir se succéder à lui-même dans notre pays qu’il semble à certains compatriotes, pressés de mettre en valeur des parchemins parfois laborieusement acquis, de plus en plus risqué de parier sur le futur.

Les émeutes de 2008 à Douala
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