Erick Tambo Gankam veut mettre ses compétences en e-learning au service du Cameroun

Après avoir travaillé longtemps en Allemagne, il a conçu un projet de e-learning pour son pays

Qui est Eric Tambou Ngankam ?
Je suis un étudiant camerounais qui, après le baccalauréat, a migré vers l’Allemagne ça fait plus de 12 ans. J’ai étudié à l’Université de Dortmund et après mes études, j’ai commencé la recherche à l’université virtuelle de Hagen qui est en fait la plus grande en Allemagne avec la particularité qu’on n’a pas des étudiants dans le campus. Ces derniers sont disséminés dans toute l’Allemagne, dans les pays d’expression allemande (Autriche, Suisse, etc.) et dans les pays de l’Europe de l’Est (Ukraine, Russie etc). Ils font des études à distance à travers l’Internet et des systèmes d’apprentissage en ligne (e-Learning). J’ai eu à travailler dans cette institution pendant presque 5 ans quand j’étais étudiant et l’idée m’est venue de continuer dans le domaine en orientant un peu plus mon travail vers l’Afrique. Je dirige depuis cette année le groupe de recherche ICT4 Development (Technologie de l’Information et de la Communication au service du Développent) dans le département des systèmes coopératifs de cette université.

Comment est né l’envie de monter un tel projet ?
C’est d’abord le besoin de contribuer un peu à l’évolution de mon pays avec l’expérience que j’ai eu à accumuler durant mes études et ma vie professionnelle, j’ai travaillé dans une université virtuelle. Et puis, peut-être que ça vient un peu de ma famille parce que mon père est informaticien et ma mère est institutrice. C’était peut-être aussi le moyen de rejoindre les deux. C’est une thèse de doctorat et dans le cadre de cette thèse pour mieux étudier les particularités, je suis allé et devrait encore retourner dans des universités au Cameroun pour faire une étude des lieux, pour voir un peu les différents problèmes infrastructurels. Quand on parle de e-Learning, on a besoin d’énergie, de bande passante au niveau d’Internet, donc il faut faire une étude des lieux, des processus didactiques, comment les étudiants fonctionnent là-bas. J’ai déjà fait presque trois mois et j’ai travaillé à l’Université des Montagnes puis à l’IUT de Bandjoun, parce que l’IUT est un peu la plus vieille institution qui fait dans le e-Learning, ils ont un programme complet. J’ai aussi eu des échanges avec les enseignants de l’école Polytechnique qui ont aussi un programme d’e-Learning et c’est sur la base de ces résultats, de cet état des lieux là que j’ai développé une solution propre au contexte socio infrastructurel du Cameroun.

Concrètement c’est quoi le e-learning ?
C’est l’enseignement à distance supporté par les technologies de l’information et de la communication. L’approche didactique sur laquelle j’ai travaillé dans le cadre de ma thèse de doctorat est le séminaire, on peut aussi faire des travaux dirigés, des travaux pratiques à distance, mais le séminaire présentait l’approche idéale compte tenu de la modélisation de ces différentes étapes. L’expert à priori n’est pas obligé d’avoir un background didactique car il est assisté par le système et peut superviser les étudiants en Afrique du pays ou il réside même si c’est à des milliers de kilomètres. Donc ici et là, il prend 9 à 12 étudiants qu’il supervisera pendant 6 ou 8 semaines sur un thème précis où il a une certaine expertise. Au dessus de la plate forme, il y a un réseau social pour mettre les experts de la diaspora avec les institutions académiques africaines en contact. Quand on parle du web 2.0 aujourd’hui c’est un réseau participatif et interactif. Les institutions académiques du pays pourront publier leurs besoins dans le domaine des séminaires et les experts aussi de leur côté pourront publier leurs profils. Les travaux que les étudiants rédigent sont référencés dans un système de publication. Ça permet d’augmenter la visibilité de certains travaux scientifiques: Il y a beaucoup de travaux qui se font dans nos universités, mais ils sont difficilement accessibles parce qu’ils ne sont pas généralement digitalisés et indexés par des moteurs de recherche. Une autre particularité de la plateforme est qu’elle se base sur des applications légères ou gadgets qui ne nécessitent pas une connexion internet continue (offline) et qui tourne sur des supports légers comme une clé USB. Les gadgets qui constituent l’environnement de travail des étudiants se synchronisent avec la plateforme en ligne aussitôt qu’une connexion est disponible. Cette approche augmente la flexibilité de l’étudiant qui peut travailler n’importe où, n’importe quand et sur n’importe quel ordinateur, indépendamment de sa connexion. C’est une réponse aux difficultés socio-infrastructurelles (énergie, accès constant à l’internet, accès aux ordinateurs, etc) qui caractérisent notre environnement en Afrique. Le travail á été rédigé en anglais et est publié sous une licence libre afin le rendre accessible a tout le monde (chercheurs, responsables d’université, décideurs, etc).

A quel niveau se trouve le projet?
La thèse c’est d’abord un travail scientifique, la synthèse a été réalisée, il y a un prototype aussi qui a été réalisé, maintenant il faut passer à la phase opérationnelle. C’est à ce niveau que le projet se trouve maintenant. Et on a besoin des capitaux, on est ouvert à toute institution qui peut financer, les institutions de la coopération, parce que c’est un peu aussi un apport au transfert des savoirs.

De quels appuis bénéficiez-vous ?
Nous avons lancé un appel aux institutions de la coopération allemande, de la coopération européenne, les ministères au pays, on est en contact déjà avec le ministère de la recherche scientifique. L’association des techniciens informaticiens du Cameroun en Allemagne appuie aussi le projet à travers ses experts qui sont ici.

Dr. Gankam Tambo Erick
Journalducameroun.com)/n

Quelle est la place que vous accordez à cette technologie appliquée à l’éducation à côté de la technologie appliquée à la santé?
Moi je pense que chacun doit faire son homework comme les anglophones disent. Il n’ y a pas une recette modèle, moi je suis un expert dans le domaine du e-Learning et j’essaye de donner le maximum de moi en proposant des solutions par rapport à mon expertise, à mes skills. Dans le domaine de la sante, de l’énergie et dans beaucoup d autres domaines, il y a des projets innovants, c’est la somme de toutes ces innovations là qui vont donner à la fin un résultat positif au développement. Donc moi en fait c’est ma contribution dans le domaine où j’ai l’impression que j’ai quand même accumulé une expérience de dix ans et c’est dans ce domaine que j’ai l’impression que je pourrais être un peu plus pointu.

Et selon vous, quelle est la place que devrait avoir la diaspora dans developpement du Cameroun ?
Je crois que ce n’est pas seulement le rôle de la diaspora, c’est le rôle de tout camerounais. Fanon le disait encore, chaque génération doit identifier son combat et puis servir la cause ou bien la trahir. En fait ça doit être un devoir moral pour toute personne, que tu sois au Cameroun ou que tu sois à l’extérieur de toujours avoir le focus, de toujours orienter tes activités sur le continent ou sur ton pays. Donc la diaspora particulièrement parce que je pense qu’elle jouit de certains privilèges, privilèges ici sur le plan de la technologie et de l’accès aux savoirs. Je pense que ce n’est pas l’aide au développement international, ce ne sont pas les autres qui viendront développer notre continent à notre place. Avec l’expérience, les potentialités et le bagage que l’on a ici, ça devrait être un devoir moral. Je crois que la contribution au développement devrait être quelque chose de constant pour toute personne qui vit dans la diaspora. C’est un peu ma vision, je suis assez lié au courant afro centriste.

Pour terminer un dernier mot, un souhait ?
Un souhait c’est que chacun fasse ses travaux, que chacun fasse ses homework et je pense que la solution viendra de là. Et puis, disons que je suis très optimiste pour le continent quand je regarde les différents projets qui ont été présentés au Davoc 2010 par exemple et l’évolution du continent ces dernières décennies, je pense qu’il y a beaucoup d’espoir.

Dr. Gankam Tambo Erick
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