Sénatoriales 2013 au Cameroun: Kamto force Biya à rejouer son jeu préféré

Par Maurice Nguepe, Secrétaire Général de l’Organisation Jeunesse Africain

Depuis sa démission du gouvernement et son élection à la tête du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), l’auteur de «L’Urgence de la pensée», Maurice Kamto, a, en moins d’un an, contribué à changer le paysage politique camerounais. Après être entré dans l’histoire comme l’artisan de la rétrocession de l’île de Bakassi au Cameroun, le président du MRC dont le passage au gouvernement a raffermi l’expérience dans la gestion des dossiers et des procédures politico-administratives de l’État, et dont la maîtrise des dossiers internationaux en fait l’un des hommes politiques qui pourront restituer au Cameroun sa respectabilité internationale, est désormais au centre de toutes les attentions au moment où, dans le triangle national, on l’appelle déjà le Barack Obama du Cameroun.

Le parti politique qu’il dirige, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), a initié une formation politique à ses jeunes membres qui occupent d’ailleurs des postes de responsabilité à tous les niveaux. Sans tambour ni trompette, le MRC, qui a fait le pari de réaliser le changement dans la paix, suscite l’adhésion progressive des personnalités traditionnelles, des intellectuels, des jeunes de tous bords et des opérateurs économiques qui pensent à raison que le système en place n’a jamais su les protéger. À l’origine de cet engouement, son projet de société reposant sur cinq piliers qui vont de la défense des valeurs fondamentales de la république (liberté, égalité et justice) à l’instauration d’un système de pension retraite pour tous et d’une couverture sanitaire universelle, en passant par la production des richesses, la solidarité nationale entre les régions, la réorganisation du système scolaire et le pacte stratégique avec la diaspora.

La nouvelle dynamique inspirée par Maurice KAMTO et le MRC a donc de quoi redonner espoir à un peuple dépassé et désorienté par plus trente ans de gabegie et de perte de valeurs. L’appel à la prise de conscience politique des masses, doublé de la formation de celles-ci, a fait tache d’huile et mis le gouvernement et le régime à mal. L’origine de l’organisation des sénatoriales avant les municipales et les législatives est à chercher dans ce contexte. En effet, en faisant élire, en avril 2013, les Sénateurs par un collège de conseillers municipaux au mandat expiré depuis juin 2012, le régime mettait en place la phase 1 de la stratégie de torpillage du MRC. La nomination de Marcel Niat Njifenji à la tête du Sénat représente la phase 2.

Comment comprendre ce jeu? On sait que depuis 1990, le régime de Yaoundé a toujours considéré les régions d’origine des leaders politiques comme leurs bases électorales. Cette vision régionaliste et tribale de la politique lui a longtemps permis de créer la division et le découragement des masses à travers la promotion spectaculaire d’autres ressortissants de la région d’origine des leaders politiques influents. C’est le jeu politique le plus permanent du système Biya. Pour montrer en quoi il consiste, on peut en retracer quelques moments forts et en dégager les règles:

1. 1991, l’UNDP de Samuel Eboua bénéficie d’une vaste adhésion des populations dans la région du grand Ouest (Littoral, Sud-ouest, Nord-ouest et Ouest). Le pouvoir, inquiété, encourage Bello Bouba Maigari qui débarque Samuel Eboua de la tête du parti à l’issue du Congrès des 4 et 5 janvier 1992 à Garoua. Samuel Eboua, insatisfait, crée le MDP qui disparaît à sa mort. La mobilisation populaire dans le grand Ouest faiblit et le grand Nord (Adamaoua, Nord, Extrême-nord) se rallie massivement à l’UNDP. Fidèle au principe de diviser pour mieux régner, le régime copta Hamadou Moustapha et Issa Tchiroma au gouvernement. Bello Bouba ne résista pas lui aussi à la tentation d’y entrer et perdit de ce fait sa posture d’opposant. Depuis lors, le grand Nord est suffisamment émietté et ne saurait plus servir de base à une force politique soudée pouvant mobiliser les masses populaires.

2. La prise de l’UNDP par Bello Bouba ressemblait, en 1992, à un hold up, encouragé par le pouvoir pour contrer la mobilisation populaire dans le grand Ouest (Littoral, Sud-Ouest, Nord-ouest et Ouest), ce qui irrita les populations de cette région. Le SDF de John Fru Ndi, originaire Bamenda, devint alors l’alternative, et c’est la dynamique du changement inspirée par ce parti qui suscita désormais l’adhésion massive des populations. Le régime rejoua le jeu et nomma un autre ressortissant de Bamenda, Simon Achidi Achu, Premier ministre, le 9 avril 1992 afin de freiner l’adhésion en masse au SDF. Lorsque la mobilisation populaire en faveur du SDF baissa, le jeu se termina et le Premier ministre perdit son poste le 19 septembre 1996. Le même Achidi Achu n’a-t-il pas été réutilisé dans le jeu pour contrer John Fru Ndi aux sénatoriales du 14 avril 2013 et consacrer ce que plusieurs analystes ont considéré comme étant la mort politique de ce dernier?

3. 2012-2013, avec la nouvelle dynamique portée par Maurice Kamto et le MRC, le régime a repris le jeu dont les règles n’ont ni changé ni évolué. Conscient de la force montante du jeune parti, ce n’est pas pour faire honneur à la région de l’Ouest ou pour rééquilibrer les forces politiques nationales que Paul Biya a nommé Marcel Niat Njifenji président du Sénat. L’objectif est, au contraire, de disperser les adhésions au MRC, créer la confusion et calmer les rancoeurs pour un temps, le temps des élections municipales et législatives. Nul doute que Marcel Niat Njifenji pourra être éjecté le moment venu, si jamais il est établi que le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) faiblit dans sa capacité à mobiliser les masses.

Comme on le voit, on peut changer les joueurs et les pions, mais le jeu est toujours le même, à savoir un ensemble de stratégies de division des forces politiques dans la perspective de la conservation du pouvoir. Jamais la modernisation des institutions républicaines n’en est le but ultime. L’actuel président du Sénat fait donc partie du jeu et se prête volontiers comme un pion aux mains du joueur Biya, de la même manière que l’ont fait Simon Achidi Achu, Bello Bouba, Issa Tchiroma, et la liste, construite en plus de trente ans, est longue. Maurice Kamto et le MRC sont donc au c ur de la reconfiguration de la carte politique du Cameroun. Le défi de ce parti est dès lors de trouver le moyen de contrer ce jeu, de le rendre caduque, ce que ni l’UNDP ni le SDF n’ont pu faire en leur temps.

Pour le contrer, son approche pédagogique et socio-communicative sera certainement d’une grande utilité. Il importe aussi que les populations camerounaises y participent en prenant conscience de ce que l’opposition politique, en laquelle elles ont bien souvent placé leurs rêves et leurs espoirs, ne s’est jamais divisée d’elle-même. Le pouvoir l’a divisée en nommant à des postes pompeux des concurrents aux leaders politiques à l’effet de semer le doute. La responsabilité populaire dans l’échec de la révolution camerounaise est à voir dans le découragement qui a fait suite à ce doute. Plus que l’opposition politique, ce sont donc les populations camerounaises qui devront surtout reconsidérer leur vision en s’armant d’un esprit téméraire pour ne plus se laisser abuser de façon répétitive par des promesses sans lendemain et des nominations à grand renfort médiatique. Elle doivent dès lors cesser de tomber dans le piège du pessimisme et s’inscrire massivement sur les listes électorales afin de faire valoir leurs voix, sachant que la biométrie offre des chances que celles-ci soient comptabilisées et reconnues.

C’est maintenant qu’il faut préparer le grand tournant de l’histoire du Cameroun.

Maurice Nguepe, Secrétaire Général de l’Organisation Jeunesse Africain
M. N.)/n

Cameroun – Le code électoral aux mille pattes : Appel aux intellectuels de tous bords

Par le Docteur Maurice Nguepe

Ainsi donc, les Camerounais ne verront jamais le bout du tunnel. Ainsi donc, sous le Renouveau, nous ne connaitrons jamais le réveil, jamais le progrès. Nous ne verrons jamais le jour, ce beau jour que les Sud-Africains et les Sénégalais ont expérimenté, ce beau jour où enfin les institutions justes et démocratiques règlent la vie et le destin des hommes. Ouvrir le Cameroun enfin à la modernité en créant des institutions justes et démocratiques, n’est-ce pas la chose la plus facile au monde? Mais de quoi avons-nous peur? De qui avons-nous peur?

Pourquoi tant chérir les ténèbres? Pourquoi tant adorer la jonglerie? Pourquoi les Lumières nous aveuglent-elles tant? Restituer au Cameroun tout ce qu’il nous a donné, voilà tout ce dont il est question aujourd’hui. Restituer cela au Cameroun signifie, en ces jours d’avril 2012, inclure dans le code électoral en élaboration, les fondamentaux de la liberté et de la démocratie qui sont : un scrutin à deux tours, un mandat présidentiel de 5 ans renouvellable une seule et unique fois, un nombre égal de scrutateurs dans les bureaux de vote ayant les mêmes droits et devoirs, le bulletin unique, un découpage électoral juste, la majorité à 18 ans, des débats télévisés entre candidats sur toutes les questions d’importance nationale et internationale, et l’indépendance de la commission électorale. N’est-ce pas ainsi plus facile à concevoir et à énoncer qu’un projet de code électoral de 299 articles ne contenant aucun de ces fondamentaux? Alors que la constitution camerounaise (1996) n’a que 69 articles, les 299 articles ne sont-ils pas destinés à rendre ledit code électoral inaccessible au peuple? Ne visent-ils pas à le désintéresser à la lecture du texte auquel il a le droit le plus absolu, et ce en le prenant au piège des syntaxes labyrinthiques aux mille pattes?

Intellectuels camerounais et idéologues de tous les partis, unissez-vous, notre responsabilité devant l’histoire est désormais engagée :

. Gaston Kelman, le RDPC du Cameroun n’est plus comparable à l’UMP de France. Sinon, le projet de code électoral en cours ne serait pas le manioc qu’il est devenu. Et sachant que tu n’aimes pas le manioc, le peuple te regarde et te demande de dire aux députés de ne point le manger.

. Calixthe Beyala, tu as beaucoup parlé de la crise en Côte d’Ivoire. Le moment est venu de parler de ton pays natal, de la terre de tes ancêtres, le Cameroun. Parle, adresse-toi aux députés et aux membres du gouvernement, touche leur conscience, comme tu sais le faire. Convaincs-les afin que de ce projet de code naisse non un autre archaïsme, mais un code électoral postmoderne qui suscitera, chez tes fils, petits-fils et arrière-petits-fils, un amour pour le Cameroun supérieur ou égal à celui que tu as pour la France des libertés.

. Mouangue Kobila, le juriste, le peuple attend de toi un communiqué contre la faiblesse de nos institutions judiciaires en raison de la phagocytose de l’exécutif, un communiqué qui fera dire le vrai droit, le droit de la justice, et qui rectifiera enfin la vision de ceux qui ont fait de la tricherie et de la jonglerie les instruments du torpillage du destin de tout un peuple.

. Ateba Eyene, mon ami de fac, l’heure est grave. Oui, l’heure n’est plus au rappel du coup d’État de 1986. Vois-tu, depuis 1986, il y a eu de nombreux autres coups d’État. Et le dernier en date est en préparation sous nos yeux, en ce moment même, à l’assemblée nationale, autour du code électoral. L’heure est à l’action pour lui faire échec. Le peuple attend ton sursaut patriotique.

. Vincent Sosthène Fouda, l’affaire Vanessa Tatchou n’aurait jamais trainé si longtemps sans dénouement si nos institutions étaient fortes et justes. Voici donc l’occasion véritable de lutter pour toutes les Vanessa du Cameroun. Peux-tu ressusciter l’espoir de la dernière fois, s’il te plaît? Nous attendons ton signal.
. Enoh Meyomesse, tu es en prison. Tel est le destin des défenseurs de la vérité. Mais prisonnier, tu restes un citoyen. Continue donc ton uvre, au nom de la postérité.

. Célestin Monga, Patrice Nganang, Achille Mbembé et Shanda Tomné, je ne vous plains pas. Vous avez l’habitude du verbe franc. Mais cette fois-ci, ne vous taisez surtout pas.

Intellectuels camerounais et idéologues de tous les partis, levez-vous et exigez notre entrée dans la modernité. Ce n’est plus une affaire de la société civile ou de l’opposition politique. C’est désormais l’affaire de nos enfants, de nos petits-enfants et arrière-petits-enfants. Comme nous souffrons aujourd’hui parce que nos grands-parents ont échoué à conquérir l’indépendance véritable, demain, nos arrière-petits-enfants auront le mal du Cameroun parce que nous aurons échoué à inscrire ce pays dans la modernité démocratique. Et si nous ne devons réussir ce combat, restons donc dans les ténèbres de la tricherie, du mensonge et de la corruption. Restons donc dans la jonglerie institutionnelle. C’est un mode de vie après tout.

Dr. Maurice Nguepe
Journalducameroun.com)/n