Cameroun: Paul Eric Kingue assure avoir « l’énergie » de se battre contre l’Etat

L’ancien maire de Njombé Penja, qui a recouvré la liberté le 16 juillet 2015 après huit ans de prison, demande une réparation de 23 milliards de F CFA à l’Etat au titre de réparation

Paul Eric Kingue veut obtenir réparation des années passées en prison et il entend le crier au monde si nécessaire. Et comme pour donner un plus grand écho à cette demande déjà formulée au lendemain de sa libération survenue en juillet 2015, l’ancien maire de Njombé Penja – commune située dans la région du Littoral – est allé exposer son désarroi à la chaîne de télévision France 24, qui a « envoyé » une journaliste à Yaoundé pour réaliser un entretien. Ledit entretien a été diffusé hier, lundi 09 mai 2016, en soirée, dans le « Journal de l’Afrique ».

Sur cette télévision française, Paul Eric Kingue a indiqué qu’il demande 23 milliards de F CFA à l’Etat au titre de la réparation pour les « dommages très graves » subis durant sa détention.

« Au cours de ma détention, mon épouse est partie, j’ai perdu tout ce que j’avais, mon fils est décédé », a-t-il rappelé, arguant aussi qu’en ce qui le concerne, il n’y avait « rien » dans le dossier qui l’a conduit en justice.

« J’avais osé demander que les sociétés de bananeraies du Cameroun, ce sont des sociétés françaises de la Compagnie fruitière, paient les impôts; et cessent de pulvériser des produits chimiques sur nos populations et qu’en plus elles améliorent les conditions des ouvriers des plantations de Njombe Penja. Il y a des intérêts au plus haut niveau de la République du Cameroun, des gens qui ont des actions dans ces bananeraies. Et du coup, lorsque j’ai posé ces problèmes, tous se sont levés contre moi et ont décidé de déclencher une machine ravageuse contre ma modeste personne et c’est ainsi que les accusations se succédaient les unes après les autres. Il n’y avait rien, le dossier était vide, j’ai été acquitté pour faits non établis », affirme P.E.K.

En accord avec Transparency International et l’ONU
Dans un rapport commis en septembre 2014, suite aux allégations de Paul Erik Kingue, la section camerounaise de Transparency international avait aussi soutenu que le maire faisait face à «un véritable rouleau compresseur politico-judiciaire». Elle avait dénonçé dans le même sillage la connexion entre les puissances de l’argent et les autorités administratives ainsi que « la situation d’impunité dans laquelle se complait l’industrie bananière au Cameroun. »

La Société des Plantations du Haut-Penja (PHP), détenue majoritairement par la société française Compagnie fruitière, avait aussitôt critiqué le document de Transparency International, le qualifiant de « brulôt » et de « pseudo-rapport ». Dans sa réponse, publiée sous forme de lettre ouverte et mettant à contribution 5103 de ses employés, la PHP défendait: «verser régulièrement, à hauteur de plusieurs centaines de millions de F CFA par mois les impôts et taxes dus à l’Etat auprès de la Direction des grandes entreprises (DGE)».

Mais P.E.K., lui, n’en démord pas, et met ses huit années d’emprisonnement sous le compte de l’abus. « Je veux que l’Etat du Cameroun prenne ses responsabilités. Autant il est prompt à arrêter des gens n’importe comment; autant il devrait être prompt à réparer lorsqu’il est dans le tort », estime l’ancien maire.

Il y aurait cependant une subtilité dans la décision rendue par la Cour suprême en juillet 2015. Dans une édition publiée le même mois, l’hebdomadaire Kalara, spécialisé dans le traitement des affaires judiciaires, soulignait que l’ancien maire n’avait pas été formellement « acquitté » par la haute juridiction du Cameroun. Cette dernière avait plutôt annulé les procédures l’ayant conduit en prison, prescrivant que l’enquête judiciaire recommence à zéro là où elle avait commencé, c’est-à-dire au tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba (Littoral-Cameroun).

L’ancien maire peut cependant s’appuyer sur un soutien de poids: le 29 août 2014, un peu moins d’un an avant sa remise en liberté, le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire de l’ONU avait émis un avis qualifiant la détention de l’ancien maire de Njombé Penja d’«arbitraire» et demandant par conséquent à l’Etat, entre autres, « d’accorder les réparations appropriées à la victime ».

« J’ai été injustement accusé, je dois être payé, ça doit être réparé; sinon je suis dans la rue (…) mon cas est un cas probant de violation ostentatoire et barbare des droits humains en Afrique », s’insurge-t-il.

Voie légale et voie officieuse
« Le président de la République a bel et bien reçu mes requêtes; le Premier ministre les a reçues, j’ai suffisamment d’énergie pour me battre partout où besoin sera pour que mes droits soient recouvrés. Le président de la République, s’il est conscient que le Cameroun n’a pas déjà très bonne presse dans le monde, s’il est conscient que le Cameroun est un Etat auquel on ne croit plus beaucoup à l’extérieur, s’il est conscient de tous ces éléments, il ne doit pas m’ajouter dans cette lutte. Parce que moi j’ai de l’énergie pour ça, je n’ai pas peur d’être assassiné par le régime », a menacé Paul Eric Kingue sur France 24.

Des chances de succès? la démarche adoptée par l’ancien maire de Njombé Penja n’est pas cependant celle prévue dans le Code de procédure pénale du Cameroun. A l’article 236 dudit Code, il est recommandé que: « toute personne ayant fait l’objet d’une garde à vue ou d’une détention provisoire abusive peut, lorsque la procédure aboutit à une décision de non-lieu ou d’acquittement devenue irrévocable, obtenir une indemnité si elle établit qu’elle a subit du fait de sa détention un préjudice actuel d’une gravité particulière. »

L’article suivant précise que le montant de l’indemnité est arrêté par une Commission. Cette dernière doit réunir: un conseiller à la Cour suprême, deux magistrats de la cour d’appel; un représentant de l’autorité chargée du Contrôle supérieur de l’Etat; un représentant de l’administration en charge de la Fonction publique; un représentant de l’administration en charge des Finances publiques; un député désigné par le Bureau de l’Assemblée nationale; le bâtonnier de l’Ordre des avocats ou son représentant. Cette Commission, dont les membres sont désignés pour trois années, ne se serait jamais réunie, d’après des explications obtenues à Kalara.

C’est peut être en entrevoyant les difficultés qui se poseraient à ce niveau que P.E.K. a choisi d’écrire directement au président de la République.

«Le Cameroun est une République dominée par une présidence forte», constate régulièrement le département d’Etat américain dans ses rapports annuels sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun.

Paul Eric Kingue
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Paul Erik Kingue libre

La Cour suprême du Cameroun a cassé jeudi les condamnations prononcées en instance contre l’ancien maire de la commune de Njombé-Penja. Il a été acquitté après sept années passées en prison

Une décision pour lui redonner la joie de vivre. La Haute juridiction du Cameroun a ordonné jeudi, 16 juillet, la mise en liberté de l’ancien maire de Njombé-Penja, commune située dans le département du Moungo, région du Littoral. Cet arrêt de la Cour suprême survient, pour Paul Erik Kingue, deux jours après la perte de son frère ainé et un peu plus de quatre ans après celle de son fils.

«J’ai perdu tout ce que j’avais de ma vie, en dehors de ma propre vie. C’est Dieu qui me maintient debout au regard des péripéties insupportables que j’ai connues», a -t-il déclaré hier à la presse, à la sortie de l’audience.

Paul Erik Kingue est néanmoins retourné en prison, attendant le certificat de levée d’écrou.

C’est donc la fin du calvaire pour celui qui aura passé un peu plus de sept années en prison, après des condamnations prononcées en instance et en appel. La Cour suprême était son dernier recours judiciaire.

Chronologie des faits
Arrêté le 28 février 2008, à la suite de ce qui avait été qualifié d’émeutes de la faim, le Tribunal de grande instance de Nkongsamba avait condamné le maire, le 19 janvier 2009, à six ans de prison ferme, et 800 millions de F CFA de dommages et intérêts à la Société des plantations du Haut-Penja.

Le 29 février 2012, Paul Eric Kingué avait de nouveau été condamné par le tribunal à une peine de prison à perpétuité pour un détournement présumé de deniers publics alors qu’il exerçait le mandat de maire de la commune de Njombé Penja.

En appel, le 26 mars 2012, la cour d’appel du Littoral avait réduit la réclusion perpétuelle à dix ans d’incarcération.

Le 29 août 2014, le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire de l’ONU émettait un avis qualifiant la détention de l’ancien maire de Njombé Penja d’arbitraire.

Le 21 mai 2015, les juges de la Cour suprême se prononcèrent en faveur de la relaxe du maire au motif que les deux procédures qui le maintenaient en détention étaient entachés de nombreuses irrégularités.

«L’acte que la Cour suprême vient de poser est l’arbre qui casse la forêt. Il ne faudrait pas que la Cour suprême s’érige en juridiction qui vient corriger les jugements que les instances inferieures auraient dû faire. Si c’est le cas, les dommages seront énormes. Je viens de passer huit ans en prison pour rien», a expliqué Paul Eric Kingue jeudi aux journalistes.


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Affaire Paul Eric Kingué: la Cour suprême du Cameroun convoque enfin l’accusé!

Par les amis de Paul Eric Kingué, ancien maire de la commune de Njombé-Penja

Il y a cinq(05) ans, Paul Eric Kingue introduisait un recours en cassation à la Cour Suprême du Cameroun, après sa condamnation par la Cour d’Appel du Littoral dans l’affaire qualifiée « d’émeutes de février 2008 ». Réagissant enfin à son recours, cette auguste juridiction vient de le convoquer pour ce 21 mai 2015 à 07:45. Dans la même foulée, la seconde affaire l’opposant à la commune de Penja a été elle aussi, enrôlée par la Cour Suprême ce 21 mai. En résumé Paul Eric Kingue passe devant la Cour Suprême le 21 mai 2015 pour deux procès.

S’achemine-t-on enfin vers le dénouement de ce feuilleton qui a fait des vagues au Cameroun depuis 2008? Ses avocats disent être confiants pour l’acquittement de leur client qu’ils croient comme fer, innocent. La Cour Suprême sauvera-t-elle l’image de la justice dans cette affaire qui a jeté du discrédit sur la qualité des jugements rendus antérieurement? WAIT AND SEE!

En guise de rappel, en octobre 2014, l’ONU condamnait le Cameroun à libérer ce détenu et à réparer les préjudices qui lui ont été causés par sa longue détention qualifiée par le Groupe de Travail des Nations Unies sur La Détention Arbitraire, d’illégale et arbitraire. En attendant Paul Eric Kingue attend vos soutiens massifs ce jour là, à la Cour Suprême.


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Njombé Penja: «Les employés» de PHP en colère contre Transparency International

Ils ont adressé une lettre ouverte à l’ONG, dénonçant «les allégations sans fondement» contenues dans le rapport sur l’exploitation de la banane dans le département du Moungo

Les «employés» de la Société des Plantations du Haut-Penja (PHP) ont adressé une «lettre ouverte au président de Transparecy International Cameroun, Me Charles Nguini, en rapport avec l’un des derniers rapports de l’ONG, consacré à l’exploitation de la banane à Njombe-Penja.

Les auteurs de la lettre s’indignent contre Transparency International, à la suite d’un rapport publié le 20 août dernier et intitulé: «le fruit de la discorde et sa saveur politique acide». L’Organisation non gouvernementale (ONG) y accusait la société des Plantations du Haut Penja (PHP), basée dans l’arrondissement de Njombé Penja, département du Moungo, région du Littoral, de corruption, illégalité fiscale, violation des droits de l’homme ; et d’être même à l’origine des déboires de Paul Eric-Kingue, ancien maire de Njombe Penja, aujourd’hui emprisonné.

Les 5103 signataires de la lettre – publiée dans son intégralité dans le quotidien Mutations sur sept pages – qualifient le «brûlot» de Transparency International de «pseudo-rapport» mené avec «l’absence d’investigation»; «le manque de professionnalisme» et colportant des «allégations sans fondement».

Récusant tous les griefs à elle imputées par Transparency International Cameroon, la PHP assure qu’elle «verse régulièrement, à hauteur de plusieurs centaines de millions de F CFA par mois les impôts et taxes dus à l’Etat auprès de la Direction des grandes entreprises (DGE)» ; et qu’elle «entretient une relation harmonieuse avec les communautés voisines fondée sur l’entraide, le dialogue et la recherche permanente d’une coexistence pacifique».

«Nous considérons que les conclusions de votre rapport sont écrites à l’encre de la haine et du mépris pour les employés camerounais et expatriés qui travaillent à la PHP et pour les communautés dans lesquelles nous vivons. Et c’est sûrement le plus inacceptable», concluent les «employés» de PHP dont la «sincérité» des signatures est attestée par Me Pierre Tchoumou, notaire à Mbanga. La lettre des 5103 employés de PHP date du 26 septembre 2014. PHP est détenue majoritairement par l’entreprise française «La compagnie fruitière».


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Transparency International Cameroun s’attaque à l’industrie de la banane

Dans un rapport publié le 20 août dernier, l’ONG dénonce des actes de corruption et de violation des droits de l’Homme perpétrés par des sociétés installées dans le Moungo

La section camerounaise de Transparency International dénonce la mafia organisée dans l’industrie de la banane au Cameroun dans l’un de ses derniers rapports, publié le 20 août 2014 sous le titre: «Le fruit de la discorde et sa saveur politique acide.» L’Organisation non-gouvernementale s’intéresse en particulier aux pratiques de la société des Plantations du Haut Penja (PHP), basée dans l’arrondissement de Njombé- Penja, département du Moungo, région du Littoral.

«Cette étude est en fait l’objet d’une plainte déposée par l’ancien maire de la commune de Penja, Paul Eric Kingué, au sujet de faits de corruption, attribués à la compagnie PHP dans cet arrondissement, pour le respect de normes de bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption dans le secteur privé. Il s’agit également d’examiner les relations entretenues entre la PHP et les milieux politique, administratif et judiciaire et leur incidence sur la population riveraine, en matière de violation des droits», indique l’ONG dans ce rapport sous-titré : «Comment la banane alimente la corruption et la violation des droits de l’homme à Njombé Penja (Littoral du Cameroun)».

Transparency international indique dans ce rapport que l’ex maire de Njombé- Penja, Paul Eric Kingué, aujourd’hui emprisonné, a payé le prix de son opposition à l’illégalité fiscale constatée auprès de trois sociétés: PHP, SPM et Groupe CAPLAIN. Selon l’ONG, lesdites sociétés ne se sont acquittées d’aucune obligation fiscale, pendant 30 ans. «Afin de voir plus clair dans ce dossier, Paul Eric Kingué a saisi les directeurs généraux des sociétés agro-industrielles bannières concernées par ce différend fiscal avec la commune de Penja, par voie de correspondance. Cette demande d’information va susciter une réponse sous forme d’offres de corruption initiées par les entreprises bananières PHP et SPM faites à Kingué».

«Par sa correspondance, le directeur général des Impôts confirme le bien-fondé de la requête de Paul Eric Kingué. Le directeur général annonce les renversements de ces sociétés au régime de droit commun des prochains exercices budgétaires. Dès lors, Kingué va s’exposer aux coups de boutoir et de semonce des principaux dirigeants de ces importants opérateurs agro-industriels, jurant d’avoir la tête du maire indocile». Et elles l’auront, à partir d’un prétexte. Lors des émeutes de février 2008 et des violences intervenues dans la commune de Penja, le maire sera accusé d’être l’instigateur de ces débordements. Après sa suspension par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Kingué se verra entrainer dans «un véritable rouleau compresseur politico-judiciaire», écrit Transparency International.

L’ONG dénonce également, dans ce rapport de 42 pages, les abus perpétrés auprès de petits cultivateurs de Njombé Penja, C’est surtout la connexion entre les puissances de l’argent et les autorités administratives que l’ONG tend à mettre en lumière afin de dénoncer la situation d’impunité dans laquelle se complait l’industrie bananière au Cameroun.

Cette enquête permet de voir «jusqu’à la caricature, comment les zones d’exploitation agro-industrielle, que sont les zones d’implantations des concessions bananières de l’arrondissement de Njombé-Penja, ploient sous l’arbitraire des grands groupes qui y sont installés et qui ne manquent jamais d’user de leur puissance démesurée, et souvent opaque, contre des communautés riveraines au statut social précaire et fragile», s’indigne Transparency International Cameroun.

Lire l’intégralité du rapport de Transparency International Cameroun

Première de couverture du rapport de Transparency International Cameroun sur l’exploitation de la banane à Njombé-Penja