Extraits du document « la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 » publié par Initiatives de gouvernance citoyenne
Le Vendredi 4 avril 2008, le Président de la République du Cameroun a transmis à l’Assemblée Nationale, convoquée en session ordinaire depuis le 12 mars 2008, le projet de loi n° 819/PJL/AN modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. Ce document comportait un exposé des motifs et deux articles normatifs : le premier relatif aux dispositions objet de modification ou de complément, le second relatif aux modalités de publication du texte une fois promulgué en cas d’adoption. Il s’agissait, à travers cette mise en mouvement de l’initiative présidentielle en matière de révision, conformément à l’article 63 alinéa 1 de la Constitution, de la mise en pratique de l’annonce faite dans l’adresse à la nation le 31 décembre 2007, en ces termes : « nous allons (donc), dans cet esprit, réexaminer les dispositions de notre Constitution qui mériteraient d’être harmonisées avec les avancées récentes de notre système démocratique afin de répondre aux attentes de la grande majorité de notre population ». D’un autre côté, selon les termes de l’exposé des motifs du projet de loi déposé, l’objectif affiché de l’auteur du projet était de « corriger les insuffisances » mises en évidence par « l’application de la Constitution », pour « raffermir la démocratisation de notre pays » et « renforcer et préserver sa stabilité politique et sociale ». Le projet de révision a été adopté, avec une légère modification au niveau de l’article 51 relatif au mandat des membres du Conseil constitutionnel, le jeudi 10 avril 2008, par 157 voix pour, 5 contre, l’ensemble du groupe parlementaire du SDF s’étant retiré de l’hémicycle peu avant le vote du texte. Ce décompte montre certes un vote massif des députés en faveur du texte proposé, mais aussi pose le problème du niveau de consensus politique réel ayant entouré la révision de la Constitution.
En tout état de cause, le Président de la République a promulgué le lundi 14 avril 2008, la loi n° 2008/001 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. De toutes les supputations que l’on pouvait faire dans l’attente de la révision constitutionnelle, bien malins sont ceux qui pouvaient penser que le mandat des membres du Conseil Constitutionnel posait un problème particulier. La nouvelle version de l’article 51 de la Constitution ramène le mandat des membres du Conseil Constitutionnel de neuf ans non renouvelable à « six ans éventuellement renouvelable ». Dans le projet de révision, il était proposé que le mandat soit de six ans non renouvelables. Cette nouvelle version de l’article 51, alinéa 1 intrigue. Le Conseil constitutionnel n’est pas une institution politique, il est en dehors du commerce institutionnel classique, et ne joue que le rôle de régulateur du fonctionnement des institutions, de juge électoral, d’oracle de la Constitution, en espérant qu’il jouera un jour directement le rôle de garant des libertés. Avec le mandat de neuf ans non renouvelable, l’on mettait les membres du Conseil en dehors des contingences politiques.
L’exposé des motifs du projet de révision explique la nouvelle version de l’article 51 en disant que cette dernière « harmonise le mandat des membres du Conseil Constitutionnel avec ceux des autres organes élus ou désignés de l’Etat ».Cette explication est étrange. L’on peine à identifier quel organe élu au sein de l’Etat dispose d’un mandat de 6 ans. Les membres du Parlement ont un mandat de 5 ans, tout comme ceux des conseils municipaux, tout comme ceux des conseils régionaux. Quant aux « organes désignés », terminologie délibérément vague, l’on peine à voir avec lesquels le Conseil constitutionnel serait dans une proximité de nature et de fonction. La seule lecture probablement suggestive serait d’apprécier la réduction du mandat des membres du Conseil constitutionnel en rapport avec le maintien proposé du mandat du Président de la République à 7 ans, de telle manière que le Chef de l’Etat soit le titulaire du mandat le plus long au sein de l’Etat. Dès lors, les membres du Conseil seront généralement nommés un an avant l’élection du Président de la République, éventuellement le Président qui sollicitera un nouveau mandat et au bon souvenir duquel il est espéré que les membres du Conseil nouvellement nommés voudront bien, le cas échéant, se rappeler. En dehors de cette perspective, l’on peine à voir le contenu de la dynamique d’harmonisation dont la nouvelle formulation est le reflet.
Cette modification gêne en ce qu’elle politise la perception d’une institution qui devrait précisément être à l’abri de considérations politiciennes. La formulation du nouveau mandat des membres du Conseil constitutionnel est pire que celle qui était contenu dans le projet de révision. Un mandat de six ans « non renouvelable » met les membres du Conseil dans une situation d’indépendance psychologique, par rapport à un mandat de six ans « éventuellement renouvelable », lequel incite le conseiller désireux d’être « éventuellement renouvelé » à une certaine « sagesse ». Cette logique des mandats « éventuellement renouvelables » est déjà présente dans le texte relatif à ELECAM (articles 8 alinéa 5, article 19, article 20 alinéa 1). La locution même de « éventuellement renouvelable » semble équivoque, dès lors que le terme « renouvelable » traduit l’idée d’éventualité.