Le camerounais Théodore KOUM NJOH, candidat à la prochaine élection législative fédérale au Canada

Il se présente dans la circonscription de Brampton Ouest/Toronto en Ontario, où il aura fort à faire pour s’attirer le vote d’une population multiculturelle

Pouvez-vous vous présenter à nos lectrices et lecteurs? (Etat-civil, parcours professionnel et associatif,.)
Je suis Théodore Romuald Koum Njoh né après la période du déferlement des indépendances des pays d’Afrique subsaharienne dans une banlieue portuaire de Douala-Cameroun, appelée Bonabéri. Après des études en Allemagne fédérale sanctionnées par un diplôme d’ingénieur en électrotechnique, je me suis installé à Toronto puis à Brampton en Ontario au Canada où je poursuis une carrière de chef d’entreprise. Je suis par ailleurs, depuis 2004, membre de l’Alliance des camerounais du Grand Toronto et de l’association Ngonda Sawa ô Canada. Je suis marié et père de quatre enfants.

Après «seulement» huit ans au Canada, vous vous lancez en politique. Qu’est-ce qui a justifié ou motivé cet engagement?
Depuis mon arrivée au Canada, j’ai toujours rêvé de servir mon pays d’accueil et aujourd’hui encore, seule compte pour moi l’espérance que formulent les canadiennes et canadiens à la question de savoir de quoi demain sera fait. Le Canada doit avoir le visage et la voix de toux ceux qui ont cru en lui, qui se battent pour lui, pour son idéal et pour ses valeurs. Je suis motivé par la volonté d’arracher du c ur de chacun le sentiment de l’injustice et de permettre à celui qui n’a rien, d’être un homme libre, à celui qui travaille d’être récompensé et à celui qui commence tout en bas de l’échelle sociale de la gravir aussi haut que ses aptitudes le lui permettent. Mais surtout, ma motivation est l’envie que les chances de réussite soient égales pour tous et de faire entendre la voix de ceux qui n’ont point de voix, insister sur le fait que les engagements que le Canada prend par le biais de ses représentations diplomatiques à l’étranger soient respectées à l’intérieur du pays, à l’exemple de la reconnaissance des diplômes étrangers des nouveaux immigrants et des nouveaux canadiens.

On sait que le Canada est un état fédéral, pourquoi n’avez-vous pas d’abord essayé de «faire vos classes» au niveau municipal (Toronto) ou provincial (Ontario)?
Quand on veut partager la souffrance de celui qui connait un échec ou une déchirure personnelle, il faut avoir souffert soi-même et non «avoir fait ses classes» à l’échelon municipal. J’ai connu l’échec et j’ai dû le surmonter. Quand on veut tendre la main à celui qui a perdu tout espoir, il faut avoir douté soi-même et non «avoir fait ses classes» au niveau provincial et il m’est arrivé de douter! Et pour moi, la politique n’est pas une carrière, c’est un service et le service n’est pas une option, c’est un devoir. Le besoin de servir m’a fait ressentir l’écrasante responsabilité morale de la politique et je suis convaincu de mieux servir au fédéral qu’à la province ou au municipal.

Les parcours des députés provinciaux québécois Maka Kotto, (d’origine camerounaise, comme vous) et Emmanuel Dubourg (haïtien d’origine) vous ont-ils inspiré? Et les connaissez-vous?
Personnellement, non! Mais comme tous les Noirs ethnoculturels du Canada je connais de réputation les députés Maka Kotto et Emmanuel Dubourg. Pour ce qui est de la première partie de la question, je vous dirai, que peu importe le parcours suivi, quand on arrive à ce niveau de responsabilité et surtout dans un pays où les vieux clichés et stéréotypes empruntés de l’esclavage sont encore présents, on devient forcément une fierté pour ses pairs. Cependant, mon inspiration émane beaucoup plus de mon désir de faire passer le Canada de l’état virtuel à l’état réel en bâtissant un avenir radieux pour nos enfants et en leur enseignant qu’au Canada il ne doit avoir aucune barrière insurmontable ni aucun objectif qui ne peut être atteint.

Théodore Koum Njoh, camerounais et homme politique canadien
Cyrille Ekwalla)/n

À votre avis, pourquoi peu de canadiens d’origine africaine et qui sont pourtant des immigrants de longue date au Canada, sont si peu présents dans le monde politique? Et que préconisez-vous pour y remédier?
Je ne voudrai pas jeter l’anathème sur les immigrants de longue date dont vous faites référence mais en règle générale bon nombre d’immigrants partent de leur pays d’origine pour des raisons économiques. Une fois arrivés au Canada, ils sont d’abord préoccupés par les problèmes d’accueil, d’établissement puis d’intégration économique. Cette intégration passe par plusieurs étapes dont la durée varie d’une personne à une autre. Le fait est que nos communautés n’étant pas encore considérées comme des acteurs pouvant influencer l’économie du pays, nous subissons les soubresauts des lobbyings et des communautés plus dynamiques. D’autre part, la politique étant étroitement liée à l’économie, je pense que l’implication des canadiens d’origine africaine dans les affaires politiques serait l’une des solutions pour la création d’une communauté économique et dynamique. Le facteur numérique est d’ailleurs favorable à cette percée si on s’en tient aux données d’immigration des deux dernières décennies.

Vous intéressez-vous à la vie politique du Cameroun, votre pays d’origine? Si oui, comment? Si non, pourquoi?
Bien sûr que je m’y intéresse! Mais pas seulement à la vie politique, aux aspects économiques, sociaux, sportifs, etc. Bref à la vie tout court. Je vous ai dit que je suis natif de Bonabéri et j’ai, comme tous les camerounais, des attaches familiales.

.Ma question portait sur l’actualité politique.
. J’ai bien compris où vous vouliez en venir. Oui, je lis, j’écoute. Mais voyez-vous, je ne voudrai pas m’appesantir sur la politique du Cameroun car je pense qu’à l’heure de la globalisation il faudrait que les pays d’Afrique mettent l’accent sur les stratégies de regroupement et d’entente pour donner naissance à une ou à des communautés politiques, économiques et monétaires respectables et suffisamment complices, pour permettre une lutte sans merci contre la pauvreté et l’accès au statut de pays émergents. Voilà ce qui m’intéresse quand on parle de l’Afrique.

On a récemment entendu et lu que le Canada comptait fermer certaines de ses représentations diplomatiques à l’étranger et celle au Cameroun en ferait partie. Quel est votre avis?
Être un homme public, c’est aussi connaitre ses champs de compétences. La décision du gouvernement du Canada en référence à la fermeture de certaines représentations diplomatiques canadiennes et en l’occurrence celle du Cameroun devrait probablement émaner d’un certain nombre de critères méconnus du grand public. Il serait donc inapproprié d’émettre un avis dans un dossier dont on ignore les tenants et les aboutissants. Cependant, il est clair que l’existence de représentations diplomatiques vise à renforcer de manière permanente les relations bilatérales avec les autres nations et dans tous les domaines. Je suis donc favorable à une politique d’implantation des représentations diplomatiques toutefois que les conditions le permettent.

Revenons à votre engagement. Trois partis politiques dominent la vie politique canadienne: Le PC (la Droite), le PLC (socio-démocrate) et le NPD (la Gauche socialiste), vous vous présentez en indépendant. Pourquoi?
Aujourd’hui, la majorité de canadiennes et canadiens ne savent pas ou ne savent plus très bien s’ils sont Libéraux (PLC), Conservateurs (PC) ou Néo-Démocrates, tellement leurs attentes ont été déçues. Et comme à mes yeux, aucun de ces trois partis politiques n’est aujourd’hui, idéologiquement, susceptible, ni d’endosser la vision des canadiennes et canadiens, encore moins mes valeurs, celles de l’équité, de l’ordre, du mérite, du travail, et de la responsabilité, vous comprenez que, fort de ce constat, la seule chose qui me restait à faire était de me présenter comme un candidat indépendant.

Dans votre projet pré-campagne, il y est dit que vous «.Voulez institutionnaliser la redevabilité sociale, solution nécessaire à la bonne gouvernance», qu’est ce que cela veut dire?
Au Canada, il y a 3 différents paliers gouvernementaux (fédéral, provincial et municipal) mais les élus (ministres, députés, maires, conseillers municipaux.) à travers ces différents paliers, non seulement ne travaillent pas de concert mais aussi ne conjuguent pas leurs efforts autour des besoins réels des canadiennes et canadiens. En période de campagne, on gave les électeurs d’une avalanche de promesses qu’on ne peut tenir, même si la constitution permettait un mandat de 20 ans. La conséquence directe de cette exhibition électorale est le désintéressement progressif des canadiennes et canadiennes, notamment celles et ceux issus de la nouvelle immigration (deux décennies) à exercer leur droit de vote. Le Premier ministre de la Colombie britannique en a récemment payé les frais. Il devient par conséquent impératif d’impulser une nouvelle approche qui donnerait naissance à une nouvelle race de politiciens épris de bonne gouvernance et résolus à s’en servir comme boussole politique. C’est pour cela que je défends l’institutionnalisation de la redevabilité sociale qui exigerait aux élus du peuple de publier et de justifier leurs plans d’action, leur comportement et leurs résultats. Bref je rêve d’un Canada où le Premier ministre n’ordonnera pas la fermeture du parlement quand il redoute d’un «vote sanction» contre son parti, d’un Canada où les députés se comporteront en responsables et assumeront leurs promesses, d’un Canada où «l’engagement-citoyen» sera effectif pour augmenter l’intérêt et la participation directe et indirecte des canadiennes et canadiens dans les affaires publiques.

Pour terminer, M. Koum, la circonscription (Brampton Ouest – banlieue de Toronto) est majoritairement peuplée de canadiens d’origine asiatique (les Sikhs de l’Inde) et qui traditionnellement votent pour le Parti Libéral. Comment espérez-vous les faire voter en votre faveur?
Merci pour cette question parce qu’elle me permet d’éclairer les gens. Ma vision et mes valeurs vont au-delà d’un vote partisan. Au cours de l’annonce de ma candidature (16 octobre 2010) devant plus d’une centaine de leaders d’opinion du Grand Toronto, j’avais déclaré que je souhaiterai qu’on se joigne à mon équipe de campagne parce qu’on adhère à ma vision et à mes valeurs, mais non parce que je suis africain. Je voudrais être le député de Brampton Ouest qui va remettre la morale au c ur de la politique. Parce que l’honnête homme qui voit le délinquant rester impuni et une partie de ses impôts aller dans la poche du fraudeur finira, un jour, par se demander pourquoi il devrait être le seul à être honnête et ce quelques soient les origines. Je mets le doigt sur les attentes et besoins réels des électeurs de la circonscription de Brampton Ouest; à partir de ce moment, peu importe qu’on soit Noir, Rouge ou Jaune, on finit toujours par s’identifier à celui qui parle votre langage financier, politique, social et économique. Et c’est ce cri de colère que j’entends pousser des nouveaux canadiens de Brampton Ouest, qu’ils soient asiatiques, jamaïcains, africains…

Théodore Koum Njoh: «Je suis motivé par la volonté d’arracher du c ur de chacun le sentiment de l’injustice»
Cyrille Ekwalla )/n