Cameroun : recommandations de la Commission des droits de l’Homme sur l’orientation scolaire

L’organe chargé de veiller au respect des droits de l’Homme dénonce la non-prise en compte des droits et aspirations des élèves et étudiants dans leur orientation.

C’est la période de la rentrée scolaire et bientôt celle de la rentrée académique sur l’ensemble du territoire camerounais. Des parents et des élèves sont face à la prise de décisions, dont le choix de la série, de la spécialité ou de la filière dans laquelle l’élève, l’étudiant ou l’apprenant va poursuivre ses études ou sa formation professionnelle.

Dans cette optique, la Commission des droits de l’Homme du Cameroun regrette le non-respect par certains acteurs de la communauté éducative des droits des enfants en matière d’orientation scolaire ou professionnelle. Elle constate que certains acteurs imposent leurs choix aux enfants, sans tenir compte de leurs préférences, de leurs aptitudes ou de leurs propres ambitions professionnelles.

Face à cette pratique, la commission appelle tous les acteurs de la communauté éducative, parents, élèves, étudiants, enseignants, conseillers d’orientation, gouvernement, à prendre des mesures pour assurer une bonne orientation scolaire et professionnelles aux jeunes. L’intérêt de cette réussite se trouve au bout de la chaîne, parce que, selon la Commission, l’orientation « conditionne l’entrée de l’enfant dans la vie adulte en lui évitant de faire fausse route ».

Aussi « l’inadéquation (…) formation-emploi consécutive à un défaut d’orientation scolaire ou à une mauvaise orientation est l’une des causes du chômage chez les jeunes », note la Commission dans un communiqué. Ce défaut peut ainsi entrainer des échecs, des abandons, en augmentant le taux de chômage au pays.

Pour éviter ces difficultés, la Commission que préside le Pr. James Mouangue Kobila invite les parents à nouer et à entretenir « un vrai dialogue constructif et approfondi » avec les enfants et les professionnels de l’orientation. Elle recommande au gouvernement la création des centres d’orientation scolaire dans les 10 régions. Seules les régions du Centre, du Littoral, du Nord-Ouest de l’Adamaoua, de l’Ouest et de l’Extrême-Nord en ont. Elle invite les parents, les élèves, les étudiants à plus d’écoute et de compréhension les uns envers les autres.

Cameroun : ces facteurs qui motivent l’orientation académique des jeunes

La disponibilité des moyens financiers, le suivisme, l’autorité des parents, la passion, sont entre autres éléments qui sont pris en considération dans le choix déterminant du parcours académique.

Dès l’enfance, on rêve tous d’une belle maison, d’une belle voiture, de belles parures, entre autres. Ce que l’on ignore à cette période, c’est que toutes ces belles choses s’obtiennent au bout de longues heures de travail et de sacrifice. Pour la plupart d’entre nous, il faut étudier pour y arriver. Les diplômes universitaires ou professionnels sont, aujourd’hui (et pour la majorité des personnes), les éléments qui donnent l’opportunité aux jeunes de trouver un épanouissement social grâce aux emplois et aux privilèges qui en découlent (le salaire notamment). Mais, tout commence par le choix d’une filière. Cette étape est déterminante pour l’avenir de nombreux jeunes. Cependant, plusieurs facteurs interviennent dans cette décision importante de la vie d’un homme.

« Que feras-tu plus tard ? » Les yeux fermés, Adrienne, huit ans, répond sans hésitation à la question qui lui est posée : « Je vais être vétérinaire, comme mama ». La jouvencelle ne sait que bien peu de choses sur le métier et ses contours. Mais, elle parvient tout de même à disserter sur l’essentiel. « Un vétérinaire soigne les animaux », affirme la petite, pleine d’assurance. Eliane, sa mère célibataire, n’est pas pour rien dans le choix « précoce » d’Adrienne. « J’avoue que je lui répète souvent qu’elle fera le même métier que moi. C’est un peu mon rêve. Après, ce sera à elle de décider. Elle n’a que huit ans, elle pourra changer et faire ce qu’elle veut vraiment si elle le souhaite. Je serai toujours là pour la guider », promet Eliane.

De nombreux parents n’ont pas l’ouverture d’esprit de la vétérinaire. Ils décident du parcours académique de leurs enfants, sans aucune négociation possible. Certains enfants se rebellent. D’autres se plient aux quatre volontés de leurs parents, jusqu’à ce qu’ils en aient marre à leur tour. Octavie P. est diplômée de l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature (Enam), l’une des écoles les plus prestigieuses et sollicitées par les jeunes au Cameroun. Elle avait accepté d’y accéder pour contenter ses parents, tous deux cadres de l’administration camerounaise.

Puis, un jour, alors qu’elle avait elle aussi entamé sa carrière dans la Fonction publique, Octavie a tout simplement démissionné. « Je n’en pouvais plus de tout ça. Je n’étais pas d’accord avec le fonctionnement et les manières de travailler. Je crois que j’étais simplement pas faite pour ça », raconte-t-elle. Depuis, la jeune femme a lancé sa propre affaire qui marche plutôt bien.

L’expérience d’Octavie laisse perplexe William Ngamou. Celui-ci n’aurait jamais lâché une telle opportunité. Lui, n’a pas eu la chance d’être entouré de parents nantis. Après l’obtention de son Baccalauréat C, il n’aura d’autre choix que de s’inscrire à la Faculté des sciences de l’université de Yaoundé I. « Je passais des moments très difficiles. L’argent que mes parents m’envoyaient suffisait à peine pour payer mon loyer, ma nourriture et mes  documents de travail », se souvient William.

Il décide d’arrêter ses études au bout de deux ans, et se met à son compte. A l’époque, l’idée est de mettre un peu d’argent de côté pour pouvoir réaliser le seul rêve à sa portée : intégrer l’Ecole normale supérieure de Yaoundé pour devenir enseignant de mathématiques. Cependant, sa solution provisoire a duré dix ans. Dix ans à vendre des livres de seconde main au quartier Biyem-Assi (Yaoundé). Aujourd’hui, il est trop tard pour postuler à l’entrée de l’Ecole normale. Mais, William peut se consoler. Il est propriétaire d’un établissement de ventes d’appareils electro-ménagers.

Le choix des filières au niveau de l’enseignement supérieur est tributaire de nombreux facteurs. En plus de l’influence des parents, il y a l’épineuse question des moyens. Comme William, Aïssatou en sait quelque chose. Elle, qui rêvait d’études en Europe, a dû surseoir à ses ambitions après l’obtention de son diplôme il y a deux ans. La jeune fille en a fait une crise mais a bien été obligée de se faire une raison. « Il faudra attendre », a dit son père. Alors, elle attend impatiemment.

Par ailleurs, les opportunités motivent le choix de certains jeunes. En effet, il arrive qu’un bachelier profite de la position « privilégiée » d’un de ses proches parents pour intégrer une grande école ou une institution prestigieuse, simplement pour s’assurer d’un avenir à l’abri du besoin. Parfois même, le diplômé saisit la perche contre son gré, après avoir cédé aux pressions familiales.

Il arrive aussi que, sans repères, un jeune bachelier suive tout bonnement ses amis du secondaire pour ne pas devoir nouer de nouvelles relations dans sa nouvelle vie d’étudiant. Celui-ci se retrouve alors dans une filière avec des matières qu’il comprend peu ou pas. Et, si avec ça il ne s’applique pas pour obtenir de bonnes note,  il a plus de chances d’abandonner au bout de nombreux échecs que de s’acheminer vers une carrière professionnelle réussie.

Pour finir, il existe des personnes (une minorité) qui se laissent simplement guider par leur passion. En y ajoutant une bonne dose de travail et de persévérance, ceux-ci s’accrochent à leurs objectifs sans jamais céder du terrain. Ils savent exactement ce qu’ils veulent faire. Ceux-là, quand ils parviennent à intégrer les classes dans les filières qu’ils souhaitent, sont les plus chanceux, surtout dans notre contexte où il est plus évident de faire avec ce que l’on a, à défaut de faire avec ce que l’on veut.

Jocelyne Laurence Ndjeng : « Les parents sont directement concernés par l’orientation de leurs enfants »

Conseillère d’orientation au lycée de Melong Centre, dans le département du Moungo, elle donne quelques repères pour une meilleure orientation des élèves après l’obtention du Baccalauréat.

 En quoi consiste l’orientation scolaire ?

L’orientation scolaire est l’ensemble des processus sociaux, psychosociaux et psychologiques par l’intermédiaire desquels les élèves sont affectés à certaines filières de formation plutôt qu’à d’autres. En d’autres termes, c’est l’ensemble des mesures et actions susceptibles d’informer et de guider l’élève ou l’étudiant dans le choix du programme d’études et de la profession qui correspondent le mieux à ses aptitudes et à ses intérêts, en tenant compte de ses chances de succès. Il faut donc  savoir expliquer laconiquement aux élèves, l’importance de ce service dans les établissements scolaires qui, parfois, sur le plan administratif, est éclipsé par d’autres services.

Pensez-vous que l’orientation en général, et après le Bacc en particulier, est utile ?

L’orientation est un terme polysémique qui a son importance dans tous les aspects de la vie, et pas seulement après le Bacc. Elle représente un long processus qui démarre en classe de Troisième et ne s’achève certainement pas une fois le Bacc en poche. Les choix possibles d’études après le Bacc sont très variés. Que vous soyez déjà décidé(e) ou encore hésitant(e), un temps de réflexion s’impose pour formuler un projet cohérent. Ceci se résume en deux étapes. Première étape : être bien informé(e) sur les différents types d’études et leurs caractéristiques. Deuxième étape : opérer un choix judicieux qui correspond parfaitement à notre personnalité. Force est donc de constater l’utilité de l’orientation dans la mesure où elle permet de ne pas s’engager dans des voies en fonction de choix induits par ses parents, son environnement ou l’idée que certains métiers sont plus rentables que d’autres.

Selon vous, pourquoi certains élèves ont du mal à définir un projet académique et par ricochet un projet professionnel après l’obtention du Bacc ?

Il faut noter qu’un projet professionnel est une démarche spécifique qui permet de structurer progressivement et méthodiquement une réalité avenir. La construction d’un projet demande à la fois une connaissance suffisante de ses compétences et des possibilités offertes par le milieu, y compris des moyens pratiques à mettre en œuvre pour y accéder. Certains élèves ont du mal à définir un projet scolaire et professionnel parce qu’ils manquent d’information ou alors n’ont pas la bonne information quand nous savons que c’est l’information qui libère des préjugés et stéréotypes. En effet, ils sont difficilement préparés à l’exercice de leur futur métier. Certains élèves, voire la majorité, ne savent pas identifier leurs connaissances, leurs savoir-faire et savoir être, et n’ont aucune piste pour construire un avenir professionnel. Pourtant, le projet professionnel a ses avantages qui sont, notamment, d’éviter aux élèves et étudiants de faire des erreurs dans les choix professionnels et, de se déterminer et se fixer sur des objectifs à atteindre. L’élaboration d’un projet scolaire et d’un projet professionnel nécessite alors une meilleure connaissance de soi puisque le projet professionnel implique une démarche d’introspection et d’analyse objective de nos aptitudes, de nos compétences, de nos motivations et de nos acquis scolaires. L’élève doit ainsi se poser quatre questions fondamentales. Qu’est-ce que je peux faire ? Qu’est-ce que je sais faire ? Qu’est-ce que je veux faire ? Qu’est-ce que je me représente comme travailleur ?

 Qu’est ce qui est donc fait concrètement par vous, les conseillers d’orientation, au quotidien dans les lycées et collèges, pour réduire au maximum ces cas de désorientation académique après le Bacc ou encore l’embarras de ces élèves une fois le Bacc en poche ? Comment aidez-vous vos apprenants ?

Le conseiller d’orientation est en charge d’une palette d’activités parmi lesquelles :

–    Les activités de formation : il s’agit des cours en salles de classe dans le but de doter l’élève de savoirs, savoir-être, savoir-faire et faire savoir pour favoriser chez celui-ci, une bonne adaptation aux milieux scolaire et social, faire émerger des comportements exemplaires ( même si la tâche n’est pas toujours évidente), informer sur les opportunités de réussite socioprofessionnelle ;

–    Les services adaptés qui comptent l’ensemble des prestations offertes aux élèves, personnel enseignant et parents d’élèves. Nous pouvons en dénombrer 4 types. Premièrement, l’évaluation psychologique (administration des tests psychotechniques, des tests de personnalité  et des tests d’aptitudes), deuxièmement, le counselling concernant la prise en charge des élèves en situation d’échec et ceux présentant des troubles du comportement et comportements déviants, troisièmement, l’appui aux équipes pédagogiques et éducatives et quatrièmement, l’assistance aux parents d’élèves ;

–    Les activités administratives et les activités de recherche : les missions du  conseiller d’orientation ici sont d’ordre administratif et de recherche au sein d’un établissement scolaire.

Le conseiller d’orientation aide l’apprenant en tant qu’accompagnateur dans la mesure où il ne choisit pas pour ses élèves. Il doit permettre d’initier une démarche d’orientation active et choisie, contribuant ainsi à la réussite scolaire et l’élévation du niveau d’ambition sociale et professionnel de l’apprenant  afin qu’il soit acteur et participant de ses choix scolaires et professionnels.

Avez-vous l’impression que les élèves saisissent et prennent en compte vos conseils et votre coaching ?

Dans les zones rurales comme celles où se trouve le Lycée de Melong Centre,  il faut avoir des arguments convainquant pour captiver l’attention des élèves lorsque nous leur passons des informations. En effet, ils trouvent que l’information sur les filières et les métiers « désoriente » plus quelle n’oriente : selon eux, les informations sont nombreuses, complexes et trop abstraites pour s’y retrouver. A quelques exceptions près, certains élèves sont heureux d’avoir un service d’orientation au sein de l’établissement dans la mesure où ils sont plus optimistes en envisageant de faire de longues études, quitte à exercer des petits boulots, parce que venant de familles défavorisées.

Avez-vous des feedback de quelques-uns de vos anciens élèves ?

En ce qui concerne le feedback, c’est une évidence ! Il faut noter que c’est parce que le conseiller d’orientation est à l’écoute, qu’il ne porte pas de jugement mais donne son point de vue en respectant celui des élèves que certains élèves se sentent souvent plus proches de lui et continuent de demander son avis pour des prises de décisions, et ce, même dans le cadre personnel.

Avez-vous déjà eu à faire aux parents d’élèves dans le processus d’orientation de leurs enfants ?

Les parents sont directement concernés par l’orientation de leurs enfants. Ils se révèlent être des acteurs clés d’une orientation réussie. Ce sont eux qui font figure d’accompagnateurs, à condition que cet accompagnement ne soit pas fait sur un mode autoritaire, mais sur le mode de l’échange de point de vue, de l’aide à la réflexion. Cependant dans notre contexte il est très difficile pour les parents de laisser leurs enfants opérer leurs choix quand on sait que certains parents vivent leurs rêvent à travers leurs enfants ou se laissent influencer par des facteurs extérieurs. C’est à ce moment qu’intervient le conseiller d’orientation, non pas pour imposer son point de vue, mais pour amener le parent à motiver l’élève quant au choix qu’il aura à opérer, et respecter sa prise de décision. L’élève n’est pas capable d’assumer seul les choix de sa vie scolaire et extra-scolaire car la prise de décision permet de planifier son avenir et, le responsabiliser. A cet effet, les parents, les élèves et le conseiller d’orientation doivent travailler en synergie pour la réussite et l’épanouissement desdits élèves.

Quelles astuces pouvez-vous donner aux élèves qui doivent présenter le Bacc cette année et qui ne savent malheureusement pas encore vers quelles études ils peuvent s’orienter ?

Un véritable travail d’enquête est nécessaire avant de faire le choix pour ses études universitaires ou pour une formation professionnelle. Ce travail doit éventuellement être fait par l’élève qui sera évidemment accompagné de ses parents mais aussi et surtout de son conseiller d’orientation. La vraie question à se poser n’est donc pas tout de suite « quelles études je veux faire » ? Mais « dans quel environnement ai-je envie d’étudier ? Dans quel environnement ai-je envie de travailler ? » L’élève doit ainsi faire preuve de volonté et se donner les moyens de réussir pour pouvoir prendre le train en marche. Il faut rappeler ici que le conseiller d’orientation n’est pas un magicien ! Il ne détient pas la clé magique pour la réussite d’un élève, mais a pour rôle de lui donner les pistes utiles et les canevas qui pourront l’aider. L’astuce consiste donc à avoir la bonne information concernant les études supérieures car c’est l’information qui libère des stéréotypes, du suivisme et des injonctions parentales.

Pensez-vous qu’il existe réellement des apprenants qui ont des profils qui correspondent à des types de métier?

Bien entendu! Il existe des apprenants qui ont un profil défini pour être apte à des filières précises et donc à des métiers précis. Et cela peut se vérifier à travers la passation des tests psychotechniques qui leur sont administrés mais aussi par le biais de la connaissance de leurs performances scolaires.  Le conseiller d’orientation  peut par exemple  passer un test de personnalité qu’il pourra élaborer sous forme de questionnaire et adapter au contexte camerounais, puisqu’il s’agit de cela. En effet, le test de personnalité est déterminant dans le choix de carrière. On peut, par exemple, utiliser le test de personnalité qui mesure les cinq principaux traits de personnalité, plus couramment appelé les « Big Five », qui est un modèle psychologique lorsqu’on souhaite évaluer le caractère et la personnalité d’un individu, parce que ce sont ces derniers qui donnent le profil adéquat pour exercer le métier dans lequel l’individu aura des qualités, se sentira épanoui et aura ses repères.  C’est le cas, par exemple, d’un élève qui aura passé un test de personnalité par le biais d’un questionnaire, et qui révèlera sa nature altruiste ; ce résultat  conduira le conseiller d’orientation à conclure qu’il sera apte à exercer des métiers qui revoient au domaine social.

Portraits : Sosthène et Eric, deux jeunes techniciens qui ont trouvé leur voie après le Bacc

Tous deux diplômés de l’enseignement technique au Cameroun, ils racontent comment ils ont réussi, par des concours de circonstance,  à travailler dans les domaines étudiés dans leurs cursus secondaires respectifs, malgré la pauvreté de l’offre de formation dans les institutions publiques au niveau supérieur.

Assis derrière son bureau l’air serein et le regard confiant, Sosthène Juvenal Etame Njampa semble avoir conquis le monde de l’informatique. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu son poste de responsable des systèmes Informatiques dans une organisation internationale ayant ses bureaux dans la ville de Yaoundé.

Si faire un choix après le Bacc est souvent difficile pour certains bacheliers, cela n’a pas été le cas pour Sosthène Juvenal. Il savait déjà ce qu’il voulait. Poursuivre des études supérieures en  ingénieurie électronique. Depuis son adolescence, il développe un amour particulier pour le dépannage des appareils électroniques. « Pendant les vacances et les week-ends, je démontais les radios et autres appareils électroniques », raconte Sosthène Juvenal Etame Njampa. Une attitude qui motivera son père à l’inscrire en série F2 au lycée technique de Nkolbisson, (un établissement situé dans l’arrondissement de Yaoundé  7ème), après l’obtention de son BEPC, diplôme de l’enseignement général.

Un choix que Sosthène Juvenal approuve, car il voulait tout savoir sur le fonctionnement du circuit électrique. « Je me posais beaucoup de questions sur le pourquoi et le comment des circuits électriques ». Mais, son Baccalauréat décroché avec la mention Assez Bien, il a du mal à trouver son créneau. A l’époque, raconte-t-il, « les techniciens n’avaient pas beaucoup de choix ». Il fallait postuler à l’école supérieure Polytchnique par voie de concours. C’était l’une des options qu’il avait pour réaliser son rêve.

Cependant, Sosthène Juvenal décide de ne pas se présenter à ce concours. Non pas parce qu’il doute de ses compétences, mais juste parce qu’il n’est pas d’accord avec le système. « J’ai toujours trouvé aberrant de concourir pour  entrer dans cette école, surtout pour nous les techniciens, pour la simple raison que nous  devons rivaliser avec des généralistes, -encore que ce sont les meilleurs des séries C et D qui sont admis- sous un programme en mathématiques et en sciences physiques qui leur est favorable, très favorable même », analyse l’informaticien.

L’option Polytechnique

Il poursuit en relevant: « Nous n’avions, à mon époque -je ne sais plus trop ce qu’il en est aujourd’hui-, que 3h de mathématiques par semaine, et 2h de Physique-chimie, ceci sur une partie du programme national. C’est par curiosité qu’on se « risquait » à lire autre chose, tellement le programme de l’enseignement technique est dense. Alors que les généralistes (série C et D) avaient 6 à 8h par semaine pour les mêmes matières ». Toutes ces explications pour démontrer que dès le départ, les techniciens sont défavorisés au concours d’entrée à Polytechnique. « Dès le départ, ils partent avec 30% de chance en moins que les autres, et je suis modeste », déclare Sosthène Juvenal.

Ayant trouvé très minces ses chances d’accéder à polytechnique, le jeune bachelier va opter pour l’université de Yaoundé I. « Je voulais décrocher une licence en Physique, puis entrer en Maîtrise et faire Électronique en spécialisation ». Mais, plus tard, il abandonne l’idée de la Physique et opte pour l’informatique, grâce aux conseils d’un ancien camarade du lycée technique de Nkolbisson. Malheureusement pour lui, les dates d’inscription pour la filière sont dépassées. Il s’inscrit donc en mathématiques, question de parfaire son niveau. Ce n’est que l’année d’après qu’il va s’inscrire en Computer science : informatique fondamentale.

A la question de savoir si c’est grâce à sa formation à Yaoundé I qu’il gagne sa vie aujourd’hui, il répond oui et non. « L’informatique a assis mes connaissances, mais l’électronique a dirigé mes choix. je suis dans un domaine de l’informatique aujourd’hui qui combine une bonne connaissance des deux : l’administration des systèmes informatiques suppose de connaître les deux », affirme fièrement Sosthène.

Il rêvait des bateaux…

Eric Armel Ntamack n’a pas non plus trouvé la formation qu’il souhaitait après l’obtention de son Baccalauréaut en mécanique automobile. Son rêve était de travailler dans les bateaux comme technicien. Les seules opportunités qui s’offraient à lui étaient celles de la Regional Maritime University of Ghana, à Accra. La filière qui l’intéresse n’est autre que Merine engine mechanic. Seulement, son père ne veut pas le laisser quitter le Cameroun, car il trouve coûteuse la formation souhaitée par son fils. Il lui conseille alors de choisir n’importe quelle autre filière à l’université. « Je ne voulais pas perdre mon temps. Alors, j’ai décidé d’abandonner mes études ». Ne trouvant aucune filière correspondant à son domaine d’étude dans les universités publiques, et ne disposant pas des moyens financiers pour payer sa formation, il décide de se mettre à son propre compte. C’est ainsi qu’il se lance dans la vente de téléphones à l’Avenue Kennedy à Yaoundé.

Tout chemin mène à Rome

Quelques années plus tard, son père le sollicite pour venir gérer l’entreprise familiale, un garage situé dans la localité de Sombo, à une centaine de kilomètres de Yaoundé. « Je n’ai pas pu refuser, car c’était un moyen pour moi de mettre à profit tout ce que j’avais appris à l’école », déclare Eric Armel. Son père, propriétaire de cet établissement depuis des années, se sent déjà trop vieux pour s’en occuper. Depuis 2014, Eric Ntamack se donne à cœur joie au dépannage des véhicules du coin. « Ça m’a rapproché des affaires familiales et j’ai pu mettre sur pied plusieurs autres activités notamment dans le domaine de l’agriculture », se réjouit le jeune homme.

Comment choisir sa filière à l’université ?

Pour bénéficier d’un environnement de travail privilégié, les bacheliers peuvent avoir un beau parcours post-Bacc, à  condition de choisir un domaine adapté à leurs aptitudes.

Blandine est étudiante en première année de biologie humaine et santé à la faculté des sciences de l’université de Douala.Une filière à laquelle, elle n’avait jamais pensé dans ses plans d’étude. « La biologie humaine s’est imposée à moi. C’est la seule filière que je pouvais faire à l’université de Douala », révèle l’étudiante. Après l’obtention de son baccalauréat D, la jeune fille croyait avoir assez de temps pour choisir une branche avant la rentrée académique. Malheureusement pour elle, lorsqu’elle s’est enfin décidée à aller prendre des renseignements à la Faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de Douala, le concours était déjà passé. C’est ainsi qu’elle a opté pour la filière biologie humaine et santé.

Comme Blandine, plusieurs bacheliers ont de la peine à choisir une filière à l’Université. Non seulement parce qu’ils ignorent le débouchés, mais surtout parce qu’ils ne sont pas suffisamment informés sur de nombreuses filières et les opportunités qu’elles offrent. Il est pourtant possible de faire un beau parcours post-Bacc, la condition sine-qua-non étant de choisir des filières adaptées à ses aptitudes. « Les choix possibles d’études après le Bacc sont très variés. Que vous soyez déjà décidé(e) ou encore hésitant(e), un temps de réflexion s’impose pour formuler un projet cohérent », affirme Jocelyne Laurence Ndjeng, conseillère d’orientation au lycée de Melong.

Faire un choix de filière pour ses études universitaires nécessite un travail élaboré au préalable. Une enquête menée par l’élève lui-même est important. Celui-ci doit être assisté du conseiller d’orientation de son établissement s’il y en a un,  et bien sûr de ses parents ou des aînés. Pour Jocelyne Laurence Ndjeng, « les vraies questions à se poser sont : dans quel environnement ai-je envie d’étudier ? Dans quel environnement ai-je envie de travailler ? » Quelles sont les attitudes à adopter pour choisir une filière à l’université ? C’est la question que se posent les élèves des classes de Terminale.

Bien s’informer sur les différentes filières, leurs caractéristiques et leurs débouchés est un travail important pour un parcours post-Bacc réussi. Le futur bachelier doit se montrer curieux. Dans ce sens, les parents peuvent encourager leurs enfants à  effectuer des recherches sur Internet ou même chercher avec eux, pour pouvoir en discuter, sans pour autant décider à leur place.

Informé et guidé par ses proches, le futur bachelier indécis, pourra opérer un choix judicieux qui correspond parfaitement à sa personnalité. La passion est un élément déterminant dans le choix d’une filière à l’université ou dans une école de formation.

Orientation scolaire : le Bacc, et après ?

Après l’euphorie de l’obtention du premier diplôme de l’enseignement supérieur, les jeunes camerounais sont souvent désorientés en ce qui concerne le choix de leur filière.

Les épreuves du Baccalauréat de l’enseignement général au Cameroun débutent le 30 mai. Les candidats à ce diplôme succèderont à leurs camarades de l’enseignement technique,  qui composent depuis le lundi 22 mai.

Focalisés durant ces neuf derniers mois sur la réussite de leur examen, la plupart de ces jeunes élèves n’ont pas pris le temps de réfléchir sur la trajectoire qu’ils prendront une fois qu’ils auront obtenu le précieux sésame. Pour Alfred Mpongue, candidat à la session 2017 du Bacc, « il sera toujours temps de s’en soucier après la proclamation des résultats ». Seulement, une fois le Bacc en poche, le choix de la filière est déterminant pour des études supérieures et, plus tard, une carrière professionnelle réussie.

Sans véritable plan pour leur avenir, beaucoup de futurs bacheliers se retrouvent en ballotage, pour finir par s’inscrire dans des filières pour des études sans passion. C’est fut le cas de Lucie, il y a quelques années. La jeune fille a toujours voulu être journaliste. Mais, n’étant pas au courant de l’existence d’une école de journalisme au Cameroun, elle s’est inscrite en faculté de droit, sans conviction. Lucie  détestait le droit. Mais, plus fort qu’elle était le désir de ne pas quitter ses camarades du lycée, inscrits dans cette filière.

Des cas comme celui de Lucie il en existe un grand nombre. Faute d’informations, des jeunes étudiants se retrouvent dans des amphithéâtres à prendre des cours qui n’ont absolument rien à voir avec le métier qu’ils prévoyaient de faire dans l’avenir. Ceci s’applique à ceux qui avaient une idée précise ou vague de ce qu’ils feraient après le lycée.

Ce changement d’ « objectif » peut aussi être la conséquence d’un manque de moyens financiers. Joseph aurait voulu faire des études supérieures en chaudronnerie, une filière porteuse selon lui. Actuellement, les chaudronniers sont recherchés sur le marché du travail. Leur travail consiste à réaliser des pièces destinées principalement aux industries automobile, aéronautique ou aérospatiale. Ils travaillent des plaques ou des tubes de métal, qu’il s’agisse de tôle, d’acier, de cuivre ou encore d’aluminium.

Les parents de Joseph n’ont pas réussi à réunir la somme nécessaire pour l’inscrire dans l’un des instituts privés qui proposent cette formation. C’est donc « dégouté » qu’il se rend toutes les semaines à l’université de Yaoundé 1 pour assister à ses cours de biologie animale. « J’en veux au gouvernement qui ne fait pas les efforts de créer de nouvelles filières. Ce sont les mêmes qui sont proposées depuis des années. Si on retrouvait cette formation dans une université d’Etat, le coût de la formation serait accessible au grand nombre ».

Les parents de Jordan Nseke, bien qu’étant prêts à débourser une certaine somme d’argent pour accompagner leur enfant dans ses études, n’ont pas pu lui payer la formation qu’il voulait au départ. Jordan aurait voulu faire économétrie ou encore monétique. Mais aucune des formations universitaires de la place aussi bien privées que publiques ne proposait cette filière.  La seule possibilité qui s’offrait à lui était celle de trouver une école à l’étranger.

Une option quasi-impossible pour cette famille qui, non seulement n’était pas préparée à cette éventualité, mais aussi qui ne disposait plus de temps pour lancer les procédures nécessaires. Jordan a donc finalement opté pour une formation en informatique qui, selon lui, se rapproche le plus de ce qu’il ambitionnait de faire. Sa mère, Chantal, pense que « les établissements secondaires devraient plus travailler à informer les élèves sur les filières qu’ils pourront faire après leur examen. Si cela avait été fait, mon fils aurait su qu’il ne pourrait pas retrouver les formations qu’il voulait ici au Pays et n’aurait pas été autant déçu ». Cet avis est partagé par plusieurs parents.