Osvalde Lewat, photographe de la nuit congolaise

La réalisatrice camerounaise montre à Paris ses photographies de Kinshasa et d’autres villes de la RD Congo. Son travail fait l’objet d’un livre, «Congo couleur nuit», à paraître en novembre

La réalisatrice camerounaise Osvalde Lewat, 39 ans, montre à Paris ses photographies de Kinshasa et d’autres villes de la République démocratique du Congo. Un pays où elle a vécu huit ans et qu’elle a sillonné de nuit. Son travail fait l’objet d’un livre, Congo couleur nuit, à paraître en novembre.

«Pour moi, cette petite lumière d’un bateau de pêche sur le lac Mwero, dans la nuit noire, évoque tout l’espoir que l’on trouve au Congo, affirme Osvalde Lewat. Malgré l’ampleur des problèmes, cette lueur persiste. C’est elle qui m’intéresse». Jusqu’à présent, cette Camerounaise formée à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et à la Femis, entre autres, était surtout connue pour ses films. Des documentaires engagés comme Une affaire de nègres, qui revenait en 2008 sur l’affaire du «commandement opérationnel». Cette unité spéciale des forces de l’ordre avait fait disparaître un millier de personnes en 2000 au Cameroun, sous couvert de lutte contre le banditisme.

Des photos libres
Osvalde Lewat plonge aujourd’hui dans la photo, une activité qu’elle pratiquait depuis longtemps, mais pour elle-même. Ses images, qu’elle montre pour la première fois, gardent une empreinte «amateur» assumée. On est loin des clichés léchés ou esthétisants qui proviennent du continent, quelquefois fascinés par la mélanine sous le regard de photographes occidentaux.

Avec elle, c’est le noir de la nuit et non celui de la peau qui prime. Ses images sont poétiques, comme cet enfant endormi à la lueur d’une bougie, ou cette épicerie de quartier éclairée par une seule ampoule, portes ouvertes sur les ténèbres. S’autorisant le flou, le bougé et l’abstraction, ces photographies libres n’en gardent pas moins une dimension politique. Et pas seulement parce qu’elles soulignent l’absence de raccordement au réseau électrique. Elles rappellent à la fois l’entêtant Au C ur des ténèbres de Joseph Conrad, un texte de 1899 sur le prétendu caractère primitif de l’Afrique encore cité aujourd’hui, et Sortir de la grande nuit, une injonction faite par Achille Mbembe, philosophe camerounais, dans le titre de l’un de ses essais.

Photographie de Osvalde Lewat.
Osvalde Lewat)/n

Rencontres dans le Katanga
Tout a commencé au Katanga pour Osvalde Lewat. «Le temps d’une soirée dans une concession minière avec des ouvriers, écrit-elle dans l’introduction de son livre Congo couleur nuit (à paraître en novembre aux Editions Phenix), d’un parcours au marché de Lubumbashi où les femmes, courageusement, travaillent jusque tard le soir, le temps de quelques rencontres fortuites et ô combien enrichissantes à Kamalondo, lumière, décor, atmosphère, énergie, j’ai retrouvé tout ce qui nourrit mon désir de raconter le monde en images». Elle poursuit l’aventure à Kinshasa. «J’ai regardé, écrit-elle. Je les ai vus. Eux qui sont installés à la périphérie de la vie». Elle raconte Fortuna, cette jeune fille de 13 ans qui lui «donne tout, alors qu’elle n’a rien».

L’artiste rejoint avec ce premier travail la grande famille des photographes africains comme Andrew Tshabangu en Afrique du Sud, Ananias Léki Dago en Côte d’Ivoire, Boubacar Touré Mandémory au Sénégal, ou feu Kiripi Katembo au Congo. Tous sont fascinés par un seul sujet : l’humain dans la ville. Des visages et des ombres qu’elle immortalise émane une lumière et une surprenante sérénité. Un état d’esprit qui contraste avec ce qu’on devine être les journées exténuantes de misère.

Partie à la rencontre de ces gens ordinaires de Kinshasa ou Lubumbashi, la réalisatrice en a retenu cette leçon: «A leurs côtés, j’ai réalisé à quel point l’Afrique a besoin d’images d’elle-même, d’images lucides ou fantasmées. » Les photos, qui ne sont pas légendées, laissent libre cours à l’interprétation. Elles reflètent surtout le regard de celle qui les a prises.

Congo couleur nuit, le livre, à paraître en novembre aux Editions Phenix. Expositions: du 8 au 22 octobre à la Galerie Marie-Laure de l’Ecotais, 49 rue de Seine, Paris 6e ; et du 11 au 25 novembre à la Librairie Galerie « Le 29 », 29 rue des Récollets, Paris 10e.

Osvalde Lewat pour les enfants dans la nuit.
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Festival « Vue d’Afrique 2013 »: La camerounaise Osvalde Lewat sera honorée

Ce sera une des articulations de cette édition dont la programmation a été rendue publique lors d’une conférence de presse à Montréal au Québec

La programmation de la 29ème édition du festival international du cinéma « Vue d’Afrique » est connue. Du 26 avril au 05 main prochain le programme prévoit 90 séances de cinéma, 14 projections et 5 coups de c ur de personnalités québécoises. Le film Kinshasa Kids ouvrira les festivités du 29e Festival international de cinéma « Vue d’Afrique », le 26 Avril prochain à Montréal (Canada), lors d’une soirée présidée par le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto. Le même soir, la cinéaste franco-camerounaise Osvalde Lewat sera honorée. Cinq catégories présenteront des films en compétition. Fictions: longs et courts métrages; documentaire: longs et courts métrages; Afrique connexion: séries, longs et courts métrages, la sélection canadienne et québécoise Regards d’ici et le Prix des droits de la personne. La soirée de clôture aura lieu le 5 mai. Au programme: remise des prix et projection du film d’Arnold Antonin intitulé Herby, le jazz et de la musique haïtienne.

« Vue d’Afrique » est un organisme à but non lucratif, basé à Montréal, qui contribue à faire connaître les cultures africaines et créoles à travers des activités grand public. Il produit le festival « Vue d’Afrique » chaque année au mois d’avril. Fondée en 1984, ses activités s’exercent essentiellement dans le domaine du cinéma, des arts de la scène, des arts visuels et de la littérature. Son principal évènement est le Festival « Vue d’Afrique », qui depuis 25 ans a servi de vitrine à tous les grands cinéastes africains et créoles. Ce festival de cinéma annuel canadien a lieu principalement à Montréal. En un quart de siècle, le festival a présenté une totalité de 3000 films, ce qui a permis à plus de 500 réalisateurs et producteurs africains et créoles d’avoir une visibilité en Amérique du Nord tels que Ousmane Sembène du Sénégal ou Bassek ba Kobhio du Cameroun pour ne citer que ceux là.

Osvalde Lewat, cinéaste franco-camerounaise
bcrw.barnard.edu)/n

le film « Une affaire de nègres » d’Osvale Lewat diffusé ce 9 juin à Paris

Le film est projeté dans le cadre du festival « les yeux ouverts sur l’immigration »

Osvalde Lewat à travers ce documentaire, revient sur la troublante et douloureuse histoire du Commandement opérationnel. Cette unité spéciale accusée d’être responsable de la mort et de la disparition de près d’un millier de personnes et qui sera dissoute après une quasi émeute sociale en avril 2001. Le fil est diffusé dans le cadre de la 4e édition du festival les yeux ouverts sur l’immigration qui se déroule en France jusqu’au 13 juin.

Synopsis
Au Cameroun en février 2000, le Président de la République institue un commandement opérationnel pour lutter contre le grand banditisme dans la région de Douala. Le commandement procède à des rafles: mille six cents personnes disparaissent ou sont tuées. Un an après, neuf jeunes garçons disparaissent. Le haut-commissaire aux droits de l’homme aux Nations Unies est saisi. Les auteurs de ces rafles sont jugés responsables mais les procédures n’aboutissent pas. Les familles des victimes doivent vivre entre désirs de justice et pressions pour que les crimes soient à jamais effacés de la mémoire collective. Habitée par le souvenir des familles de victimes qui se battent pour savoir ce que sont devenus leurs disparus, ce film se veut la mémoire de cette période tragique et un témoignage de la révolte personnelle de la réalisatrice.

La réalisatrice
Osvalde Lewat Hallade est née en septembre 1976 au Cameroun. Journaliste de formation, elle fera une formation à l’Institut National de l’Image et du Son (INIS) de Montréal et signe son premier documentaire en 2000 Le calumet de l’espoir. En 2001, Itilga, les destinées, un autre documentaire contribue à la faire remarquer. Elle réalise en 2002 Journaliste de formation, 140, rue du Bac, un documentaire sur la vie d’une religieuse. En 2003, le film Au delà de la peine tourné dans la prison centrale de Yaoundé, va marquer définitivement le public de son travail engagé. Ce documentaire sera primé plusieurs fois dans les Festivals. Suivra en 2004 Un amour pendant la guerre, documentaire sur les vies marquées à jamais des femmes par les souvenirs douloureux de la guerre au Rwanda. Elle signe Une affaire de nègres en 2007 en s’engageant une nouvelle fois pour la mémoire collective.

Image du film
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