Le Cameroun confronté à une pénurie de sucre

Certains économistes attribuent cette situation aux mesures protectionnistes du gouvernement, qui s’en défend en affirmant vouloir combattre les importations illégales de sucre

Le Cameroun connaît ces jours-ci une pénurie de sucre à l’heure où l’Etat tente de combattre les importations frauduleuses de ce produit pour protéger et promouvoir l’industrie locale. Mais, comme le rapporte le correspondant de VOA Afrique depuis Yaoundé, certains s’interrogent sur l’efficacité des mesures draconiennes du gouvernement.

Les clients du restaurant Kum Jeanette à Yaoundé auront bien de la chance s’ils arrivent à avoir quelques cuillerées de sucre dans leur tasse de café. Et pour cause !

« Depuis plusieurs semaines, je fais le tour de la ville à la recherche de sucre devenu presque introuvable. Quand vous en trouvez, le prix est élevé. Il nous coûtait normalement 700 francs CFA, mais maintenant un sachet de sucre peut valoir jusqu’à 1.000 francs CFA », nous confie Kum Jeanette.

Le Cameroun produit moins de 120.000 tonnes de sucre par an, alors que la demande est de 200.000 tonnes.

Les producteurs camerounais exportent une partie de leur sucre illégalement vers les pays voisins. Une pratique contre laquelle le gouvernement est en train de sévir. Les autorités ont également lancé une opération coup de poing contre l’entrée massive du sucre de contrebande en provenance de l’Union européenne.

« Ce sucre, comme beaucoup de produits étrangers vendus sur le marché camerounais, est importé frauduleusement par des passeurs dans des conditions insalubres sans respecter les normes en ce qui concerne l’emballage et la conservation du produit. Les Camerounais devraient consommer les produits fabriqués localement, car c’est plus sûr », nous confie Valentin Mbarga Bihina, directeur du commerce intérieur au ministère camerounais du Commerce.

Il ajoute que si rien n’est fait, les 8000 emplois au sein de l’unique compagnie sucrière du Cameroun pourraient être menacés.

Ces mesures drastiques ne sont pas nouvelles. L’an dernier, pour protéger 50.000 emplois, le gouvernement a interdit l’importation de l’huile de cuisson de l’Indonésie et de la Malaisie après la fermeture de quatre entreprises locales. Pour les détracteurs toutefois, cette interdiction n’a fait qu’encourager la contrebande. D’autant que les produits fabriqués localement, disent-ils, sont souvent plus chers.

L’économiste Ariel Ngnitedem de l’Université de Yaoundé est d’avis que le protectionnisme peut avoir l’effet contraire.

« Il n’est pas économiquement judicieux pour un pays de fermer son marché lorsque sa production ne parvient pas à subvenir aux besoins de la population. Si d’autres pays réagissent de la même façon, comment le Cameroun s’approvisionnera en marchandises qu’il ne produit pas? A qui va-t-il vendre ses produits? Je pense que ces mesures protectionnistes sont plus nuisibles « , explique-t-il.

Le Cameroun n’est pas le seul pays à s’être lancé dans ce protectionnisme. Les pays d’Afrique de l’Est, par exemple, ont envisagé une interdiction d’importation de vêtements et véhicules usagés afin de stimuler ces secteurs localement. Pour les partisans de ces mesures, il faut voir la chose comme un sacrifice à court terme mais comme un bénéfice à long terme.


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