Emmanuel Macron : « Il faut une transition démocratique au Cameroun»

Le président français répond à un activiste camerounais sur le soutien ou non de la France au profit du régime du président Paul Biya. Wilfried Ekanga interpelle le chef de l’Etat qui était en visite ce mercredi 08 juin 2022 à Clichy-sous-Bois pour s’entretenir avec des jeunes sur  le sport. Voici l’intégralité de l’entretien réalisé par l’activiste.

MOI : Monsieur le Président, est-ce que ce n’est pas faux de soutenir le peuple en Ukraine et de soutenir la dictature au Cameroun ? Parce que Biya opprime le peuple comme Poutine, mais en Ukraine vous soutenez le peuple ukrainien, ce qui est bien, au Cameroun par contre vous laissez…

LUI : Je soutiens un peuple qui a été attaqué dans son intégrité territoriale, ce qui n’est pas le cas du Cameroun.

MOI : Monsieur le Président, l’oppression c’est l’oppression. Ce n’est pas plus mal d’opprimer un peuple étranger que d’opprimer son peuple.

LUI : Ce que vous dites, c’est qu’il faut une transition démocratique.au Cameroun…

MOI : Ce que nous disons, c’est qu’on a l’impression que quand le peuple s’insurge contre la dictature au Cameroun, la France à travers son ambassadeur, à travers son personnel sur place, appuie le maintien de la dictature, et le peuple ne…

LUI : Soyez rassuré, je ne m’ingère pas dans les affaires des Camerounais. Mais nous sommes partout en Afrique pour que les démocraties émergent, pour que les alternances fonctionnent, et qu’il y ait des procédures démocratiques.

MOI : Monsieur le Président, sur le papier c’est vrai, mais on a l’impression…

LUI : Non, ce n’est pas que sur le papier. Je l’avais déjà dit aussi au président Biya : il faut aujourd’hui qu’il rouvre le jeu démocratique. J’ai eu cette discussion avec lui.

MOI : Oui, vous l’avez eue, monsieur le Président, mais vous savez que monsieur Kamto a été libéré parce que c’est une grande personnalité, mais le peuple camerounais a – encore – beaucoup de prisonniers là-bas…

LUI : La situation aujourd’hui n’est pas la même situation. Je partage, mais le rôle de la France n’est pas d’armer une partie de l’opposition camerounaise…

MOI : Non, ce n’est pas ce que je vous demande, monsieur le Président.

LUI : C’est à l’Union Africaine de travailler à une transition démocratique.

MOI : C’est vrai, et ce n’est pas ce que je vous demande. Je ne vous demande pas non plus de sauver le Cameroun. Mais ce que je veux dire, c’est que quand le peuple camerounais essaye par ses moyens de se libérer, on a l’impression que les dictatures sont soutenues dans les coulisses par des puissances.

LUI : Je vais être très clair, jamais la France ne donne les moyens à des gouvernements de réprimer, au mépris des politiques africaines…

MOI : Monsieur Christophe Gilhou, ambassadeur de France au Cameroun, est la personnalité étrangère la plus reçue par Paul Biya. Et du coup, on…

LUI : Ça c’est notre ambassadeur et c’est normal. C’est ce qui permet de tisser des liens. Nous avons une politique de coopération avec le Cameroun. […] nous aidons aussi cette population, nous accompagnons le pays…

MOI : C’est justement cette impression qu’on n’a pas, monsieur le Président. On a plutôt l’impression qu’il y a encore une sorte de suprématie d’un pays sur un autre.

LUI : Non, il n’y a pas de suprématie puisqu’on aide…

MOI : Après, on s’entraide. Vous savez que le Cameroun et l’Afrique aident aussi beaucoup la France. Ce qu’on veut, c’est de la fraternité. Ce qu’on veut, c’est de la coopération…

LUI : Exactement. Il n’y a pas d’immixtion dans la vie politique camerounaise. J’entends ce que les oppositions disent, j’entends que la vie démocratique camerounaise n’est pas satisfaisante, et après cette transition j’ai eu plusieurs échanges avec monsieur Biya, justement pour qu’on libère les opposants ; vous en avez évoqué un. Et qu’ensuite il y ait une transition démocratique. Et comme vous le dites, il n’y a pas de suprématie, donc, je ne peux pas moi, faire à la place du peuple camerounais…

MOI : Évidemment. Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas ce qu’on vous demandait. On part du principe que si le peuple veut se débarrasser d’un dirigeant qui n’est pas compétent, il en a la possibilité par la force du nombre. Mais après, si ce dirigeant est soutenu d’une certaine façon, ou alors s’il est appuyé et encouragé par d’autres puissances plus fortes que nous, on n’y arrivera pas.

LUI : Je ne crois pas qu’on puisse critiquer la France pour ce rôle-là. Regardez, le pays où nous étions militairement le plus présents…

MOI : Le Mali…

LUI : … Il y a eu un coup d’État qui a changé les dirigeants. Donc, il ne faut pas prêter à la France des choses qui ne lui reviennent pas. On a tendance à les mettre beaucoup devant…

(Mouvement de foule)

LUI : Je suis pour cette politique d’équilibre avec la France, cette politique de fraternité comme vous l’avez dit, donc nous sommes solidaires…

MOI : Donc, vous nous garantissez que si le peuple veut se débarrasser de Paul Biya, la France ne va pas interférer !

LUI : ( Rires ) Mais ce ne serait pas dans ces termes, parce que vous êtes un peu agressif…

MOI : Merci monsieur le Président.

EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED