Cameroun : trois influenceurs défendent les forêts de l’Est

Cette activité a lieu quelques jours seulement après la célébration de la Journée internationale des peuples autochtones sur le thème « Le rôle des femmes autochtones dans la préservation et la transmission des connaissances traditionnelles ».

Betatinz, Grand Lawrenzo et Future Milliardaire, des figures bien connues du paysage des médias sociaux au Cameroun, notamment Facebook, TikTok et Instagram. La campagne a été lancée le mercredi 17 août 2022 à Yaoundé dans les bureaux de Green Development Advocate (GDA), un partenaire de Greenpeace Afrique.

À l’invitation de Greenpeace Afrique, ces trois influenceurs web camerounais seront pendant les 30 prochains jours, les ambassadeurs de la défense des droits des communautés autochtones, et de la préservation des forêts camerounaises.

En effet, depuis près de deux ans, Greenpeace Afrique et GDA font campagne contre Camvert qui s’est vu accorder une concession provisoire d’environ 40 000 hectares, extensible à 60 000 hectares, pour planter des palmiers à huile. Et sur le terrain, les effets continuent de tourmenter les communautés autochtones locales, en particulier les femmes, qui ont de plus en plus de mal à contribuer à la préservation et à la transmission des connaissances traditionnelles en raison de la disparition progressive et alarmante de la forêt.

« Cette collaboration vise à amplifier les voix des communautés forestières autochtones, dont les droits sont constamment violés par des activités à forte pression sur les forêts, telles que les concessions agro-industrielles, comme celle attribuée à Camvert », explique Ranece Jovial Ndjeudja, le responsable de la campagne forêt chez Greenpeace Afrique.

« Nous sommes tous concernés par les questions environnementales. Je suis une femme et je sais combien la situation économique est difficile pour moi en tant qu’épouse et mère au foyer. Je ne peux pas imaginer le calvaire que vivent les femmes autochtones à cause de la coupe des arbres dans la forêt, leur principale source de revenus. C’est pourquoi j’ai accepté de me joindre à cette noble cause », déclare Beta Tinz, une influenceuse web participant à la campagne.

Au Cameroun, les Pygmées misent sur l’école « pour sauver » leurs forêts de la destruction

En 2020, le Cameroun a perdu plus de 100 000 hectares de forêts primaires humides au profit d’une agro-industrie intensive.

Dans la salle de classe des CM2 de l’école publique de Nomédjoh, village du Cameroun situé dans la région Est, les élèves s’imaginent médecin, sous-préfet, militaire ou enseignant. A 15 ans, Denis Eléké, lui, veut devenir policier pour « arrêter les méchants », aider sa famille et, surtout, « veiller à ce qu’on ne coupe plus les arbres ». « Tout est en train de disparaître », s’inquiète le garçon, en tirant sur son vieux pull à capuche. « J’aime me promener dans la forêt, mais je vois bien que ça diminue », abonde Emmanuel Essoko, assis à l’ombre d’un bananier plantain dans la cour de récréation. Visage poupin et rieur, lui se verrait bien maire.

Comme Denis, Emmanuel est baka. Ce peuple autochtone de la forêt vit de la chasse, de la pêche et de la cueillette, forme aux côtés des Bagyeli, des Bedzang ou des Bakola, la communauté des Pygmées − un terme qu’ils jugent d’ailleurs péjoratif. Ils seraient environ 120 000 (0,4 % des Camerounais) répartis dans les trois régions du Centre, de l’Est et du Sud, un nombre approximatif en l’absence d’actes de naissance ou de documents d’identité. Beaucoup se sont sédentarisées dans des villages ou des campements de quelques dizaines à quelques centaines de membres.

Leur mode de vie est aujourd’hui menacé par la déforestation qu’entraînent l’agriculture itinérante, l’exploitation forestière et les grands projets agro-industriels comme les plantations de palmiers à huile. D’après Global Forest Watch (GFW), une plateforme de surveillance en temps réel des forêts mondiales mise en place par le World Ressources Institute, le Cameroun a perdu en 2020 plus de 100 000 hectares de forêts primaires humides, près du double des pertes enregistrées en 2019. A l’inverse, l’exportation de grumes a plus que sextuplé, passant de 200 000 mètres cubes en 2005 à presque un million de mètres cubes en 2017.

« Retard éducatif »

A Nomédjoh, les habitants sont formels : les animaux se font de plus en plus rares et il faut parcourir des dizaines de kilomètres dans la forêt pour trouver certaines essences. Les exploitants forestiers titulaires des titres d’exploitation sont tenus de verser à l’Etat une taxe, la redevance forestière annuelle (RFA), destinée à financer des projets de développement dans les communes rurales. « Mais la majorité des communautés ne bénéficient pas des retombées de la RFA », se lamente Christophe Justin Kamga, coordonnateur de l’organisation non gouvernementale (ONG) Forêts et développement rural (Foder).

Ce militant dénonce la corruption qui permet aux exploitants d’échapper à leurs obligations ou de détourner à d’autres fins les recettes perçues. « Les peuples autochtones jouent les seconds rôles ou les prête-noms », poursuit-il. « On nous prend pour les sous-hommes alors que nous sommes les premiers habitants de la forêt. Personne ne la maîtrise mieux que nous », se plaint Jean Djon, chef d’un campement bagyeli à Moungué, dans le Sud.

Pour Charles Madjoka, président de l’Association des représentants bagyeli du département Océan (Arbo, région Sud), cette situation s’explique par « le grand retard éducatif » qu’accuse la population pygmée, très peu scolarisée au Cameroun. « Si on avait été un peuple instruit, si on avait des élites, des personnes aux postes de décision, on ne serait pas trompé tout le temps », explique-t-il. Le leader bagyeli évoque de « nombreux abus » : des populations chassées des forêts qu’elles occupaient, des droits d’occupation ou d’exploitation vendus « pour une bouchée de pain »…

« Elle est tout pour nous »

Créé en 1968 pour évangéliser la communauté pygmée, le foyer Notre-Dame de la forêt (Fondaf) de Bipindi, dans la région Sud, est devenu l’un des principaux sites de scolarisation des enfants. Il accueille, cette année, 82 élèves, tous issus des peuples autochtones. Parmi eux, Nellie Ntsam, 16 ans, élève de 3e, enrage : elle connaît tant d’hommes et de femmes qui « ne peuvent pas écrire une plainte, ni même lire un document et ont peur du commandant de brigade, du sous-préfet, du maire ».

La jeune fille veut devenir une infirmière « moderne » et « traditionnelle », en utilisant aussi bien les molécules les plus avancées que les plantes, convaincue que l’instruction lui fournira « les armes juridiques » pour protéger la forêt. A l’école, elle a ainsi appris que grâce à Internet et aux réseaux sociaux elle pouvait « exposer les problèmes au monde entier ». Elle garde ça dans un coin de sa tête.

« Je mise beaucoup sur l’éducation pour sauver les forêts qui restent aux Pygmées et améliorer nos conditions de vie », renchérit Romarick Mabally, inscrit en classe de seconde et considéré comme le meilleur élève du Fondaf. A 17 ans, il est le premier à avoir obtenu un brevet d’études du premier cycle (BEPC) dans sa communauté, à Nkoaliseng.

Pendant les vacances, au village, il voit ses tantes travailler comme des « esclaves » dans les champs de propriétaires bantous, payées en « bouts de pain, maigres tubercules de manioc ou encore avec du whisky en sachets ». Ses oncles, qui chassent ou pêchent pour le compte des mêmes exploitants, tuent des « espèces protégées » et ne gagner en retour que « de la cigarette ou de l’alcool ». « Le Bagyeli est un homme simple, explique le lycéen. Il s’en fout de la richesse. Il aime vivre en accord avec la nature. Mais, même lorsque l’argent issu de l’exploitation forestière tombe, on ne nous donne qu’un peu de riz, de sel, d’huile. Nous perdons chaque jour la forêt qui est tout pour nous. »

Romarick veut devenir agent douanier pour payer la scolarité des autres et investir dans l’agriculture biologique et l’élevage. Autant d’activités qui apporteraient des revenus à sa communauté. « Il y a de plus en plus de populations autochtones investies dans l’agriculture. C’est une alternative durable, car la forêt est grignotée de toutes parts », souligne Jean-Jacques Menye, responsable des coopératives et des groupes d’initiative commune à la délégation départementale de l’agriculture et du développement rural d’Océan.

« Stratégie commune »

A Nomédjoh, depuis plus de deux décennies, Jean-Paul Gouffo, pasteur de la Communauté missionnaire chrétienne internationale, tente d’orienter les populations autochtones vers l’agriculture, l’apiculture ou la pisciculture. Avec un certain succès. Après une phase pilote, le bourg compte aujourd’hui ouvrir un collège agricole pour former les jeunes Baka. « L’éducation générale et surtout technique changera le destin de ce peuple des forêts marginalisé », espère l’homme d’église, à l’initiative de ce projet en partie financé par des mécènes, mais qui peine à boucler son budget pour terminer les travaux.

Car à Nomédjoh, comme dans d’autres villages et campements, la route vers le savoir est semée d’embûches : absence d’établissements primaires et secondaires accessibles, manque de moyens financiers, absence d’actes de naissance pour environ 69 % des enfants de moins de 5 ans (soit deux fois la moyenne nationale camerounaise), selon les chiffres du Navigateur autochtone, un ensemble d’outils permettant le suivi des peuples autochtones dans le monde.

« On enregistre de plus en plus de candidats au certificat d’étude primaire », précise Jean Ngally, chef du bureau des examens et concours à la délégation départementale de l’éducation de base d’Océan. Mais, beaucoup d’élèves n’iront pas au collège. Ceux qui y parviennent bénéficient généralement du soutien des ONG qui paient leurs frais de scolarité.

Au foyer Notre-Dame de la Forêt financé par des ONG et le mécénat, beaucoup de familles ne parviennent même pas à régler la somme « symbolique » de 5 000 francs CFA (8 euros) par an pour la vie à l’internat. Les moyens financiers du Fondaf ne suffisent pas non plus pour nourrir et réhabiliter les dortoirs.

« On veut juste les impliquer, leur faire prendre conscience de l’importance de l’école », explique Samuel Samba du Fondaf. « Sans adhésion parentale, il est difficile d’avoir une stratégie commune » pour l’éducation des jeunes Pygmées, regrette l’enseignant. Durant la saison de ramassage et de cueillette, les élèves baka, bagyeli ou bakoula désertent la classe durant plusieurs mois. « Quand ils reviennent, ils ont perdu beaucoup de notions. Et le cycle recommence », déplore Samuel Samba. Pour lui, Il faut penser et financer l’éducation autochtone en tenant compte des paramètres socioculturels. Un processus qui va nécessiter « au moins vingt ans », mais qui permettra l’émergence des leaders de demain. En espérant qu’il ne soit pas trop tard pour la forêt.

En 2020, le Cameroun a perdu plus de 100 000 hectares de forêts primaires humides au profit d’une agro-industrie intensive de palmiers à huile. C’est deux fois plus qu’en 2019. La communauté pygmée, qui représente environ 0,4 % de la population camerounaise, accuse un déficit d’éducation qui la rend très vulnérable face à d’énormes enjeux économiques. Notre reporteure Josiane Kouagheu est partie à la rencontre de ces Pygmées Baka, Bagyeli, Bedzang et Bakola pour comprendre comment ces peuples de la forêt s’organisent pour tenter d’inverser le processus de destruction en cours.

Cameroun: des pygmées expropriés pour un safari de chasse à l’éléphant

Ces opérations qui permettent d’abattre un éléphant contre la somme de 36 millions de F sont organisées par le Français Benjamin de Rothschild dans deux aires protégées

Survival International a découvert qu’une opération de safaris de chasse à l’éléphant, conjointement détenue par le milliardaire français Benjamin de Rothschild, a été impliquée dans la violation des droits de «Pygmées» Baka locaux et de leurs voisins. Parmi ces violations figurent des expulsions illégales et des tortures.

L’opération est basée au Cameroun, dans deux «aires protégées» louées par Benjamin de Rothschild. Elle offre aux touristes la possibilité d’abattre, contre la somme de 55.000 euros (36, 077 millions de FCFA), un éléphant de forêt.

Afin de créer cette opération de chasse aux trophées, les Baka ont été expulsés de leur territoire ancestral – ce qui est contraire au droit international. Des soldats, policiers et gardes armés patrouillent le territoire; les Baka ont maintenant été informés que les patrouilleurs tireraient à vue si les Baka pénétraient sur le territoire pour chasser afin de nourrir leurs familles, ramasser des plantes ou se rendre sur des sites sacrés.

Les Baka signalent que, rien que l’an dernier, trois de leurs campements en forêt ont été incendiés par des gardes forestiers et des employés du safari. Des hommes Baka qui chassaient dans la forêt ont été frappés par la police locale, des soldats et des gardes forestiers.

Un Baka a raconté : «Ils m’ont dit de porter mon père sur le dos. J’ai commencé à marcher, (le garde) m’a frappé, il a frappé mon père. Pendant trois heures, on m’a frappé à chaque fois que je criais, jusqu’à ce que je tombe évanoui avec mon père.»

Un autre Baka a déclaré : «Quand le safari nous trouve ici, ils brûlent les campements, même les habits aussi, ils nous tapent, ils nous cherchent, ils mettent les chiens derrière toi, les armes derrière toi.»

Un troisième Baka a dit : [i «Le safari a dit que s’ils voyaient qui que ce soit [dans la forêt], les balles siffleraient. Maintenant, ceux qui ont de la famille là-bas sont allés les chercher. Comment on va vivre à présent?»]

Survival a contacté M. de Rothschild pour l’informer que de graves violations des droits de l’homme commises pour le maintien de l’opération de chasse aux trophées avaient été signalées. Aucune réponse n’a été reçue à ce jour.

Le Fonds mondial pour la nature (WWF) est très actif au Cameroun où les «aires protégées» permettant la chasse aux trophées font partie de l’un de ses «paysages écologiques» clefs. Le WWF doit encore commenter ces allégations ou annoncer s’il compte prendre des mesures.

Un agent de réservation a déclaré à Survival : «Tous nos somptueux campements en forêt sont des constructions solides entièrement équipées – des chalets privatifs climatisés, avec salle de bain complète et dressing. De délicieux repas gastronomiques sont servis accompagnés de grands crus et d’autres boissons européennes de grande qualité. (.) Notre campement le plus récent possède une grande piscine protégée.»

A travers la région, les «Pygmées» Baka et leurs voisins sont expulsés de leurs terres ancestrales et risquent d’être arrêtés, battus, torturés, et même tués, tandis que la chasse aux trophées est encouragée. L’administrateur du WWF Peter Flack a également chassé l’éléphant dans la région.

Le directeur de Survival, Stephen Corry, a déclaré : «A travers l’Afrique, de riches amateurs de trophées de chasse sont accueillis dans les zones mêmes où des chasseurs autochtones sont illégalement expulsés de leurs terres ancestrales et brutalisés lorsqu’ils chassent pour nourrir leurs familles. Cela doit prendre fin. La protection de la nature dans le bassin du Congo est une spoliation des terres et une poursuite du colonialisme. Elle provoque de fréquentes et atroces violations des droits de l’homme, y compris des exécutions sommaires. Pourquoi si peu de personnes s’expriment sur le sujet? Survival mène la lutte contre ces abus. Les défenseurs de l’environnement doivent, comme n’importe qui est censé le faire, respecter les droits de l’homme.»

Peter Flack, un administrateur du WWF, pose avec un éléphant de forêt mort
Peter Flack)/n

L’animisme pour rendre à l’homme son humanité selon Gaston Paul Effa

Dans son dernier livre «Le Dieu perdu dans l’herbe» paru aux éditions Presses du Châtelet, l’auteur camerounais évoque sa rencontre avec l’animisme, auquel l’a initié Tala, une guérisseuse pygmée

«Auprès de mon arbre, je vivais heureux», chantait le poète Brassens qui savait transmettre les émotions profondes suscitées par la nature en général et les arbres en particulier. S’il pleut trop à Paris, s’il ne neige plus demain sur le mont Kilimandjaro ou si le troupeau pastoral se meurt en Ogaden et au Sahel, ne blâmons pas les cieux comme le faisaient nos ancêtres. Ce n’est pas la nature qui déraille. C’est l’homme moderne qui a oublié les lois du vivant et, par démesure et inconscience, provoque pollutions, gaspillages et écocides en tous genres.

A l’heure où la recherche à tout prix des profits dévoie totalement la planète, il serait temps de prêter attention à ceux qui ont inventé des écosystèmes viables et des manières de vivre si différentes de celles du consommateur globalisé que nous sommes devenus. Des alternatives existent mais, pour les atteindre, il nous faut d’abord changer de paradigme et amorcer une transformation intérieure. Le romancier et philosophe camerounais Gaston-Paul Effa a emprunté pour nous ce chemin en allant quêter la sagesse millénaire des peuples antiques.

Indispensable initiation
Fils de féticheur, confié à des religieuses alsaciennes installées au Cameroun qui l’envoyèrent poursuivre ses études à Strasbourg pour en faire un prêtre, Gaston-Paul Effa finit par abandonner la voie religieuse et se fit professeur de philosophie. Dans son dernier livre au charme énigmatique Le Dieu perdu dans l’herbe (ou L’Animisme, une philosophie africaine, éd. Presses du Châtelet), l’auteur évoque sa rencontre avec l’animisme, auquel il a été initié par Tala, une guérisseuse pygmée : «Plusieurs saisons, je m’étais immiscé dans l’intimité du peuple pygmée, comme on s’enfonce dans le paysage familier de la terre natale, avec un sentiment aigu de participation à la nature profonde de l’être au monde.»

Au c ur de la plus épaisse des forêts, Effa va se laisser prendre par la main pour réapprendre tout. Et surtout réactiver ses sens, car tout passe par les sens et non par la raison. S’asseoir dans l’herbe sans appréhension ni précipitation. S’adonner au silence pour remonter à la source d’une parole vivante et d’une relation respectueuse et sensible au monde et à soi-même. « Chez nous, les Pygmées, il ne suffit pas d’être au monde, il faut apprendre à naître. Nous appelons cela l’initiation. »

Loin du traité aride et jargonnant, Le Dieu perdu dans l’herbe fourmille d’évocations sensorielles et poétiques, de conseils pratiques, de proverbes éloquents et d’anecdotes touchantes.

Au fil de la lecture, une idée se fait jour : si l’humain est responsable de la situation dans laquelle nous sommes, ce même être humain est en capacité de donner en partage le meilleur de lui-même, surtout dans l’adversité. Ce qui nous fait le plus défaut, c’est une doctrine ou une philosophie politique à même de prendre le relais des grands discours de la modernité – libéralisme, socialisme, anarchisme, communisme, etc. – tout en plaçant au centre du débat la finitude de notre planète et la nécessité absolue de lutter contre la part sombre de l’homme, le désir de toute-puissance que les Grecs nommaient hubris.

Affranchir l’homme de ses démons
L’animisme pourrait-il remplir ce rôle ? Effa répond par l’affirmative. Ni religion ni philosophie, l’animisme est une compréhension neuve et fine de la nature. Un art de vivre, une invitation à penser sans raison, une pratique quotidienne qui nous apprend à mieux habiter le monde. L’animisme est surtout synonyme d’initiation, d’éveil de l’être tout entier qui ne passerait plus seulement par la raison. Face à notre monde agité et chaotique, l’animisme de Tala déploie sa tapisserie, nous invitant à retrouver l’aspect essentiel des choses, à réapprendre les gestes les plus simples comme respirer, contempler, imaginer, donner du temps au temps.

Instaurant un dialogue entre la philosophie occidentale et cette philosophie pratique d’inspiration pygmée, Gaston-Paul Effa décentre la perspective : et si une nouvelle révolution était en marche ? Et si, contrairement à l’idée reçue, c’était la Nature qui achevait d’humaniser l’homme. Longtemps ignorée, méprisée, cette pensée animiste – considérée par certains ethnologues comme le stade inférieur de l’évolution religieuse – pourrait nous servir de boussole. Mieux, en remettant l’homme à sa juste place, elle pourrait affranchir l’homme de ses démons et sauvegarder la planète.


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Soutenance inédite d’une thèse de doctorant en forêt devant un panel de pygmées

Par Charles Binam Bikoi

Sous l’égide du Cerdotola, une soutenance publique de Thèse de Doctorat en Anthropologie se tiendra le 05 Juin 2016, au Campement Pygmée de Grand Zambi, dans l’Arrondissement de Bipindi au Sud Cameroun.

Cette thèse intitulée Gestion traditionnelle des écosystèmes forestiers par les Pygmées Bakola/Bagieli et voisins bantu face à l’exploitation néolibérale au Sud Cameroun, sera défendu publiquement devant un jury universitaire international élargi à un panel de Pygmées dépositaires des savoirs écologiques endogènes, objet de l’étude.

Le candidat M. Jean Nke Ndih a mené ses travaux à partir de son affiliation institutionnelle à deux laboratoires de recherche de l’Université Catholique de Louvain (UCL) : le Centre d’Etudes de Développement (CED) et le Laboratoire d’Anthropologie Prospective (LAAP) sous la direction scientifique du Pr Pierre-Joseph Laurent.

Afin de lui donner tout le retentissement nécessaire à l’atteinte des objectifs, la soutenance aura lieu le 05 juin 2016, date anniversaire de la 43ème Journée Mondiale de l’Environnement. Elle sera organisée par le Cerdotola, de concert avec divers partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux.

L’organisation de cette défense de thèse en forêt aboutira à la production, outre d’un documentaire combinant les images de la défense de thèse à Louvain le 06 mai 2014, celles de la défense de thèse en forêt, les différents aspects des connaissances écologiques des pygmées, ainsi que les solutions endogènes aux problèmes de développement durable, de protection de la nature et de défense des
droits des peuples autochtones.

Crée en 1977 à la diligence des Chefs d’Etats Africains, le Centre International de Recherche et de Documentation sur les Traditions Orales et les Langues Africaines (Cerdotola), est une institution intergouvernementale africaine de coopération scientifique sur la protection, la promotion et la valorisation des identités patrimoniales africaines.

Fait à Yaoundé le 27 mai 2016.


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L’Afrique centrale compte plus de 900 000 Pygmées (étude)

Le nombre de Pygmées vivant en Afrique centrale est estimé à 920.000, selon une étude internationale à laquelle ont participé des chercheurs de l’Université de Malaga en Espagne

Le nombre de Pygmées vivant en Afrique centrale est estimé à 920.000 personnes, selon une étude internationale à laquelle ont participé des chercheurs de l’Université de Malaga, dans le Sud de l’Espagne.

L’étude, dont les conclusions ont été publiées dans la revue scientifique « Plos One », est la première du genre qui fournit une estimation exacte du nombre de Pygmées vivant dans les forêts tropicales d’Afrique centrale et présente également une carte qui établit sa répartition géographique, selon un communiqué de l’Université de Malaga.

L’équipe de scientifiques, dirigée par le professeur John E. Fa, de la Manchester Metropolitan University, en tant que chercheur associé senior avec le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), compte aussi le chercheur espagnol Jesus Olivero, chef du groupe de biogéographie et diversité de l’Université de Malaga.

L’étude a été réalisée par 26 co-auteurs d’Europe, des Etats Unis, du Canada, du Japon et du Cameroun, dont des anthropologues, biologistes spécialisés dans la protection des populations menacées et bio-géographes, certains d’entre eux membres actifs d’organisations pour la défense des droits humains.

Les Pygmées sont le groupe le plus actif de chasseurs-cueilleurs du monde et vivent dans des communautés situées principalement dans les forêts tropicales de neuf pays d’Afrique centrale, une zone d’environ 178 millions d’hectares, qui constituent une petite minorité par rapport à la population totale.

Le but de l’étude était de contribuer à la recherche des meilleurs moyens pour protéger un peuple autochtone confronté à la marginalisation croissante, à la discrimination et aux déplacements forcés. De plus, ses terres sont menacées de déforestation et d’exploitation industrielle.

A la Découverte des Pygmées au Cameroun.
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WWF accusé de violer les droits de l’homme chez les pygmées

Survival, une organisation consacrée à la défense des peuples indigènes, dénonce les abus des brigades anti-braconnages financées par le Fonds mondial pour la nature

Survival International, le mouvement mondial pour les droits des peuples indigènes, a révélé que de graves abus étaient commis à l’encontre des Pygmées baka du sud-est du Cameroun, aux mains des brigades anti-braconnage soutenues et financées par le Fonds mondial pour la nature (WWF).

Les Baka sont illégalement expulsés de leurs terres ancestrales au nom de la conservation, la plus grande partie de leur territoire étant transformée en « zones protégées »– dont des zones de chasse au trophée.

Plutôt que de s’en prendre aux puissants individus qui se cachent derrière ce braconnage organisé, les gardes forestiers et les soldats poursuivent les Baka qui pratiquent une chasse de subsistance.

Les Baka et leurs voisins accusés de braconnage risquent la détention, les coups et la torture. Ils font état de nombreux morts parmi eux suite à ces expéditions punitives.

Une vidéo des Baka qui racontent les abus dont ils sont victimes aux mains des équipes anti-braconnage soutenues et financées par le WWF

Le ministère camerounais des Forêts et de la Faune, qui emploie les gardes forestiers, est financé par le WWF qui apporte également à ces derniers une assistance technique, logistique et matérielle. Sans son soutien, les brigades anti-braconnage ne pourraient pas agir.

Les normes fixées par les Nations-Unies requièrent que le WWF prévienne ou atténue ‘les effets négatifs sur les droits de l’homme directement liés à ses opérations’ même s’il n’y a pas contribué, or le géant de l’industrie de la conservation semble réticent à les mettre en pratique. Bien qu’il ait été prouvé que les brigades anti-braconnage ont bel et bien violé les droits des Baka, le WWF continue de leur apporter son soutien.

Suite à la perte de leur territoire et de leurs ressources, on constate un déclin de l’état de santé des Baka et une augmentation des maladies telles que paludisme et sida. Ils craignent de pénétrer dans la forêt qui leur a apporté tout ce dont ils ont besoin durant d’innombrables générations.

Les Baka au sud-est du Cameroun sont victimes de graves abus aux mains des équipes anti-braconnage soutenues et financées par le WWF
Selcen Kucukustel/Atlas )/n

Un Baka a confié à Survival: « La forêt appartenait aux Baka mais ce n’est plus le cas. Nous circulions dans la forêt au gré des saisons mais maintenant nous avons peur de le faire. Pourquoi ont-ils le droit de nous interdire de pénétrer dans la forêt? Nous ne savons pas vivre autrement. Ils nous battent, nous tuent et nous obligent à fuir et à nous réfugier au Congo ».

Stephen Corry, directeur de Survival, a déclaré aujourd’hui (lundi 06 octobre 2014, ndlr): « Les peuples indigènes sont les meilleurs défenseurs de l’environnement et les meilleurs gardiens du monde naturel. Ils connaissent mieux que quiconque leurs terres et tout ce qui s’y rapporte. Un idée équitable et irréprochable de la conservation va de pair avec le respect du droit international relatif aux peuples indigènes, particulièrement leurs droits territoriaux. Les organisations telles que le WWF devraient être à leur écoute, leur apporter l’aide dont ils ont besoin concernant la protection de leurs terres et les soutenir autant que possible. Il est urgent de repenser la notion de ‘conservation' ».

Les Baka craignent de s’aventurer dans la forêt, laquelle leur apporte tout ce dont ils ont besoin.
Survival International)/n