Cameroun : quand la Cour suprême critique les audits des inspecteurs d’Etat

Pendant la prestation de serment de la dernière cuvée des inspecteurs et Contrôleurs d’Etat devant la Cour suprême, le président de la chambre judiciaire, qui présidait l’audience, a fustigé la mauvaise qualité de certains rapports de contrôle et de vérification.

Le compte rendu est du journal Kalara. Dix-neuf jours après leurs nominations par le président de la République, les 12 inspecteurs et 35 contrôleurs de l’Etat ont prêté serment devant la Cour suprême le 25 novembre dernier. C’était au cours d’une audience solennelle par M. Fonkwe Fongang, le président de la Chambre judiciaire de la haute juridiction entouré par ses homologues des Chambres et des Comptes.

Dans son allocution prononcée dans les deux langues officielles, M. Fonkwe Fongang a entretenu le maigre public qui assistait à la cérémonie sur deux aspects des missions des inspecteurs et contrôleurs d’Etat, notamment «l’objectivité » et le « conflit d’intérêt ». Deux aspects «édulcorés de nos jours», déclare-t-il.

 « Vous devez prendre l’engagement solennel de remplir les missions que vous confèrent vos nouvelles fonctions avec probité, abnégation et objectivité. Le serment renvoie à la grandeur mais aussi à la délicatesse de vos fonctions ».

Fonkwe affirme que les inspecteurs et contrôleurs d’État sont en réalité des « experts publics chargés du contrôle de la gestion des comptes publics ».En tant qu’expert, les rapports que les concernés auront à « confectionner doivent être de qualité, empreints d’objectivité ». Même si toute œuvre humaine est perfectible, a reconnu le haut magistrat, il estime qu’ « une expertise bien conduite résiste aux critiques », car « un expert est un savant et ses conclusions ne doivent être remises en cause qu’exceptionnellement ».

Achat de conscience

«On est parfois étonné de voir au cours d’un procès pénal les rapports de vos experts être démontés point par point et s’effondrer comme un véritable château de cartes », commente le haut magistrat. Il a poursuivi : « Il est souvent difficile d’expliquer pourquoi un rapport qui conclut à un détournement de milliards de francs est remis en question après des débats contradictoires et les montants réels ramenés à des dizaines de millions de francs seulement»

 « Vous devez véritablement éclairer la lanterne des juges par la qualité de vos services et la pertinence de vos rapports de contrôles », a-t- il insisté. M. Fonkwe a demandé aux nouveaux inspecteurs et contrôleurs d’Etat de « redonner à l’expertise publique ses lettres de noblesse ».

Pour ce faire, les intéressés doivent se former et s’informer en permanence. « Vous devez résister à toute hantise financière ayant pour but d’acheter vos consciences », a prévenu le haut magistrat. Avant de commenter : « En effet, pour avoir une mission d’expertise de qualité, il est indiqué d’éviter les conflits d’intérêt dans les missions qui vous seront confiées. Cela fait partir des fondamentaux de l’éthique financière ».

Le président de la Chambre judiciaire a rappelé que : «les sources des conflits d’intérêt entre le contrôleur et le contrôlé sont constitués des liens familiaux, des liens amicaux, des relations financières, de la rancune vis-à-vis de la personne contrôlée ». Il a poursuivi en disant qu’ « On ne doit cesser de marteler que les intérêts personnels ne doivent jamais interférer avec l’intérêt général dans l’accomplissement du service public ».

Bien avant, M. Luc Ndjodo, le procureur général près de la Cour suprême, est de son côté revenu abondamment sur les devoirs, les obligations et les exigences qu’imposent les fonctions des inspecteurs et contrôleurs d’Etat. « Ces hauts fonctionnaires effectuent, entre autres, un contrôle de régularité ; de la conformité, financier, de performance la vérification au niveau le plus élevé des services publics. Ils sont ainsi chargés de s’assurer de la bonne utilisation du patrimoine public « en vue de garantir l’utilisation efficace et rationnelle des ressources de l’Etat ».

« L’importance de la mission de contrôle et d’investigation n’est plus à démontrer pour les jeunes Etats comme les nôtres qui ont besoin de rationaliser l’utilisation de leurs ressources », affirme le procureur général.

Délinquance économique

Ndjodo a rappelé aux impétrants que leur serment intervient :« à un moment crucial de notre Histoire »,notamment parce que l’Etat fait face aux défis sécuritaire et sanitaire depuis quelques années. Une situation qui impacte inévitablement sa trésorerie et « doit par conséquent combattre avec la dernière énergie la délinquance économique ».

Pour le procureur général : « la sauvegarde de la fortune publique devrait constituer le cheval de bataille des inspecteurs d’Etat avec en toile de fond la lutte contre la faute de gestion qu’ils contribueront à faire traduire devant la juridiction financière. Et les détournements des biens publics ont la répression incombe aux juridictions pénales et notamment le Tribunal criminel spécial ».

L’entrée en fonction des nouveaux inspecteurs et contrôleurs d’Etat intervient au moment où la Chambre des comptes s’est aussi lancée dans l’audit de la fortune publique. La haute juridiction a elle-même audité la gestion des fonds déboursés par l’Etat pour lutter contre la pandémie du coronavirus.

Mali: l’ONU dénonce de massives violations des droits de l’homme

En mai 2014, l’armée malienne a utilisé des armes lourdes, de façon indiscriminée, dans la ville de Kidal, en direction de zones habitées par des civils, précise un des deux rapports

Au Mali, deux rapports publiés conjointement par la Mission de l’ONU au Mali (Minusma) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme évoquent avec précision deux affaires qui ont fait beaucoup de bruit. En 2014, l’armée malienne ouvre les hostilités et tente, sans succès, de reprendre des mains de la rébellion, la ville de Kidal, située au nord-est. Ensuite, en mai 2015, c’est une confrontation qui a eu lieu, toujours dans le nord, entre des groupes armés pro-Bamako et les groupes rebelles. Dans les deux cas, précise le rapport, de massives violations des droits de l’homme ont été commises.

En mai 2014, l’armée malienne a « utilisé des armes lourdes, de façon indiscriminée, dans la ville de Kidal, en direction de zones habitées par des civils », précise le premier rapport.

Des violations et des abus ont également été commis par des groupes armés rebelles qui, lors de ces évènements, ont tué huit personnes, dont six membres de l’administration malienne, et parmi lesquelles « certaines auraient été exécutées sommairement », selon le document de l’ONU.

Le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats dans les hostilités sont également pointés dans le rapport qui accuse également les groupes armés d’arrestations arbitraires et de traitements cruels.

Le deuxième rapport dénonce aussi de graves violations commises, cette fois-ci en 2015, lors d’affrontements dans la région de Gao entre le Gatia – un groupe armé pro-gouvernemental – et les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad.

Au cours des combats, le Gatia aurait « sommairement exécuté six hommes en raison de leur appartenance communautaire ». De leur côté, les rebelles sont accusés « d’avoir pillé, fait prisonniers et obligé 230 personnes à un déplacement forcé, sur une base ethnique ».

Les groupes armés démentent
Si la CMA reconnaît qu’il y a eu de graves violations tout au long de la crise qui l’a opposée au gouvernement malien, elle conteste son implication dans les exactions relevées par les Nations unies, notamment dans la mort de 8 personnes, dont 6 membres de l’administration malienne, certaines exécutées sommairement en mai 2014, à Kidal.

« Nous n’avons pas tiré à bout portant ou de manière sommaire sur ces personnes. Elles ont été découvertes mortes dans les enceintes du gouvernorat qui était le théâtre d’opérations militaires pendant les combats. Des combats qui nous opposaient aux Fama suite à leur volonté délibérée de violer le cessez-le-feu et d’attaquer nos positions », explique Mossa Ag Attaher, porte-parole de la CMA au nom du MNLA.
La CMA demande un rapport plus approfondi et la mise en place d’une commission d’enquête internationale neutre.

Le chef d’état-major adjoint de la plateforme à laquelle appartient le Gatia, Djibril Diallo, réfute quant à lui les accusations visant le groupe armé pro-gouvernemental. Il précise que le groupe ne se trouvait plus sur les lieux au moment des faits.

Un véhicule de l’armée malienne dans les rues de Gao.
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