Bien que le président Biya ait convoqué le corps électoral seulement le 31 août dernier, le parti au pouvoir avait déjà amorcé la campagne
Le RDPC en avance sur tout le reste
Comparé à un cent mètres sportif, on aurait annulé le départ donné par le président Paul Biya du Cameroun en vue de l’élection présidentielle, qui on le sait aujourd’hui, aura lieu le 09 octobre prochain. Le rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), au pouvoir depuis 26 ans part une fois encore favori, dans une bataille où ses membres ne veulent rien céder. Bien longtemps avant la convocation du corps électoral, ce parti a occupé la scène politique de manière permanente et large. De nombreux meetings ont été organisés sur toute l’étendue du territoire avec en toile de fond un appel à soutenir la candidature du président Paul Biya. En marge de ces activités, ses membres en guise de bilan, ont produit jusqu’à cinq tomes d’un recueil supposé être celui de l’appel du peuple camerounais sollicitant l’actuel président à se représenter. L’ensemble de ces actions était assorti de grand tapage médiatique, mais aussi d’une présence constante dans des débats qualifiés de libres sur des chaines de télévisions privées. Des actions qui ont certes animé la vie politique, mais qui auront surtout eu le mérite de renforcer l’image du RDPC, même sur des terrains en principe non acquis. Du côté de l’opposition, lorsque ce n’est pas la confusion qui régnait au sein des partis, c’est le pouvoir en place qui posait toutes sortes d’obstacles. Des autorisations à manifestations délivrées au compte goutte, un accès aux médias publics très limité, alors même que ces médias sont financés par les impôts des citoyens.
Une opposition épuisée
Au sein de la société civile et d’une partie de l’opposition, on a d’autres préoccupations. Déjà l’absence dit-on, d’ouverture dans la manière dont le scrutin se prépare. Les arguments ne manquent pas. Le régime en place a réussi à mettre en place une instance de supervision des élections telle qu’elle l’avait pensée (ELECAM), le vote de la diaspora est complètement verrouillé en l’absence de toute statistique fiable et connue. Les décrets d’application précisant les modalités de leurs suffrages donnent les pleins pouvoirs à l’administration. Face à un régime prêt à tout pour conserver le pouvoir, on retrouve une opposition qui semble essoufflée. L’Union Démocratique du Cameroun (UDC) est dominante dans le seul département du Noun. Le Social Democratic Front (SDF) a vu son hégémonie diminuer presque partout dans le pays, même dans ses « fiefs » traditionnels du Nord-Ouest et de l’Ouest et, dans une moindre mesure, dans le Littoral et le Sud-Ouest. Les discours du chairman (dirigeant) Ni John Fru Ndi n’impressionnent plus. Après avoir menacé pendant des mois de boycotter les élections, ce parti s’est rétracté à deux semaines de la clôture des inscriptions sur les listes, invitant ses militants à s’inscrire dans une opération de dernière minute. Une situation qui est source de profondes divisions.
Un peuple dans l’attente
Le Mouvement Progressiste n’a qu’un élu national, son président Jean jacques Ekindi et 3 élus locaux à Douala. Mais il doit ce rayonnement politique plus à un heureux concours de circonstance qu’à une capacité véritable à porter un changement fort. De plus son assise est assez restreinte. L’Union des Populations du Cameroun (UPC) elle, continue d’être victime de son éclatement. Parti de gloire des années d’indépendance, ses héritiers l’ont presque anéanti avec des guerres aux relents de quête de postes ministériels. Quant au MANIDEM d’Anicet Ekanè, la sympathie que de nombreux camerounais ont pour ses idées, son enthousiasme et la fermeté de ses positions ne s’est pas encore transformée en un ralliement populaire pertinent. Dans la foulée de cette opposition dispersée, quelques noms ont émergé, mais rappellent peu de chose à de nombreux électeurs. Il s’agit de Kah Wallah, transfuge du SDF de John Fru Ndi et d’Esther Dang Belibi, ex Directeur de société au Cameroun et ex cadre du RDPC parti au pouvoir. Au dessus de cette mêlée, une population, qui depuis les 7 dernières années a beaucoup évolué dans sa maîtrise de la politique. Sur les affaires internes du Cameroun, elle se prononce peu. Fatiguée et usée par un régime à qui on reproche tout. Après la tromperie des Grandes Ambitions, elle devra sortir du chantage de la paix. Lors des crises ivoirienne et arabes, tout le monde à tiré des conclusions, mais chacun à sa manière. La course électorale est désormais lancée et rien ne semble plus pouvoir l’arrêter. Mais pour l’heure, ni Paul Biya le favori, ni ses adversaires les plus sérieux ne se sont encore prononcés. Le week-end risque d’être riche de rebondissements.
