Jeune Afrique ose un pronostic sur les 50 personnalités « qui feront le Cameroun »

L’hebdomadaire international en a fait la Une de son édition parue cette semaine. Un classement risqué et curieux

A ceux qui estiment, au Cameroun, qu’après Paul Biya ce sera toujours Biya, comme pour faire allusion à la perpétuation du système et de ses hommes, le magazine Jeune Afrique vient renforcer leur position.

Dans son édition du 19 juin 2016, l’hebdomadaire international fondé par Béchir Ben Yahmed met en vitrine une liste de 50 personnalités présentées comme celles qui « feront le Cameroun »; liste dans laquelle on retrouve des hommes du président. Il en est ainsi de l’actuel directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, Martin Belinga Eboutou (76 ans); l’actuel ministre de la Justice Laurent Esso (74 ans), l’actuel ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, René Emmanuel Sadi (68 ans), présenté du temps où il était encore secrétaire général du Comité central du parti au pouvoir comme un potentiel dauphin du président pour la succession à la tête de l’Etat.

Dans la liste de Jeune Afrique, on y retrouve aussi des has been comme Peter Mafany Musonge (74 ans). Le grand chancelier des ordres nationaux siège au Sénat camerounais (nommé) depuis 2013, après avoir exercé les fonctions de Premier ministre pendant huit ans (1996-2004).

L’actuel ministre délégué à la présidence en charge de la Défense, Joseph Beti Assomo (57 ans), entré au gouvernement en octobre 2015, après avoir rempli les fonctions de gouverneur du Littoral (mars 2012 – octobre 2015), fait aussi partie des élus du magazine.

Côté opposition, on retrouve trois principaux noms dont deux chefs de partis politiques (Maurice Kamto du Mouvement pour la rennaissance du Cameroun; Bernand Njonga de « Croire au Cameroun ») et un leader d’opinion: Joshua Osih, député à l’assemblée nationale du Cameroun sous les couleurs du Social Democratic front (SDF).

Jeunes pousses et magnats confirmés
Ce qui frappe aussi dans ce tri de Jeune Afrique, c’est la proximité entre de jeunes entrepreneurs (Olivier Madiba de Kiro’o Games; la promotrice culturelle Liliane de Massock; Thierry Nyamen, patron de NTfoods et plus spécifiquement des bouillies Tanty); et des hommes d’affaires à la fortune établie: le milliardaire Baba Danpullo; le financier Paul Fokam Kammogne; patron du groupe Afriland First Bank; André Siaka, qui a trôné pendant un quart de siècle à la tête des Brasseries du Cameroun; André Fotso, le président du Groupement interpatronnal du Cameroun (Gicam), l’industriel James Onobiono, entre autres.

On retrouve, sans surprise, Rebecca E. Enonchong fondatrice et PDG du Groupe AppsTech, une entreprise multinationale informatique, spécialisée dans les logiciels pour entreprises.

Les affaires, mais pas seulement! Des acteurs de la société civile, musiciens et autres artistes tirent aussi leur épingle du jeu. Ici, on retrouve par exemple le prêtre jésuite Ludovic Lado, connu pour ses sorties médiatiques souvent sans concessions contre le clergé ou le pouvoir politique; Maximilienne Ngo Mbe, à l’origine avec le Redhac de la médiatisation des abus de l’armée dans la guerre contre Boko Haram; le réalisateur Jean Pierre Bekolo, le bassiste Richard Bona, le groupe musical X Maleya, l’humoriste Moustik Karismatik, la romancière Hemley Boum (Grand prix littéraire d’Afrique noire 2015).

Franko, l’auteur du tube « coller la petite », Charlotte Dipanda, Blick Bassy et le rappeur Valsero s’ajoutent aux artistes identifiés par l’hebdomadaire.

Yannick Noah y apparaît sur une autre casquette, celle de promoteur immobilier. Personnalité préférée des Français en 2016, pour la sixième année, l’auteur de Simon Papa tara est l’un des associés/investisseurs de la société Mg-constructions, à l’initiative de la construction de la Cité des cinquantenaires de Yaoundé, projet immobilier de 60 milliards de F CFA.

Fabrice Ondoa (21 ans), actuel gardien des buts de la sélection nationale de football du Cameroun, et l’internationale camerounaise Gaëlle Enganamouit (23 ans), sacrée joueuse de l’année 2015 par la CAF, font aussi partie de la liste.

Des intellectuels en vue comme Achille Mbembe – professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université Witwatersrand à Johannesburg en Afrique du Sud – et Mathias-Eric Owona Nguini, politologue très présent dans les médias camerounais, s’ajoutent à la liste.

Classement subjectif assumé
On s’en rend bien vite compte, Jeune Afrique a surfé sur des personnalités dans l’air du temps, qui profitent d’une bonne exposition médiatique. Mais même dans cet ordre, on est surpris de ne pas retrouver le nom d’acteurs comme Kah Walla, présidente du Cameroon People’s Party (CPP), l’une des femmes, leaders politiques de l’opposition, les plus en vue en ce moment. Le magazine préfère s’arrêter sur des trajectoires comme celles de Célestine Ketcha Courtès, maire de la commune de Bagangté (Ouest-Cameroun), dont la gestion de la commune lui a déjà valu de nombreux lauriers; ou encore Alice Nkom, avocate de la cause des homosexuels.

Si Jean-Marc Ela (1936-2008), considéré à sa mort comme l’un des plus grands sociologues africains du XXe siècle, vivait encore, du temps où il passait ses journées avec des comunautés paysannes au Nord-Cameroun (de 1971 à 1984), nul doute que son nom n’aurait pas figuré dans ce classement qui met plus en avant des personnalités médiatiques et très peu d’initiatives locales prometteuses mais discrètes.

« Sélection forcément subjective donc critiquable », après l’avoir parcourue, comme le reconnaît lui-même le directeur de la rédaction de Jeune Afrique, François Soudan, dans ce dossier.

La Une de l’édition de Jeune Afrique parue le 19 juin 2016
Journalducameroun.com)/n