Médias : RSF dénonce l’arrestation de la journaliste Mimi Mefo

L’organisation non gouvernementale demande la libération immédiate » de la journaliste d’Equinoxe télévision.

 

Le post de Reporters sans frontières – Afrique s’inscrit au lendemain de l’arrestation et l’incarcération de la jeune journaliste Mimi Mefo Takambou. En effet, l’ONG poursuit dans son tweet en indiquant que « les journalistes qui couvrent la crise anglophone ne sont pas des criminels ».

Compte tenu de cette situation qui anime l’univers de la presse, le Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) a entrepris des démarches pour obtenir l’arrêt de cette procédure. A cet effet, un collège d’avocats placé sous la conduite de Me Alice Nkom, a été constitué. D’un autre côté, Alice Sadio, présidente de l’Alliance des Forces Progressistes a fermement protesté contre l’incarcération de ladite journaliste. En ses termes, la femme politique a dénoncé « cette nouvelle habitude de gouverner par des intimidations et des arrestations ».

Il faut dire que l’incarcération de Mimi Mefo a provoqué l’indignation des hommes de médias et d’autres acteurs de la société civile, y compris ceux des formations sociales nationales et internationales défendant ce corps de métier.

Journalistes en Afrique, le défi de l’indépendance

Par Martine Ostrovsky, membre du Conseil d’Administration de Reporters sans frontières

Indépendance des médias, indépendance des journalistes, le défi est universel. Il n’est propre ni a un pays, ni à un continent, ni même à une époque. Partout dans le monde le pouvoir politique se méfie d’une presse libre. A cela s’ajoutent les pressions économiques ainsi que le manque de soutien de l’opinion publique. Qu’en est-il en Afrique ? Vers quoi s’oriente-t-on ? Comment mieux armer les journalistes pour répondre à ces défis ?

Chaque année Reporters sans frontières publie un classement mondial de la liberté de la presse. Les pays y sont évalués au regard de leurs performances en matière de pluralisme, d’indépendance des médias, de respect de la sécurité et de la liberté des journalistes.

Dans ce tableau les différents pays d’Afrique ne se retrouvent pas toujours bien placés, avec toutefois des disparités importantes. C’est ainsi que l’Erythrée est 180ème et dernier, le Soudan 174ème, la Somalie 172ème mais à l’autre bout de l’échelle la Namibie est 17ème et le Ghana 22ème. Le Gabon, quant à lui, est dans la moyenne à la 95e position.

Quels sont les facteurs qui font obstacle à l’indépendance des journalistes?
Ils sont de plusieurs ordres, certains tenant à des pressions extérieures, d’autres étant imputables à la situation des journalistes dans leurs rédactions. Les régimes politiques autoritaires supportent mal l’expression libre d’opinions dissidentes ; ceux où existe un véritable pluralisme des partis voient chaque camp s’affronter de façon frontale, ce qui se retrouve dans les prises de position des médias. Les journalistes se heurtent aussi à la pression de groupes économiques puissants qui n’acceptent pas les critiques et cherchent à influencer les médias dans le sens de leurs intérêts. Par ailleurs, à l’intérieur des rédactions, les journalistes peuvent être tenus par la ligne politique de médias qui sont l’émanation de partis politiques ou qui sont la propriété de grands industriels. A cela s’ajoute l’incertitude de leur situation matérielle: contrats précaires, rémunérations insuffisantes et manque d’une véritable formation.

De quelles protections peuvent-ils disposer?
Des lois solides, conformes aux standards internationaux sur la liberté d’expression et le respect des médias. Des juges indépendants et conscients de l’importance d’une presse libre et considérée. Des institutions de contrôle elles aussi indépendantes du pouvoir. Une opinion publique suffisamment éduquée pour avoir conscience du rôle majeur de la presse dans l’instauration et la défense d’un débat démocratique.

Dans les différents Etats africains, comme dans d’autres parties du monde, la prise de conscience du rôle des journalistes dans l’émergence d’une société démocratique est en marche. Il appartient aux pouvoirs publics de s’en convaincre et aux institutions régionales et internationales d’ uvrer dans le même sens. Des progrès sont accomplis, accompagnés parfois de soubresauts, de retours en arrière.

Reporters sans frontières, qui assure la promotion et la défense de la liberté d’informer et d’être informé partout dans le monde, soutient les journalistes africains dans leur combat pour obtenir et défendre leur indépendance.

Des journalistes lors d’une conférence de presse à Abidjan, en 2010
AFP)/n

Loi anti-terrorisme: un régime de sanctions disproportionnées pour la presse

Par Reporters sans frontières

Le Cameroun est en train de se doter d’une loi anti-terroriste dont de nombreuses provisions font craindre une application sans nuance du texte et des conséquences néfastes pour la liberté de l’information. RSF exhorte le président Paul Biya à ne pas ratifier cette loi.

Alors que les autorités ont récemment opéré un tour de vis à l’encontre de la presse, le Cameroun s’apprête à ajouter à son arsenal législatif une loi anti-terroriste qui pourrait accroître les difficultés que rencontrent les journalistes à exercer leur métier dans le pays. Reporters sans frontières relève en effet plusieurs problèmes dans ce texte, parmi lesquels la définition extrêmement vague du terrorisme, la disproportion des sanctions prévues et la compétence exclusive des juridictions militaires pour juger des actes de terrorisme.

« Reporters sans frontières demande au président Paul Biya de ne pas ratifier cette loi à la rédaction approximative, et aux dispositions qui pourraient se révéler extrêmement pénalisantes pour la liberté de la presse », déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de l’organisation.

Le texte semble en effet avoir été rédigé sans tenir compte des recommandations contenues dans de nombreux instruments internationaux permettant de concilier lutte contre le terrorisme et respect des libertés. L’infraction de terrorisme n’est pas clairement définie dans le texte de loi, qui ne présente qu’une succession d’intentions et de moyens, sans jamais les relier clairement à une définition du terrorisme.

En effet, bien que le gouvernement camerounais se réclame des textes internationaux qui recommandent de « respecter les droits de l’homme et les liberté fondamentales », et notamment la résolution 2178 du Conseil de sécurité des Nations unies sur le terrorisme, adoptées en septembre 2014, la présente loi ne respecte pas les conditions de proportionnalité des sanctions. C’est le cas pour le secteur des médias où l’infraction d’« apologie du terrorisme » est passible d’une peine de 15 années minimum d’emprisonnement (20 ans au maximum) et/ou d’une amende de 25 à 50 millions de francs CFA (28 000 à 76 000 €) pour de simples paroles ou des écrits. Certes, des lois similaires concernant l’apologie du terrorisme ont été adoptées dans d’autres pays, notamment en France, ce que ne manque pas de relever le gouvernement camerounais, mais celles-ci comportent néanmoins des peines bien moindres et plus équilibrées.

Enfin le texte prévoit que l’application de la loi relève exclusivement des juridictions militaires. Cette disposition est préoccupante, car l’usage de ces juridictions pour juger des civiles devrait demeurer l’exception et non la règle. De plus, le ministre de la Défense dispose des pouvoirs pour nommer et affecter ces magistrats, ce qui soulève la question de leur indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Interviewé sur RFI, le 12 décembre 2014, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a balayé d’un revers de la main les préoccupations de la société civile sur les conséquences que pourrait avoir cette loi sur la presse et la liberté d’expression, préférant insister sur le fait « qu’il n’y a pas de chance qu’il y ait confusion entre une manifestation politique et une manifestation à caractère terroriste ».

Un durcissement déjà amorcé
Le Cameroun ne semble pas avoir attendu le passage de cette loi pour durcir son attitude envers les journalistes. En effet, deux journalistes, Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue, des quotidiens Mutations et Le Messager sont depuis le 28 octobre poursuivis devant une juridiction militaire pour « non dénonciation » de faits susceptibles d’atteindre à la sûreté de l’Etat, après avoir contacté la police pour vérifier des sources à propos d’un article qu’ils ont fini par ne pas publier. Empêchés de travailler, ils sont contraints de pointer à la police chaque semaine et interdits de toutes communications avec la presse nationale ou internationale.

Deux autres journalistes, Amungwa Tanyi Nicodemus et Zacharie Ndiomo sont actuellement derrière les barreaux pour des offenses en lien avec leur profession, respectivement depuis près de neuf et deux mois.

Le Cameroun occupe la 131e place de l’édition 2014 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.


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Affaire Harissou: La position de RSF sur le cas des journalistes inculpés

Par Reporters sans frontières

Les journalistes ne sont pas des agents de renseignement. Deux journalistes camerounais ont été convoqués devant le tribunal militaire de Yaoundé le 28 octobre. Il leur est reproché de n’avoir pas dénoncé un projet de déstabilisation de l’Etat.
Le 28 octobre au matin, Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue, respectivement journalistes pour les quotidiens Mutations et Le Messager, ont comparu devant le tribunal militaire de Yaoundé. A l’issue de l’audience, les deux journalistes ont été inculpés de «non dénonciation» de faits susceptibles d’atteindre à la sureté de l’Etat. Baba Wamé, un ancien journaliste actuellement professeur, est soumis aux mêmes accusations.

«Cette inculpation est très inquiétante pour la liberté de l’information au Cameroun, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Les journalistes n’ont pas à être des collaborateurs des agents de sécurité de l’Etat. Au contraire, ils se doivent de maintenir leur indépendance vis-à-vis du pouvoir s’ils veulent continuer à exercer. Leur demander de se transformer en informateurs des autorités, c’est tuer l’essence même de la profession journalistique. Nous demandons au tribunal militaire d’abandonner les charges qui pèsent contre les deux journalistes.»

Leurs confrères journalistes, venus nombreux pour les soutenir, ont été expulsés de la salle d’audience mais se sont néanmoins réunis devant le tribunal pour manifester leur indignation. Placés sous contrôle judiciaire, les journalistes comparaîtront libres, mais doivent pointer au tribunal une fois par semaine, ne peuvent s’éloigner de Yaoundé, ni s’exprimer publiquement sur l’affaire.

Tout a commencé lorsque Félix Cyriaque Ebole Bola et Rodrigue Tongue ont été informés de la présence d’un cadre militaire rebelle centrafricain à la frontière du Cameroun, qui disposerait d’informations sécuritaires sur le pays. Selon la rédaction de Mutations, jointe par RSF, Félix Cyriaque Ebole Bola a alors écrit au Délégué général à la Sûreté nationale faisant état de ces nouvelles et demandant confirmation. En guise de réponse, le journaliste a reçu un appel de la police pour lui demander de partager les informations dont il disposait et de les tenir au courant s’il en obtenait davantage.

Ainsi s’est arrêté l’échange, jusqu’à ce que la rédaction de Mutations reçoive une convocation au tribunal pour n’avoir pas répondu aux sollicitations de la police. Pourtant, le journaliste n’a jamais été officiellement convoqué. Le refus de partager des informations peut-il exister lorsque la question n’a jamais été posée ?

Interrogé par RSF, Xavier Messe, directeur de publication de Mutations, déclare que ces poursuites sont extrêmement préoccupantes pour le statut de journaliste et la question de la protection des sources. Il explique: «Le Cameroun est dans une situation sécuritaire préoccupante. Tous les jours il y a des attaques à la frontière avec la République centrafricaine, des personnes sont enlevées. Il y a aussi les problèmes sécuritaires causés par Boko Haram au nord. Le gouvernement estime que dans ce contexte, les journalistes doivent coopérer. (…) En effet, nous nous attachons à être responsable. Nous recevons tous les jours des informations, mais nous ne publions pas tout car certaines pourraient créer des troubles à l’ordre public. Nous n’en faisons pas usage car nous assumons la responsabilité du journaliste, surtout en temps de guerre. Mais qu’on ne demande pas au journaliste de devenir agent de renseignement. Si j’avais voulu être gendarme ou policier, je l’aurais fait. Chacun fait son travail. Sinon, nous perdons notre crédibilité et notre conscience de journaliste».

Le Cameroun est en 131ème position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.

Rodrigue Tongue (g) et Felix Cyriaque Ebole Bola (d)
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Assassinat de Norbert Zongo, RSF demande la réouverture de l’enquête

12 ans après, Reporters sans frontières ne veut pas laisser le crime du journaliste burkinabé impuni

Au Burkina on est là car les autorités politiques, à commencer par Blaise Compaoré, le chef de l’Etat, n’ont jamais voulu faire la lumière sur cette affaire qui implique de hauts responsables au sein du pouvoir. Norbert Zongo enquêtait sur une autre affaire qui impliquait le frère du président de la République, François Compaoré. Et, on sait très bien que les assassins de Norbert Zongo sont à chercher du côté de la garde présidentielle. C’est pourquoi, on ne cesse de demander la réouverture du dossier parce que l’affaire a été close par la justice du Burkina, il ya au moins deux ans. Un juge d’instruction a été nommé et il n’a jamais rien fait. Aujourd’hui, nous demandons une vraie enquête même douze ans après, et qu’on essaie de voir ce qui s’est réellement passé et qu’on traduise en justice les assassins de Norbert Zongo.
Reporters sans frontières

Le 13 décembre 1998, le journaliste burkinabé Norbert Zongo était découvert mort, calciné, à bord d’un véhicule ainsi que les trois personnes qui l’accompagnaient. Leur véhicule se trouvait à une centaine de kilomètres au sud de Ouagadougou. Ce décès avait alors provoqué un grand émoi dans l’opinion publique et suscité des interrogations. La mort suspecte du journaliste a fait l’objet d’un procès qui s’est conclu par un non-lieu, le 19 juillet 2006. Pour le secrétaire de Reporters sans frontières, Jean-François Julliard, le président Blaise Compaoré en tête, n’a pas voulu que la lumière soit faite, car le journaliste menait un travail d’investigation, impliquant le frère du président. Douze ans après, le 13 décembre 2010, Reporters sans frontières demande la réouverture du dossier, et que les assassins de Norbert Zongo soient jugés.

Norbert Zongo était le directeur de l’hebdomadaire L’Indépendant. Il a été retrouvé mort, avec trois autres personnes, carbonisés dans leur véhicule, le 13 décembre 1998, à Sapouy (Sud). Au moment de son assassinat, le journaliste enquêtait sur la mort suspecte de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, frère du chef de l’Etat. Sous la pression de la rue, le président Blaise Compaoré a mis sur pied une Commission d’enquête indépendante (CEI) qui a identifié quelques mois plus tard « six principaux suspects » dans ce quadruple assassinat. En août 2000, trois militaires de la garde présidentielle, dont l’adjudant Marcel Kafando, ont été reconnus coupables d’ « avoir séquestré et torturé à mort » David Ouédraogo. En février 2001, Marcel Kafando a également été inculpé d’ « assassinat » et « incendie volontaire » par le procureur général dans le cadre du dossier Norbert Zongo. Or, malgré une inculpation aussi grave, Marcel Kafando a coulé des jours tranquilles en liberté, à son domicile de Ouagadougou. Le 19 juillet 2006, le juge d’instruction Wenceslas Ilboudo a finalement prononcé un non-lieu en faveur de « Marcel Kafando et X », sur la base de la rétractation d’un témoin à charge, huit ans après les faits. Cette décision a été confirmée en appel, fermant ainsi la procédure visant à élucider l’assassinat de Norbert Zongo. Seuls de « nouveaux éléments » pouvaient relancer l’enquête.

Le 20 octobre 2006, Reporters sans frontières avait remis au procureur du Faso la première version du rapport de la CEI, avant qu’elle ne soit édulcorée sous la pression de deux de ses membres, représentant le gouvernement. Certains passages du texte, détaillant les contradictions de François Compaoré dans sa déposition et revenant sur le rôle joué par l’homme d’affaires Oumarou Kanazoé pour tenter de faire taire Norbert Zongo, avaient été purement et simplement supprimés. Les conclusions de la CEI y étaient beaucoup plus affirmatives et circonstanciées sur le sujet, mettant plus précisément en cause les « six principaux suspects » désignés, tous membres de la garde présidentielle. En dépit de ces nouveaux éléments, les suspects n’ont jamais été inquiétés. Marcel Kafando est décédé en décembre 2009.

La mort de Norbert Zongo il y’a 12 ans avait provoqué l’émoi dans le pays
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