Session parlementaire: le SDF bouscule les traditions

Un député du Social Democratic Front propose de contrôler les dépenses du chef de l’Etat et de reformer l’environnement audiovisuel

Créer un cadre de contrôle sur les dépenses du chef de l’Etat
Jeudi 19 novembre dernier, le député Jean Michel Nitcheu membre du groupe parlementaire du Social Democratic Front (SDF), a déposé une proposition de modification constitutionnelle, tendant à établir le contrôle du parlement sur les dépenses du chef de l’Etat. Une première dans un pays où tout ce qui touche à la présidence est sacré. La démarche du député Nitcheu procède d’une logique. Depuis 1960, les constitutions (lois fondamentales) du Cameroun n’ont pas prévu une action de contrôle sur les dépenses du président de la république. La raison est simple: le Cameroun fonctionne sous un régime politique semi-présidentiel. Le chef de l’Etat n’est pas responsable devant le parlement et par ce fait, le parlement ne peut exercer un contrôle direct sur les activités du président, quelles qu’elles soient. Or les organes de contrôle non parlementaire que sont La Commission nationale anti-corruption (CONAC), le Contrôle supérieur de l’Etat ou même la Chambre des comptes ne jouissent selon Nitcheu ni de l’indépendance, ni de la distance nécessaires pour effectuer ce travail dans la mesure où ces structures sont directement rattachées à la Présidence. C’est pourquoi il propose la création d’une cour des comptes qui serait en charge de ce contrôle.

Les dépenses du président de la république publiquement débattues
Il est assez étonnant disent les observateurs, que personne ne veuille suivre une telle proposition de loi, qui permettrait de contrôler les dépenses du président de la république, même pour la forme. La démarche du député SDF est restée isolée, pourtant au cours de cette année 2009, un fait est venu placer sur la place publique la question des dépenses du président de la république. Au mois d’Août dernier, la presse camerounaise a servi d’espace de débat sur les vacances chères payées du président Biya lors d’un séjour privé à la Baule en France. Les hauts dirigeants de l’administration et surtout du RDPC, avaient dénoncé une campagne de manipulation et de dénigrement à l’encontre du chef de l’Etat. Seulement personne n’a apporté la preuve que les dépenses n’étaient pas exorbitantes. Le ministre Issa Tchiroma avait même dit, que la président de la république avait le droit de passer des vacances que lui autorisait sa fonction et avec précisément les ressources que met la représentation populaire (parlement) à sa disposition.

Pour une refonte de la distribution de la redevance audiovisuelle
Autre coup de force, le député Nintcheu a voulu interpeller le ministre de la communication Issa Tchiroma sur sa vision de la réforme du secteur de l’audiovisuel. Il souhaite que l’Etat prenne véritablement en compte la mission de service public des médias privés. Pour cela il a formulé l’idée de subvention en lieu et place de l’aide à la communication privée qui existe depuis quelques années avec un montant insuffisant pour des médias qui se veulent sérieux et responsables. Jean-Michel Nintcheu a proposé que l’on consacre 1% du budget de l’Etat à la subvention à la communication privée. Une proposition qui cadre avec l’initiative du Syndicat des journalistes employés du Cameroun (SJEC), qui prépare un plaidoyer pour l’institutionnalisation d’une subvention à la presse privée. Au Cameroun la redevance audiovisuelle que payent tous les contribuables camerounais y compris les autres médias privés, profite exclusivement à la CRTV (office de télévision nationale). Celle-ci par ailleurs se fait aussi financer par la publicité, ne laissant aucune ressource aux autres médias.

Une préoccupation rejetée
Le problème que pose Nintcheu est beaucoup plus vaste que celui du secteur audiovisuel. Les trois organes de médias officiels que sont la radio, la télévision nationale et la presse écrite fonctionne grâce aux contributions de tous les camerounais. Mais en plus de cela, ces organes ont le droit de faire de la publicité ce qui rend le marché difficile pour les autres. Dans son allocution face aux députés, le ministre Tchiroma de la communication a promis que seront organisées l’an prochain les états généraux de la communication. Pourquoi ? S’interrogent les acteurs du secteur. Les problèmes de la communication sont connus et les solutions s’imposent d’elles même, affirment de nombreux experts. Cette question orale du député Nintcheu a étonnamment été rejetée. Le parlement a perdu une véritable occasion de discuter et de réparer une situation de parfaite injustice.

Assemblée nationale
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