Corruption dans le secteur forestier: la chaine de la honte

De la coupe au transport, toute la chaine d’activités d’exploitation forestière est minée par la corruption. Une situation qui fait perdre des milliards à l’Etat camerounais

Pots de vin, coupe illégale, rançonnement des transporteurs. falsification des certifications, la corruption dans le secteur forestier est à tous les niveaux. Entre 2010 et 2014 l’on dénombre au moins une dizaine d’enquêtes et de rapports rédigés par les organisations non gouvernementales (ONG) et le ministère camerounais en charge de la Forêt et de la Faune (Minfof). Dans ces différentes productions, une constante, la description détaillée des actes de corruption dans le secteur forestier au Cameroun. Selon ces productions, l’octroi des titres d’exploitation remporte la palme d’or. 427 actes de corruption enregistrés par le Minfof entre 2009-2012, souligne le rapport : Etat des lieux de la pratique de la corruption dans le secteur forestier et de la faune (Minfof).

Le journal français Mediapart sous la plume de Fanny Pigeaux est encore plus précis. Seulement 3% de cautions versées par les entreprises pour l’octroi des titres d’exploitation sont versées dans les caisses de l’Etat. Le même rapport conclut que les titres d’exploitation sont monnayés entre 14 millions de FCFA et 50 millions.

A cette pratique s’ajoute la coupe et la vente illicite du bois. 10000 m3 de bois de valeur ont quitté illégalement le Cameroun en 2014, souligne un rapport d’enquête de l’ONG Green Peace Afrique. Cette activité fait perdre à l’Etat environ 30 milliards de FCFA par an, souligne une investigation menée en 2012 par le haut-commissariat Britannique au Cameroun. L’exploitation sans titre est également une vraie préoccupation. L’Etat perd 5 milliards de Fcfa par an à cause de l’exploitation illicite des forêts (Source : Minfof).

Au-delà de la perte des recettes pour l’Etat, la corruption dans le secteur forestier touche aussi les populations locales qui devraient être les premières bénéficiaires des richesses forestières. A titre illustratif, les entreprises qui ont obtenu des permis de ventes de coupe lors des enchères de janvier 2014 devaient s’acquitter d’une redevance foncière annuelle (RFA), calculée en fonction de la superficie concernée. Cette taxe, qui constitue le principal impôt du secteur forestier, s’élève en moyenne à 43 000 FCFA par an et par hectare, après-vente aux enchères.

En d’autres termes, pour une superficie de 2 500 hectares, « Uniprovince » (entreprise appartenant à Herakles Farm, ndlr) aurait dû payer la somme de 108 635 833 FCFA. Cependant, l’entreprise ne versera que 2 500 FCFA par hectare au titre de la RFA, soit au total 6 250 000 FCFA) pour l’ensemble de l’année. Cela représente un manque à gagner important pour l’État camerounais mais aussi pour les communautés locales, auxquelles une partie de la RFA est reversée. La corruption dans le secteur forestier enrichit donc les hauts responsables et appauvris les populations locales.


Alain-Georges Lietbouo)/n