Les aventures de Faka Bilumba N°10, la chronique de François Zo’omevele Effa

« Senghor me taquinait cette semaine, me démontrant, images télévisuelles à l’appui, que la manifestation culturelle nègre s’exprimait par la danse »

L’adaptation, la transposition, la transformation, bref, reprendre à son compte un événement étranger pour en faire sa singularité, sa spécificité, voire son identité nationale est l’une des valeurs des civilisations contemporaines, surtout d’Afrique subsaharienne. Senghor me taquinait cette semaine, me démontrant, images télévisuelles à l’appui, que la manifestation culturelle nègre s’exprimait par la danse, les danses qui ponctuent ces derniers temps toutes les cérémonies officielles.

Et mes amis de l’Académie Africaine des Valeurs Authentiques de s’offusquer! Mais, prenant la parole, Mongo Beti expliquait, comme lui seul en a le secret, certaines incongruités de ce folklore savamment établi.

– « Nos parents et aïeux, comme partout dans le monde, avaient des fêtes, des cérémonies auxquelles correspondaient des danses. On dansait pour fêter une naissance, un mariage, des récoltes, une compétition sportive comme la lutte. Mais aujourd’hui, on danse pour des prétextes bizarres. On reçoit un chef d’état étranger, on vient se trémousser sous le soleil ! Les femmes du monde entier revendiquent leur droit, les nôtres dansent et défilent avec les effigies du couple présidentiel. Il y a même un budget pour récompenser ces troupes de danse qui, Monsieur Senghor, sont loin d’exprimer spontanément leur négritude artistique, mais arrondissent leur fin de mois par une enveloppe qui, au passage, aura plusieurs fois été diminuée par de nombreux intermédiaires. »

– « Vous ne voulez tout de même pas remettre à la mode les initiations d’antan, avec des danses de circoncision, circoncision que vous n’avez pas encore dénoncée comme mutilation sexuelle. Ce que je déplore, c’est qu’en fait nous réduisions nous-même notre culture en folklore. Quand les gouverneurs coloniaux, les chefs de subdivisions et autres convoquaient les troupes de danse pour leur plaisir, que des ethnologues, sociologues et autres spécialistes des cultures primitives venaient écrire toutes leurs niaiseries sur nous, légitimant leur spécialité sur des peuples dont ils ne cherchaient même pas à comprendre les langues. C’était normal, c’était des étrangers imbus de leur supériorité, de leur pouvoir et de leur « savoir » ! Mais aujourd’hui… »

– « Aujourd’hui, mon cher Alexandre Dumas ! tout est possible; aujourd’hui, on a fait jouer ton rôle par Gérard Depardieu afin, même et surtout, par l’image, de séparer ta notoriété de ta négritude. Mais il n’y a pas de quoi désespérer, le mimétisme se fait à l’envers. Nous connaissons tous en ce moment l’admiration passionnelle de Sarko pour les dictatures africaines. Il commande démocratiquement tout seul à l’Élysée, en soutenant plus que jamais ces régimes présidentiels de père en fils. Mais nous avons vu, le 8 mars dernier, retransmis depuis la C. R. T. V., la télévision camerounaise, une formidable parade : le défilé des femmes, présidé par la femme du Président de la République, et l’ambassadrice des États-Unis en personne, habillée en pagne du 8 mars, a défilé. Les Chinoises aussi avaient une délégation qui a défilé. Quant aux Françaises, comme d’habitude, elles étaient assises à la tribune officielle -on ne se mêle pas à la populace, voyons !-. Sarko va faire quelque chose en envoyant certainement une Marianne aux seins nus qui épatera tout le monde l’an prochain… Car, à la base, c’est des signatures de futurs contrats dont il est question ! ».

– « Je ne pense pas que les grandes puissances vont s’embarrasser longtemps de ces détails folkloriques, mon cher Patrice Lumumba. Nous avons sous nos yeux des exemples flagrants. Tu nous menaces trop avec tes avions kamikazes comme les Japonais, nous t’envoyons la bombe atomique et t’interdisons de la fabriquer. Tu es riche en pétrole et pas démocratique à notre image, nous t’accusons faussement de détenir des armes chimiques, te faisons la guerre, te tenons pour nous accaparer de ton pétrole. On bombarde tout et on se répartit les chantiers de reconstruction, comme le disait la semaine dernière le ministre français de l’industrie. L’Afrique pose problème car, ce n’est plus très à la page de provoquer des coups d’état pour mettre en place de fidèles serviteurs. Les élections et réélections des fils aux papas dictateurs, ça commence aussi à devenir flagrant; moi, Karl Marx, je vous le disais déjà la semaine dernière, les trucs capitalistes s’épuisent. Après les indépendances, le franc C. F. A. et le Fonds Monétaire International ont contribué à brader toutes les entreprises nationales des pays africains qui se croient toujours indépendants. Comme le chantait Sardou : « Ils ont le pétrole mais ils n’ont pas que ça.. On a des idées, etc… ». L’Afrique a toutes les matières premières, et dans la crise énergétique qui s’annonce, elle est encore très bien lotie. Ils ont du soleil à foison pour l’énergie solaire, des chutes du Zambèze au Congo, de Memve’ele au Cameroun, qui peuvent ravitailler le monde entier en électricité, pire encore, l’Afrique a beaucoup d’uranium. Mais l’Afrique dérange et fait peur car, pour les fins observateurs, la façon dont le Président Sarko a été reçu au Rwanda ne présage rien de bon dans les futures relations afro-françaises.

– Pas de folklore de danses pour l’accueillir.

– Le Président rwandais a fait son discours en anglais -or, le français est encore la langue officielle du pays-.

– Pour la visite du mémorial, le Président rwandais n’était plus là, et le guide n’a pas fait dans la langue de bois pour dire la responsabilité de la France dans ce génocide.

– En rentrant en France, Sarko, comme par hasard, fait arrêter la veuve de l’ancien Président rwandais… Quoi ? Il paraît que ce n’est pas Sarko! »

Et moi, Faka Bilumba, je peux vous confirmer que l’Élysée était en émoi. Et si le Président rwandais contaminait les autres pays ? Ce qui risque d’être le cas du Congo démocratique sur lequel il a beaucoup d’ascendant ! On parle de futures invasions de l’Afrique afin de préserver le marché des matières premières. C’est pourquoi les cinquante ans d’indépendance africaine fêtés le 14 juillet prochain à Paris se compromettent.

François Zo’omevele Effa
Journalducameroun.com)/n