Le Cameroun est-il une dictature?

Par Isaac Njoya

Sosthène Fouda, outre ses activités politiques à la tête du Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie, parti de l’opposition modérée au Cameroun est socio-politologue. Il a publié de nombreux articles ce mois dernier sur l’état du Cameroun sur la base d’une enquête des ménages. Nous lui avons demandé si le Cameroun est une démocratie dans le cadre d’un chat. Voici sa réponse.

Sosthène Fouda: comment définirons-nous un régime autoritaire?
C’est un régime caractérisé par un pluralisme (politique) limité: la compétition pour le pouvoir est restreinte à certains candidats, la liberté d’expression est elle-même limitée, la protection juridique est imparfaite et même partielle, voire partiale. On est donc confronté à une logique en degrés: on dira d’un système qu’il est plus ou moins autoritaire, mais on ne saura pas toujours comment le borner. Mais dans les pays comme les nôtres, il faut vérifier autre chose. Quand vous demandez à un citoyen lambda si le Cameroun est une dictature? Il faut lui demander si le maire de sa localité, le député de sa circonscription a une adresse connue où il peut être joint. Il faut regarder s’il existe une carte scolaire dans le pays, si librement les parents peuvent choisir un établissement scolaire pour leur progéniture sans avoir à monnayer la place, si ceux et celles qui ont un emploi reçoivent leur salaire à la fin du mois sans problème.

Il faut demander aux usagers de la route s’ils se déplacent librement sans être embêter par de nombreux contrôles de police. Il faut savoir si par exemple au niveau du mouvement sportif, les sportifs qui représentent le pays à des compétitions internationales reçoivent leurs primes. Avez-vous une assurance santé? Avez-vous accès à l’eau potable et à l’électricité? A la question de savoir si le Cameroun est une dictature? De nombreux jeunes que nous avons interrogé entre le 18 juin 2015 et le 29 août 2015 répondent à 67% par le non le Cameroun n’est pas une dictature. Ce pourcentage monte à 83% quand vous allez dans les campagnes.

Mais dès que vous décomposez la question, en posant des questions sur le mouvement sportif, la circulation, les rapports à la police, à la justice, vous avez 59% de jeunes qui affirment que le Cameroun est une dictature. Il n’y a donc plus que 8% de jeunes qui ne changent pas d’avis et déclarent que le Cameroun n’est pas une dictature. Au Cameroun, la liberté est restreinte et les choix politiques ne sont pas libres c’est un fait. Les bororos et les pygmées sont des citoyens de seconde zone pas parce que l’Etat les marginalise mais parce que les autres populations le leur font savoir aux quotidiens. Les bororos et les pygmées travaillent par exemple dans leurs plantations ou s’occupent du bétail sans très souvent une rémunération. Dans les campagnes suivant le même procédé, nous atteignons le pourcentage de 88% de jeunes qui pensent que le Cameroun est une dictature. Tout ceci entache gravement la qualité de démocratie que nous pouvons donner ou attribuer au régime en place à Yaoundé.

Les enquêtes et autres baromètres, nouveaux dans notre pays et même dans l’ensemble de l’Afrique noire nous invitent à réfléchir à un certain nombre de critères mais ils ne nous conduisent certainement pas à distinguer de façon tranchée entre catégories claires d’Etat.

La dictature est une notion plus restreinte. Elle implique le plein exercice du pouvoir par un homme seul, sans contrôle, sans limitation de ses compétences, sans limitation de la durée de son mandat. Un dictateur peut arriver au pouvoir par la force ou il peut être élu mais se maintenir contre le droit et par l’oppression. Mais là encore, confronté à la réalité, le concept est moins clair qu’on pourrait le croire : la prolifération d’élections-simulacres rend difficile de distinguer entre un dictateur et un président autoritaire réélu dans des conditions de légalité et de transparence suspectes. De même, la suspension des libertés et des droits peut correspondre à des mécanismes institutionnels et aboutir à la mise en place de formes de dictature légales qui, à leur tour, viendraient brouiller les pistes. Pour nous résumer, je dirai que l’autoritarisme est davantage une question qu’une réponse, un instrument de diagnostic qu’un outil de classement, une problématique plus qu’une affirmation.

Drapeau camerounais.
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Les prises de position de Sosthène Fouda agacent la présidence de la République

Par Isaac Njoya

Ses articles dans la presse écrite, repris dans la presse en ligne et les réseaux sociaux sont des pamphlets, qui agacent de plus en plus au sein du pouvoir à Yaoundé et au sein du gouvernement. Le conseil des ministres du 15 octobre a permis au Secrétaire général de la présidence et au ministre de la Communication non moins porte-parole du gouvernement de se dire quelques mots là-dessus.

En effet, après le dernier réaménagement du gouvernement par le président Paul Biya, Sosthène Fouda a tôt fait de créer la politique en mettant en doute l’authenticité du décret obligeant le Secrétariat général de la présidence de la république à envoyer très tard dans la nuit une copie du gouvernement à plusieurs journalistes afin de contrecarrer la polémique qui enflait déjà dans les médias et les réseaux sociaux.

On croyait la polémique close mais que non, la salve de critiques après l’envoi d’un contingent de 300 soldats américains au Cameroun, à l’encontre du président Biya par Sosthène Fouda est venue à nouveau mettre le feu dans les dossiers de la présidence.

Sosthène Fouda accuse en effet le chef de l’Etat «d’être resté égal à lui-même..» et l’homme politique de poursuivre «c’est à se demander dans quel type de régime sommes-nous au Cameroun? Un régime de type présidentialiste personnifié? Car il était nécessaire de consulter les parements pour avoir leur accord.» Il n’en fallait pas plus pour que Ferdinand Ngo’o Ngo’o, dans un communiqué rendu publique le 15 octobre 2015 à 21h, précise les missions des soldats américains et explique que c’est sur demande du gouvernement camerounais. Il faut préciser que Sosthène Fouda a pris la peine de souligner en rouge la lettre du président Barack Obama publiée sur certains sites d’information en ligne.

Pour Sosthène Fouda, le président Biya a violé l’article 9 alinéa 2 de la constitution qui stipule que: «Le Président de la République peut, en cas de péril grave menaçant l’intégrité du territoire, la vie, l’indépendance ou les institutions de la République, proclamer, par décret, l’état d’exception et prendre toutes mesures qu’il juge nécessaires. Il en informe la Nation par voie de message».

Des prises de position provocatrices mais instructives
Les prises de position de Sosthène Fouda provoquent, en même temps suscitent l’adhésion des lecteurs ce qui a l’art de déstabiliser le gouvernement. Il parle pour discréditer, il cherche la petite bête, relève la virgule qui n’est pas bien placée et prend toujours l’opinion publique à témoin. C’est un humour décapant dans un choix de verbe juste, déporté.

C’est donc à chaque fois le gouvernement camerounais qui fait la course derrière, doit se justifier voire reprendre ses textes pour les préciser. Cette manière de faire installe le doute chez les Camerounais qui se posent la question de savoir si vraiment c’est encore le président Biya qui pilote le navire Cameroun.

Vincent Sosthène Fouda.
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