Il pense aux anciennes générations qui se sont trémoussées sous le rythme dont il demeure le roi. Entretien!
Les anciennes générations vous connaissent très bien au Cameroun, pour ceux qui ne vous connaissent pas aujourd’hui, qui est Pierre Didi Tchakounté?
Je dirais que je suis un monsieur d’un certain âge, qui a fait beaucoup pour la musique camerounaise, qui a révolutionné un rythme de l’ouest du Cameroun, qu’on appelle le Manga-Mbeuh en particulier, et cela dans les années 1975. Et jusqu’en 1990 j’ai eu pas mal de succès j’ai fait de grands titres (musicaux) qui ont marché dans le monde. S’il y a certains jeunes de l’époque qui ont grandi aujourd’hui, ils ont certainement encore en mémoire, des mélodies tels que Manga-mbeuh sophistiqué.
Aujourd’hui vous êtes assez rare sur les plateaux de télévision au Cameroun
Oui effectivement parce que toutes ces dernières années j’ai pris du recul, je me suis installé en Europe, je vis en France, donc je me trouve plus en Europe qu’en Afrique, je n’y suis pas allé depuis un très bon bout de temps, j’en suis conscient et je vais y retourner.
Parlez un tout petit peu du Manga-mbeuh
Le Manga-mbeuh c’est pour moi un rythme d’adoption, parce que j’ai toujours été un musicien de variétés. J’avais juste voulu développer un rythme de notre pays, pour que ça puisse être dansé par tout le monde, de façon que cela ne reste pas une musique locale ou traditionnelle. Je dirais que j’ai eu la chance que mon travail puisse accrocher et puis j’en suis fier. Le Manga-mbeuh c’est un rythme traditionnel. Du temps de nos ancêtres, il était dansé par des jeunes lors des cérémonies funéraires, mariages et autres évènements. Et puis c’est important de le dire, les tribus Bamilékés (ouest du Cameroun) ont une très grande richesse en matière de rythmes et lors des cérémonies les jeunes exécutaient des pas de Manga-mbeuh.
Est-ce que vous pensez que le Ben skin (un autre rythme de l’ouest du Cameroun) a apporté quelque chose au Manga-mbeuh?
Le Ben Skin et le Manga-mbeuh sont cousins. Ce sont les jeunes de New Bell (un quartier de la ville de Douala) qui se sont dit qu’à partir du Manga-mbeuh, on pouvait créer une nouvelle danse, ils ont fait ce rythme.
A un certain moment vous vous êtes intéressé au cinéma
Oui dans ma jeunesse, je me suis approché du cinéma et j’y étais, j’ai fait pas mal de films que ce soit en Europe ou dans des métrages africains. Avec Alphonse Beni, j’ai fait des films avec des très grands artistes français à une époque et j’ai arrêté. J’ai arrêté parce que je me sentais plus musicien qu’acteur (rires).
A quand le come-back dans la musique?
Le come-back se prépare et je promets une sortie d’ici le mois de décembre mais je ne peux pas en dire plus.
Aujourd’hui il y’a de nombreux problèmes avec la gestion du droit d’auteur au Cameroun, même si vous êtes à l’extérieur, cela vous concerne quand même, quel est votre regard sur cette affaire?
Je suis vraiment désolé et je dis même que c’est dommage qu’on en soit arrivé là parce que si je me rappelle bien à l’époque. Vous savez les artistes musiciens, auteurs compositeurs avons besoin des droits d’auteurs pour vivre, c’est notre patrimoine, c’est l’héritage qu’on peut donner à nos enfants. Donc à un moment lorsque j’étais encore au Cameroun, on avait créé une structure qui marchait, un exemple en Afrique comme la SACEM (structure gestionnaire des droits d’auteurs en France) qui nous avait encouragé. Comme l’argent attire toutes les convoitises, c’est devenu un désastre. Je reste un peu en dehors parce que malheureusement je ne suis pas sur place et même si j’y étais je pourrais rien faire, nous prenons de l’âge.

Est-ce que ce n’est pas justement vous les anciens qui devez donner l’impulsion?
C’est pas une affaire d’ancienneté, il y en a eu qui s’y sont impliqués, Manu Dibango par exemple. C’est une tête pensante lorsqu’on parle musique dans le monde on le cite en exemple, si lui n’a pas pu, c’est tout simplement que la situation est catastrophique.
Un bon musicien est-il un bon administrateur?
Un bon musicien n’est pas un bon administrateur, mais il peut l’être. Et bien plus, il est quand même important que ceux qui génèrent le droit y aient un droit de regard. C’est le cas ici à la SACEM en France, où je suis membre depuis 1966. Donc les générateurs de droits peuvent être encadrés par des administrateurs du droit d’auteur, mais ils doivent être là.
Est-ce que l’autre problème au Cameroun n’est pas le piratage?
Le piratage c’est un problème administratif et même politique, parce que lorsque le politicien veut, tout peut aller pour le mieux. Si l’état veut mettre fin à la piraterie, il le fera. Au temps de la Socinada, (ancienne société de gestion des droits d’auteurs du Cameroun), on avait mis les moyens et ça marchait, il n’y avait pas de piratage à l’échelle industrielle comme c’est le cas aujourd’hui.
Le Cameroun vous manque?
Ah le Cameroun! C’est mon pays, c’est ma patrie, tout me manque du Cameroun, tous ceux que j’ai laissés là-bas.
