Cacao camerounais: l’enjeu de la certification

Face à des chocolatiers et autres clients, de plus en plus regardants sur les conditions de production de cette matière première, les producteurs doivent tirer le meilleur parti de leur activité

Les perspectives mondiales de la filière cacao sont prometteuses, si l’on se fie aux statistiques disponibles au ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader). En 2020, explique Henri Eyebe Ayissi, le chef de ce département ministériel, la demande mondiale accusera un déficit d’un million de tonnes en partie à cause du vieillissement du verger et de la difficulté d’étendre les surfaces cultivables dans plusieurs pays producteurs de cacao. Les « disponibilités foncières du Cameroun », qui représentent un important atout dans cette perspective, devraient être saisies par les investisseurs et les agriculteurs locaux, indique le ministre de l’Agriculture.

Le Cameroun, selon les statistiques de l’Office national du cacao et du café (ONCC), a produit 270 000 tonnes de cacao au cours de la campagne 2015/2016. En 2020, le pays envisage d’atteindre 600 000 tonnes par an.

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Produire, mais pas seulement

D’après les explications de Lionel Soulard, directeur général de Cargill pour l’Afrique, les chocolatiers et autres clients des firmes qui exportent le cacao sont de plus en plus regardants aujourd’hui sur le respect d’un certain nombre de normes dans la chaîne de production de cette matière première: la provenance du produit, les conditions dans lesquelles les fèves ont été produites. Ils cherchent aussi à savoir si le paysan tire le juste revenu de son activité, a-t-il souligné. « C’est une tendance générale », indique le DG de Cargill pour l’Afrique. Pour la durabilité de la filière au Cameroun, l’adoption de bonnes pratiques liées à la culture du cacao apparaît donc comme un impératif, d’où les programmes de certifications.

« La qualité sur le marché international est l’objet de cote (bonus financier) quand les exigences sont satisfaites et dépassées ou de décote (malus financier) quand lesdites exigences ne sont pas satisfaites », indique-t-on à Telcar Cocoa Ltd, principal exportateur de cacao au Cameroun avec Cargill. La cérémonie de remise des primes à plus de 6000 producteurs le 07 septembre à Obala, pour un montant de près d’un milliard de F CFA, « peut à cet égard s’apprécier à un double niveau. Primo, les exigences des acheteurs ont été satisfaites, générant un surplus de revenus que, dans un souci d’équité, Telcar souhaite partager avec les géniteurs de cette plus value. Secundo, le programme « Cargill Cocoa Promise » poursuit effectivement et efficacement ses objectifs, à savoir certifier des milliers de producteurs réunis au sein des coopératives ».

D’après le Minader, 600 000 familles vivent de la culture du cacao au Cameroun. Cargill et Telcar Cocoa Ltd comptent toucher 10 000 nouveaux producteurs camerounais dans le programme de certification l’année prochaine, ce qui portera le nombre d’agriculteurs certifiés en fin 2017 à 30 000.

En compte d’Ivoire, où le programme « Cargill Cocoa Promise » a été testé pour la première fois en 2012, ils sont déjà 85 000. Le Ghana et l’Indonésie devraient aussi y prendre part en 2016/2017.

« Comme on ne peut pas toucher les gens individuellement, on travaille avec les coopératives », informe Lionel Soulard.

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Cacao de qualité au meilleur prix

L’inorganisation de la filière est un problème soulevé par le maire d’Obala, Simon Pierre Ediba, lors d’une cérémonie organisée dans sa ville le 07 septembre. Obala, commune du département de la Lékié dans le Centre, vit essentiellement de la culture du cacao, avec un verger de 16 000 hectares, 11 000 cacaoculteurs pour une production annuelle oscillant entre 7 000 et 8 000 tonnes. Parmi les problèmes de la commune, figurent, entre autres: « l’enclavement, les ventes irrégulières et le manque d’organisation des coopératives ».

Le Minader encourage les producteurs à se mettre en sociétés coopératives « conformes » à l’Acte uniforme Ohada pour tirer le meilleur bénéfice des facilités offertes sous ce régime par l’Etat et d’autres institutions.

Telcar Cocoa Ltd, négociant local de la multinationale Cargill, a lancé en mars 2016 au Cameroun « l’Académie des coopératives de producteurs de cacao », avec pour objectif de former et professionnaliser « 908 délégués issus de 227 coopératives de producteurs de cacao, afin de transformer leurs organisations en entreprises viables, durables et profitables ».

Une agricultrice reçoit un certificat prouvant la certification de son cacao au cours d’une cérémonie organisée par Telcar Cocoa Ltd et Cargill, le 07 septembre 2016 à Obala (dans la région du Centre-Cameroun) © Journalducameroun.com

Les deux structures encadrent, appuient et renforcent les coopératives en crédits de campagne, intrants et divers produits, en plus d’autres actions sociales comme: la remise de bourses d’études à des jeunes défavorisés dans certaines communautés; l’octroi de machines à écraser certains produits comme le manioc à des femmes; la construction de forages dans des communautés. A ce jour, 11 communautés en ont officiellement déjà bénéficié .

En plus de la constitution en coopératives – pour mieux défendre leurs intérêts – le président de la société coopérative des producteurs de cacao d’Eséka (commune située dans la région du Centre), M. Baleba Emmanuel Nola, conseille aux cacaoculteurs d’aller vers la certification. Cela permet, explique-t-il, d’avoir « un cacao de qualité, vendu au meilleur prix ». La certification restaure aussi auprès du producteur « sa respectabilité et son honorabilité », souligne-t-il.

Cameroun: des producteurs de cacao reçoivent un milliard de F CFA de primes

Des agriculteurs, partenaires de Telcar Cocoa Ltd et Cargill, ont été récompensés mercredi à Obala, dans la région du Centre, à l’issue de la campagne cacaoyère 2015/2016

Telcar Cocoa Ltd et son partenaire Cargill ont « redistribué » des primes de près d’un milliard de F CFA (958 056 000 F CFA dans le détail) à plus de 6 000 producteurs de cacao mercredi, 07 septembre 2016, à Obala, commune du département de la Lékié, dans la région du Centre.

Lesdites primes – accordées à des cacaoculteurs dont les produits ont été certifiés au cours de la campagne 2015/2016 – ont été remises au cours d’une cérémonie solennelle organisée pour la circonstance et présidée par le ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), Henri Eyebe Ayissi. Le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana; le secrétaire général du ministère des Petites et moyennes entreprises, de l’Economie sociale et de l’Artisanat (Minpemeesa) et le gouverneur de la région du Centre étaient aussi présents à l’événement; lequel a aussi rassemblé à la Place des fêtes d’Obala: les élites religieuses, traditionnelles et administratives du département de la Lékié, l’un des principaux bassins de production du Cameroun.

A l’occasion, 11 000 producteurs – qui ont adhéré au programme Cargill Cocoa Promise – issus des différents bassins de production (Sud-Ouest, Sud, Littoral, Centre), ont aussi reçu des certificats.

A travers cette initiative, Telcar Cocoa Ltd et Cargill entendent oeuvrer à la durabilité de la filière en accompagnant les cacaoculteurs pour leur permettre de tirer le juste revenu de leur travail.

Tercal Cocoa Ltd, négociant local de la multinationale Cargill (une entreprise américaine spécialisée dans le négoce de matières premières), est le premier exportateur de cacao du Cameroun. L’entreprise que dirige Kate Kanyi-Tometi Fotso indique avoir commercialisé près de 30% du volume des fèves produites au cours de la campagne 2015/2016.

La Place des fêtes d’Obala (département de la Lékié, région du Centre) a accueilli la cérémonie de paiement des primes à 6000 cacaoculteurs le 07 septembre 2016© Journalducameroun.com

La remise des primes aux producteurs de cacao certifié a débuté en 2014 à Muyuka, dans la région du Sud-Ouest, avec 500 producteurs. L’année suivante, à Kumba, dans la même région, 5 000 producteurs recevaient de nouveau des primes, pour une enveloppe de 400 millions de F CFA. En 2016, elle a atteint près d’un milliard de F CFA.

« L’année prochaine, je vous donnerai rendez-vous [aux producteurs certifiés; Ndlr] au Cameroun non pas pour un milliard mais pour deux milliards de primes », a promis le directeur général de Cargill pour la région Afrique, Lionel Soulard, mercredi à Obala devant le Minader et des milliers de cacaoculteurs.

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Les producteurs certifiés au Cameroun – déjà au nombre de 21 888 – obtiennent leur certificat après avoir participé à plusieurs programmes dont les « Champs paysan école », où ils sont formés aux bonnes pratiques culturales dans le domaine.

« Je suis folle de joie. Je ne sais pas encore ce que je vais faire avec cet argent », a confié à Journalducameroun.com Mme Wete Marie Louise, une agricultrice qui s’est vue remettre une prime de 223 000 F CFA merdredi à Obala, un an après avoir adhéré au programme de certification de Telcar Cocoa Ltd et Cargill.

D’après des informations recueillies auprès de responsables des deux structures, de nouveaux producteurs, au nombre de 10 000, ont été enrôlés dans le programme pour la campagne 2016/2017. A la fin de l’année prochaine, le nombre de cacacoculteurs certifiés au Cameroun devrait s’élever à 31 888.