Accusée d’escroquerie en france, une camerounaise écope de six mois avec sursis

La femme s’était fait passer pour une victime de l’attaque de Paris. Elle avait sollicité le fonds chargé d’indemniser les victimes de terrorisme, affirmant avoir été blessée

Elle avait tout planifié. Pour obtenir 10.000 euros d’indemnisation, une femme de 31 ans avait tenté de se faire passer pour une victime des attentats du 13 novembre, qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis. Pour parvenir à ses fins, la jeune femme s’était créé un personnage lors de cette tragique nuit de novembre. Sa présence au Bataclan au côté d’une victime décédée, sa fuite par une fenêtre, les blessures, la dépression… Tout n’était que le fruit de son imagination et de sa cupidité. Ce mercredi, elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Bobigny à six mois de prison avec sursis. Elle devra également verser un euro de dommages et intérêts au Fonds de garantie des victimes de terrorisme qui s’était constitué partie civile.

Le 13 novembre 2015, la jeune femme est hospitalisée dans une clinique de la région parisienne pour une intervention bénigne, lorsqu’elle prend connaissance de la tuerie perpétrée dans la capitale. Dans le box du tribunal, la prévenue, veste en cuir beige sur une robe légère, soleil tatoué sur le cou, explique que l’infirmier présent alors à ses côtés lui aurait «donné l’idée». Ce n’est que trois semaines après les attentats qu’elle contacte le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), auquel elle déclare avoir été blessée dans la salle de concert parisienne. Elle précise même qu’elle s’y trouvait avec un ami – un homme réellement décédé sur place qu’elle présente comme un proche. Elle prétend également s’être échappée par une fenêtre en se faisant «bobo au doigt».

Après avoir réuni un dossier compilant certificats médicaux falsifiés, fausses attestations et faux témoignage, elle réclame 10.000 euros au FGTI. Mais les juges d’instruction parisiens, pointant des incohérences, saisissent le parquet de Bobigny pour des vérifications. Ne voyant pas le versement arriver, la fausse rescapée relancera pas moins de sept fois le fonds, évoquant dans ses courriels «blessures», «flash-back» et «dépression». Réfugiée politique camerounaise arrivée en France en 2007, elle va jusqu’à accuser le fonds de «discrimination». Ce n’est que lors de son placement en garde à vue, mardi, qu’elle a admis avoir tout inventé.

Des loyers impayés comme justification
«Pourquoi avoir trompé le fonds de garantie? Les policiers? La société?», interroge la procureure. «J’avais des problèmes, je n’arrivais pas à payer la facture de la clinique, il restait 144 euros à payer. Et puis j’avais des problèmes de loyers impayés, j’ai perdu mon travail», rétorque-t-elle. «On ne peut pas jouer avec la mémoire de 130 personnes pour 144 euros», s’émeut la procureure. «Vous avez pensé à la victime? À sa compagne qui a été appelée six mois après par la PJ (qui cherchait à vérifier la véracité de son témoignage, NDLR)? Cette compagne qui vous a contactée par Facebook pour que vous lui racontiez ce qui s’est passé ce soir-là, et que vous avez envoyée bouler.» «Il y a aussi de la morale dans cette affaire très particulière», lance la magistrate à la fin de son réquisitoire avant de réclamer douze mois avec sursis.

«Je ne veux pas jouer sur la mémoire des morts», a répondu la prévenue, concédant que ce n’était «moralement pas bien, malsain d’avoir commis cette démarche». Présentée comme «totalement déphasée» par son avocate, elle lâche sans grande conviction le mot de «honte». Pour Me Jean-François Laigneau, l’avocat du fonds, «l’infraction est moralement intolérable». Les salariés, qui ont déjà indemnisé 2.600 personnes pour un total de 35 millions d’euros, «ont été ébranlés, choqués par son insistance», a-t-il dit.

Un autre cas de fraude recensé
Une autre jeune femme, âgée de 24 ans, sera jugée à Versailles le 21 novembre pour escroquerie et tentative d’escroquerie. Elle avait prétendu s’être trouvée sur la terrasse du bar Le Carillon, cible des djihadistes le soir des attentats parisiens. Elle avait notamment présenté aux policiers des faux certificats médicaux attestant qu’elle avait été «soufflée par une explosion» et «gravement blessée au bras». Or, la terrasse du bar a été attaquée au fusil d’assaut, et non à l’explosif. La jeune femme, en difficulté financière, espérait alors toucher 20.000 euros dans un délai de trois semaines.


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