Fridolin Nke: « L’élection de Trump, ma lecture en tant que Camerounais? »

Par Fridolin Nke

Que de bêtises ai-je entendues depuis ce matin, jour de l’élection de Donald Trump ! « La fin du monde », « une catastrophe », « une honte », « un sociopathe », « Mussolini. », « Hitler. », etc.

Je soutenais Trump ; j’ai misé sur lui lundi passé. Quelqu’un me doit un Whisky…

Bon, plus sérieusement, je préfère cent fois ce Démon blanc au Saint Nègre à qui il va succéder en janvier 2017. Hillary Clinton allait poursuivre la politique interventionniste d’Obama, c’est-à-dire la chasse aux nègres indociles. Qui sait ? Si Trump avait été élu en 2008, peut-être Laurent Gbagbo serait-il encore Président de la Côte d’Ivoire .

Ce sont des suppositions, pourrait-on m’objecter. En revanche, la leçon que je tire de cette élection américaine : quels que soient nos sentiments par rapport à un acteur social ou politique, l’abhorrer ne justifie pas que nous colportions de fausses nouvelles sur son compte ; détester un personnage politique ne commande pas de le noircir ; désapprouver une doctrine n’oblige pas à diffamer son initiateur ; faire valoir ses préférences idéologiques et politiques n’oblige pas à incriminer sans preuve. En ce sens, je trouve pathétiques ceux qui recourent à la diffamation et aux coups bas pour espérer défaire leur adversaire. Après avoir échoué à coller des salissures à ce géant du monde des affaires avec des histoires de harcèlement sexuel (la parade des incompétents et de gens suspects), ils ont fomenté son assassinat, en vain.

C’est que les lobbies racistes ont décidé de conquérir le monde en incendiant les quatre coins de la planète. Trump dit qu’il ne veut plus de cela. Il ne veut plus les guerres de conquête. Il soutient que l’ère des croisades est révolue (il était opposé à la guerre en Irak, alors qu’Obama et les Clinton étaient pour !). Trump soutient que le peuple américain est fatigué des guerres d’où les GIs rentrent sans mains, sans pieds et l’esprit bousillé.

Ma conviction est celle-ci est que Trump s’entendra mieux avec Vladimir Poutine. La guerre mondiale n’est plus l’unique option, contrairement à la vulgate diffusée par les durs de Washington, ainsi qu’en témoignent les aventures de l’Otan au Moyen-Orient (Syrie et Yémen notamment). Trump dit que le rêve américain a assez inspiré le monde : chaque peuple doit se sauver soi-même ; que chaque citoyen est un rêve qui doit se réaliser ! Trump ajoute que l’Amérique doit arrêter de se disperser à travers le monde pour se concentrer à ce qui fait son essence : le business.

Qu’il pense ce qu’il dit ou non, peu m’importe. S’il est du Ku Klux Klan, il va rencontrer le Black Panther Party sur son chemin. D’ailleurs, pourquoi veut-on nous convaincre qu’il ment lorsqu’il le dit ? Qu’est-ce qui nous prouve que les autres sont sincères dans leurs discours politiquement corrects ? Comment savoir si leur vérité est attestée ? Quelle nécessité (morale, démocratique, idéologique) leur a -t-elle commandé jusque-là de sacrifier le bon sens et des millions de vies humaines ?

Trump est tout, sauf un fou. Insinuer même que les Américains ont voté un psychopathe à la Maison blanche est un gros mensonge. Diplômé en économie, il a été formé dans une académie militaire de New York ; il a étudié à l’université Fordham et à l’université de Pennsylvanie.

Trump n’est ni un déréglé ni un sauveur. Il dit : « Je ne suis pas belliqueux » ; « l’Amérique d’abord ». Pourquoi veut-on qu’il dise « l’Afrique d’abord, le Cameroun d’abord », pour justifier plus tard des expéditions punitives sur le continent ? Le problème est que les gens veulent nous faire accroire que nous avons besoin d’eux, que leurs politiques d’assistanat – et d’assassinats -, leur sollicitude criminelle, leur pitié nous sont indispensables, alors qu’ils nous déplument sans le moindre scrupule.

Arrêtons de croire à ces niaiseries ! Car, malgré les évidences, on veut nous faire avaler la pilule létale de l’aide humanitaire ! Certes, l’exploitation des Nègres et le vol de nos ressources vont continuer avec l’élection de Trump. Mais il est mille fois préférable d’être détroussé par un brigand à visage découvert et sans violence, que de subir la torture et le viol de la part de son agresseur. Je n’ai pas dit que la guerre est finie. Je dis qu’avec Trump, il n’y aura pas de guerre nucléaire.

Surtout, je suis soulagé : le Cameroun ne sera pas mis à feu et à sang pour nous libérer du « dictateur », au prix de centaines de milliers de morts, ainsi qu’avaient programmé Clinton et sa bande néoconservatrice de « wanted ». C’est incontestablement un sentiment de soulagement qui domine chez beaucoup, peut-être surtout à Étoudi .
Cependant, je ne suis pas un partisan du cynisme néolibéral.

Au contraire. À preuve, en mai dernier, dans une salle bondée d’étudiants de Deuxième année de philosophie, j’ai dénoncé la mort tragique de mon étudiant, écrasé le 1er mai 2016 par un train de la Camrail au passage à niveau du carrefour du Mess des Officiers, je me suis attiré les foudres de certaines autorités de l’Université de Yaoundé 1, mon employeur, qui ont décidé de me punir de mon impertinence – pour avoir dénoncé le Groupe Bolloré pour l’absence de mesures de sécurité dans les voies ferrées au Cameroun. Pendant ce cours, j’avais déclaré : « Bolloré a tué mon étudiant et il planifie encore tuer davantage si les mesures ne sont pas prises ». On sait les suites personnelle et nationale réservées à mes dénonciations.

Je dis donc ceci : paradoxalement, avec l’élection de Trump, nous comprenons que l’anti-impérialisme n’est pas une tare ; que le Tiers-mondisme n’est pas un songe ; que la Révolution des sous-hommes n’est pas un fantasme ; que gouverner, c’est incarner historiquement, et avec fierté, une vision noble de l’avenir de son peuple ; et qu’un grand homme d’État est avant tout un projet politique en maturation. Apprenons de nouveau à faire confiance au bon sens ! Trump en a à profusion.

Bonne chance à mon « pari », Donald Trump ! Vive l’Amérique ! Vive le Cameroun !


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Bernard Njonga: « les mesures les plus radicales de Trump ne concernent pas l’Afrique »

De l’avis du président du parti politique Crac au Cameroun, comme d’autres observateurs, les appréhensions qu’ont les Africains de l’élection du Républicain à la tête des Etats Unis sont infondées

Les appréhensions qu’a suscitées, chez beaucoup d’Africains, la candidature puis l’élection du Républicain Donald Trump à la présidence des Etats Unis, dans la nuit de mardi à mercredi, sont totalement infondées, de l’avis d’observateurs.

Pour Bernard Njonga, président du parti politique CRAC (Croire au Cameroun-opposition), « les mesures les plus radicales du programme de Monsieur Trump sont loin de concerner l’Afrique, mais bien les Etats-Unis, les pays voisins auxquels ils sont liés par un traité de libre-échange nord-américain (NAFTA), etc. Pas l’Afrique, pas les Africains. »

« L’appréhension des Africains est née du fait que Trump connaît bien mal l’Afrique, qu’il n’en a pas parlé ouvertement pendant sa campagne, qu’il peut incarner, en apparence, le stéréotype du Blanc néocolonialiste, avec des positions hostiles aux diverses populations du Sud, qu’elles soient musulmanes, latinos ou africaines », a déclaré Hubert Mono Ndjana, enseignant de sciences politiques à l’université Yaoundé I.

« En réalité, derrière l’agressivité qu’il dégage, Trump est paradoxalement beaucoup moins interventionniste que Hillary Clinton. Les Africains n’auraient peut-être pas à en pâtir particulièrement », a conclu l’universitaire camerounais.

« A supposer que le candidat Trump ait tenu des propos ou annoncé des positions qui ont fait peur, notamment aux Africains, il n’en sera pas forcément de même avec le Président Trump », a nuancé Noureddine Mezni, ancien porte-parole du président de la commission de l’Union africaine (UA), aujourd’hui consultant international.

« Dans son discours de victoire, prononcé mercredi matin, on a remarqué un changement de ton. Trump a promis de chercher un terrain d’entente avec tous les pays qui sont prêts à vivre avec les Etats-Unis. Il s’est également engagé à travailler avec les Américains, quelque soit leur communauté ou religion, à partir du moment où ils s’attendent à ce que le gouvernement serve le peuple », a rappelé Mezni.

Un discours dont ses partisans espèrent qu’il estompe les déclarations qu’on lui a longtemps imputées, pendant la campagne électorale qui l’a opposé, ces derniers mois, à la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Le désormais 45ème président des Etats Unis avait tenu des propos hostiles aux Musulmans, qui représentant près de la moitié de la population du continent noir, en appelant à leur interdire l’accès au territoire américain.

« Et si les pires déclarations de Donald Trump étaient pour l’Afrique ? » titrait, en juin dernier, le journal Le Monde. « La presse africaine foisonne de déclarations fracassantes qu’elle lui attribue, mais qui sont impossibles à vérifier », d’après Laureline Savoye, du journal français. « Il faut déporter tous les Kenyans chez eux, Obama inclus », « l’Afrique devrait être colonisée pour 100 années de plus », font partie de ces déclarations controversées, jamais confirmées ni démenties par l’ex-candidat républicain.

Pour Noureddine Mezni, les Africains, comme les Américains, doivent bien s’attendre à un changement qui affectera la politique américaine avec l’élection de Trump. Ce serait toutefois davantage « un changement de style de présidence » tant ce milliardaire issu du quartier populaire Queens, de New-York, a un profil atypique. La raison qui préviendra un basculement brutal vers un nouveau système tient à la nature de la fonction qu’il exercera.

« Le président des Etats-Unis ne gouverne pas seul. Autour de lui, il y a des conseillers, des secrétaires d’Etat, un vice-président, des départements, des institutions…On emploie souvent le mot administration pour désigner cet ensemble: l’administration Reagan, l’administration Clinton ou l’administration Obama. Si l’office présidentiel ne le persuade pas de renoncer à ses propositions les plus farfelues, cette administration saura l’encadrer et le ramener à la raison, le cas échéant », a affirmé Noureddine Mezni.

Pour Hafedh El Gharbi, professeur d’histoire politique américaine à l’Université de Sousse, en Tunisie, « la fonction présidentielle saura imposer ses diktats au turbulent Donald Trump ». El Gharbi distingue, à ce titre, deux dimensions qui brideront l’élan de Trump.

Une dimension politique, premièrement, qui fait que le nouveau locataire de la Maison Blanche « n’aura pas les mains libres tant son parti est divisé, y compris au Congrès, avec les conservateurs religieux, les néo-conservateurs, les sympathisants du Tea party etc… Très vite, il comprendra qu’il devra composer avec des médias hostiles, un parti divisé, une opinion internationale sceptique, et surtout, le système des checks and balances », détaille l’universitaire tunisien.

Ce système constitue la dimension juridique qui participera de l’encadrement de Trump « son veto peut être vaincu par une majorité des deux-tiers au Congrès, c’est le Sénat qui approuve les traités et la nomination des ambassadeurs, c’est le législatif qui déclare la guerre et instaure les taxes. De même, le judiciaire aussi exerce son contrôle », poursuit El Gharbi.

Concernant, plus précisément, les menaces proférées à l’endroit des musulmans, qu’ils soient d’Afrique ou d’ailleurs, « très vite, Trump comprendra également qu’il ne pourra pas reconduire des musulmans en masse à la frontière car c’est tout simplement anti-constitutionnel. La fonction lui fera édulcorer ses propos les plus extrêmes pour qu’il compose avec les institutions en place (..) quitte à décevoir son électorat le plus à droite », ajoute Hafedh El Gharbi.

Celui qu’on rapproche volontiers du Président Ronald Reagan (1981-1989), ne serait-ce que pour leurs affinités cinématographiques, pourrait, comme son prédécesseur, être pris de cours par les événements, et changer ainsi de trajectoire, malgré lui. [i « Reagan avait mené sa campagne de 1984 autour du thème de l’intégrité politique, pour se retrouver en plein scandale de l’Affaire Iran Contra juste après ! En 1980 il se présentait comme le « superman » qui lavera l’affront de la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran, sous [son prédécesseur Jimmy] Carter, mais il s’est trouvé devant les attentats de Beyrouth de 1983 qui ont tué plus de 240 soldats américains »], a conclu ce professeur d’histoire politique américaine.


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