Tuerie de Ngarbuh : un ancien journaliste de la CRTV fait le procès du média

Pour le journaliste Raoul Simplice Minlo, l’affaire de la tuerie de Ngarbuh a traduit la caporalisation des médias de service public, et remis au goût du jour la problématique de son rôle.

La sortie sur les réseaux sociaux de Raoul Simplice Minlo part de celle d’Haman Mana, le patron du journal Le Jour, cité parmi les organes de presse qui auraient reçu de l’argent de certaines ONG pour «déstabiliser le Cameroun ». Plusieurs médias ont relayé ces accusations du ministre de l’Administration territorial, ainsi que le déni des faits rapportés par l’ONG Human Right Watch. Haman Mana a choisi de s’adresser en particulier au média public la CRTV.

Suite aux résultats de l’enquête instruite par le président de la République qui donne raison à l’ONG Human Right Watch, le directeur de publication de Le Jour interpelle la CRTV par un fait historique. « Juin 1990. Zacharie Gniman et Antoine Marie Ngono adressent une véhémente lettre de protestation au ministre de la Communication, pour les avoir induits en erreur dans le compte-rendu des marches le lancement du SDF, le 26 mai à Bamenda.  » Piétinés par balles »… Que disent leurs cadets d’aujourd’hui, pour avoir été induits en erreur dans la relation des événements de Ngarbuh? Où est passé le journalisme en une génération de professionnels ? », S’interroge Haman Mana.

Raoul S. Minlo,  ancien de la maison réagit et étale ce qui croit être les handicaps à la progression de la CRTV. Le média peine selon le journaliste  à s’adapter aux évolutions du temps. « Je faisais remarquer dans un livre  » La CRTV un Grand Malade ! Diagnostic fonctionnel de l’audiovisuel public », que  si  les logiciels liés à la gestion des éléments d’une démocratie avaient été changés dans notre pays, celui des médias à capitaux publics ne l’a pas été. La CRTV, et j’ajouterais Cameroon Tribune, dans le traitement de l’information fonctionnent avec un logiciel qui date du parti unique ( À l’époque où le ministre de l’information Vroumsia Tchinaye rappelait aux journalistes du Poste National qu’ils sont les  » haut-parleurs du gouvernement) »

Sur la relation qui existe entre la CRTV et le pouvoir, Raoul Simplice Minlo constate un assujettissement du média public. « Leur  extrême inféodation au gouvernement et au parti au pouvoir, le dogme des journalistes, les journalistes eux-mêmes, leur statut, le management, l’environnement juridique et réglementaire, l’outil de production, les programmes, sont autant de maladies qui empêchent ces médias de faire un aggiornamento et de jouer véritablement leurs rôles ».

Massacre de Ngarbuh : quand Atanga Nji accusait Equinoxe Tv, Le Jour… de comploter contre le Cameroun

Au lendemain de la tuerie de Ngarbuh, le ministre de l’Administration territoriale avait déclaré que plusieurs médias qui avaient publié le « rapport erroné » de l’ONG Human Rights Watch avaient perçu de l’argent pour fragiliser les institutions.

Après  la publication du rapport de l’ONG Human Rights Watch sur la tuerie de Ngarbuh, le ministre de l’Administration territoriale s’en était pris à plusieurs médias. Au cours du point de presse du 09 mars, Paul Atanga Nji les accusait de faire écho « des rapports erronés » de certaines Ong moyennant des financements.

Le ministre citait Équinoxe Tv, Stv, Radio Balafon et le quotidien Le Jour; affirmant que Human Rights Watch, International Crisis Group, OCHA, et le Redhac leur avait partagé le pactole de 5 milliards de FCFA reçus des « réseaux occultes à l’intérieur et à l’extérieur du Cameroun, pour la déstabilisation des institutions de la République ».

Un mois après que le Minat a renié les conclusions du rapport de l’ONG Human Rights Watch,  la présidence de la République admet qu’une bavure de soldats a coûté la vie à une vingtaine de personnes le 13 février 2020 dans la région du Nord-ouest. Ce qui corrobore l’essentiel des accusations de Human Rights Watch que Paul Atanga Nji avait balayé d’un revers de la main. Non sans présenter l’ONG comme celle qui définit la ligne éditoriale de certains médias camerounais. Va-t-il s’excuser ?

Cameroun- Tuerie de Ngarbuh : les Eglises de Douala portent le deuil

A l’initiative de l’archevêque de Douala, ce 21 février est journée de prière pour les morts de Ngarbuh-Ntumbaw dans la région du Nord-ouest en proie à la crise anglophone.

Le gouvernement parle de cinq morts dans la tuerie de Ngarbuh dans le Nord-ouest. L’Onu pour sa part compte au moins 22 personnes décédées dans ce massacre. L’Eglise catholique, notamment le diocèse de Douala se montre sensible face au bilan humain. Ce 21 février est journée de prière dans les archidiocèses de Kumbo dans le Sud-ouest et à Douala dans le Littoral.

Monseigneur Samuel Kléda, l’archevêque de Douala a adressé une lettre à toute la communauté catholique de son diocèse. « En cette circonstance douloureuse, je vous invite chers fils et filles de de l’archidiocèse à vous joindre aux familles des victimes de la localité de Ngarbuh, et aux fidèles du diocèse de Kumbo pour une journée de prière, le vendredi 21 février 2020, dans l’ensemble de l’archidiocèse de Douala, afin que cesse toute forme de violence, et que revienne la paix véritable », souhaite-t-il.

Mgr Kléda ne manque pas d’interpeller le gouvernement sur sa responsabilité. « Je saisis l’occasion pour réaffirmer le caractère sacré de la vie humaine selon le dessin de Dieu, consigné dans le cinquième commandement : « Tu ne tueras pas » (Ex 20,13). Je condamne avec fermeté la violence sous toutes ses formes. A cet effet j’interpelle les pouvoirs publics, pour qu’ils exercent leur fonction fondamentale, celle de garantir la paix, par la pratique de la justice authentique et de la politique véritable. »