Peintre, sculpteur, designer, il a créé une ligne de vêtements prêt à porter urbains, née d’une vision forte
Jules Wokam, un homme d’apparence timide et toujours souriant. Le créateur de « too maii », une ligne de vêtements prêt à porter urbains donne véritablement cette impression, du moins à ceux qui le découvrent. Il affronte au quotidien les obstacles qui empêchent d’avoir une marque reconnue et appréciée au Cameroun, avant de devenir l’artiste pluridimensionnel d’aujourd’hui, il lui a bien fallu passer l’étape de la jeunesse: «dans l’enfance j’étais quelqu’un de compliqué, difficile à gérer pour les parents, au début de l’adolescence je pense qu’il y a eu des évènements qui ont fait que j’ai été un peu en rupture avec mon environnement immédiat et c’est à ce moment là que j’ai vraiment commencé à beaucoup dessiner en fait» avoue t-il pour parler de ses premiers pas en tant que styliste. En faisant des arts variés son point d’encrage, il lance sa carrière professionnelle par la création des mobiliers où il trouve rapidement l’opportunité de se familiariser avec la production en série: «dans cette entreprise je ne trouvais pas la satisfaction vers laquelle j’avais envie d’aller c’est-à-dire le design. A ce moment là dans l’environnement local en terme de prêt à porter, qui consistait à produire en série, il n’y avait presque pas d’ouverte à exploiter». Au début sa marque avait une stratégie de marketing très agressive, notamment des défilés de mode, des grands panneaux d’affichage et même l’ouverture d’un magasin en nom propre, une expérience enrichissante mais utopique qui tourne très vite court: «on voulait aller un peu vite et tout de suite on a buté sur les questions d’acheminement, de transit, bref toutes les règles du commerce que je ne maîtrise pas en fait, donc ce qu’on essaie de faire maintenant c’est de mieux structurer la gestion commerciale».

Imprimer un style typiquement africain
La réalisation d’une marque est une procédure qui dépend d’une structure bien établie à tout point de vue, en dehors de la partie créatrice. La production et la distribution posent des difficultés que l’artiste seul ne peut endosser: «pour l’instant on manque de structure adéquate, normalement il faut avoir un styliste, un modéliste et un responsable de production. Je suis obligé de faire toute la phase jusqu’au début de la production. La vraie bataille des entreprises de mode ici, c’est de pouvoir convaincre les distributeurs, on doit faire des démarches vers ces magasins pour prendre un peu de place et c’est ainsi qu’on peut réussir à créer un réseau de distribution». Too maii ligne de vêtements née d’une vision forte, avec un slogan par ailleurs idéaliste qui encourage l’esprit d’ouverture de l’Afrique vers le monde afin d’élargir sa portée: «le nom de cette mode vient aussi d’un des travers que l’on reproche à la mode africaine, c’est-à-dire de ne pas revendiquer très fortement ses origines, c’est le principal obstacle qui fait qu’on n’arrive pas à s’ouvrir au monde. J’apprends qu’il y a Too maii qu’on a découvert, que c’est l’ancêtre de Lucie, que c’est le premier être humain sur la terre. Si on est à l’origine du monde ça veut dire que dans les autres cultures aussi on doit pouvoir trouver des choses qui viennent de chez nous». Jules Wokam compte parmi les stylistes camerounais talentueux qui cherchent leur chemin, il a néanmoins trouvé sa niche dans la mode locale, il chérit sa vision de vêtir son peuple et sans l’admettre vraiment, d’ouvrir la voie, car «c’est lorsqu’on porte fièrement sa culture que l’on peut s’ouvrir aux autres en étant à l’aise» pense-t-il.
