La communauté ivoirienne ne décolère pas après l’agression de ses compatriotes

Des appels à la vengeance continuent de fuser sur la toile, invitant à l’attaque des ressortissants du Cameroun en signe de représailles après la bastonnade infligée à deux Ivoiriennes la semaine dernière.

La communauté ivoirienne lance les hostilités après la violence dont ont été victimes deux ressortissantes de ce pays. Sur leurs territoires, les Ivoiriens se sont lancés depuis mardi, 08 août 2017, dans des actes d’agressions sur les membre de la diaspora camerounaise, en témoignent des vidéos circulant sur la toile.

Le contentieux a éclaté en fin de semaine dernière après la diffusion d’une vidéo – vue plus de 66 000 fois à ce jour – montrant deux jeunes femmes, totalement nues, se faire fouetter par des bourreaux dont le visage n’était pas visible. Selon certains médias ivoiriens, les victimes seraient aussi faites violées. Une bagarre entre les deux Ivoiriennes, le 08 août dernier, serait l’élément déclencheur de toute cette querelle. Ces dernières se seraient battues dans le domicile de la Camerounaise qui les logeait, entrainant son expulsion par le propriétaire des lieux. Vexée de la situation, la Camerounaise aurait demandé à ses invitées de lui verser un montant de 656 000 F CFA, représentant les frais de caution pour un nouveau loyer. Chose que n’auraient pas fait les Ivoiriennes, et pour riposter l’hôte aurait envoyé cinq gars, tous membre la communauté camerounaise du Maroc pour agresser les concernées.

«Face à l’impossibilité des ivoiriennes de payer l’argent sur le champ, des négociations sont engagées avec les Camerounais qui leur demandent de solliciter l’aide extérieur. Des coups de fils sont passés dans tous les sens par les deux jeunes dames pour obtenir de l’aide. Les Camerounais dorment même sur place avec elles, car exigeant de ne quitter le lieu qu’en possession des 1000 euros.

Le lendemain, alors qu’une promesse faite (de payer un acompte le matin) par le frère de Nina à Abidjan n’est pas respectée, la tension devient vive entre les ivoiriens d’une part et les Camerounais d’autre part. Finalement, la Camerounaise parvient à convaincre les deux vulnérables ivoiriennes (du fait de leur situation administrative), de les suivre chez elle afin de faire « un scenario de kidnapping » pour obliger leurs parents à faire venir l’argent.

C’est donc arrivées chez la Camerounaise, que les deux ivoiriennes enfermées dans une chambre, seront obligées à leur grande surprise de se déshabiller avant d’être bastonnées avec une barre de fer et un morceau de bois par les gros-bras dont un prenait le soin de filmer la scène», explique un internaute.

Malgré les messages de compassion, d’excuses et d’appel au calme lancés par de nombreux Camerounais, les Ivoiriens ne démordent pas de leurs intentions de vengeance. Ils vont mettre la main sur l’instigatrice des violences, mais aucun mal ne lui a été fait. Une forte mobilisation a lieu à Casablanca depuis lundi.  Des Camerounais y subissent des représailles. «Ça sert à quoi tout ceci, frères Ivoirien s’il vous plait calmez-vous. La justice vas prendre les choses en main, ils vont payer de leurs actes. La violence n’est pas bien. Nous Camerounais et camerounaise condamnons cet acte nous sommes contre alors s’il vous plait calmez-vous», exhorte une internaute.

 

La révolution silencieuse ou le réveil des consciences en Afrique

Par Michel Lobé Etamé, journaliste

Je reçois tous les jours une vidéo, un texte ou une image figée sur les réseaux sociaux. Ce phénomène n’est pas nouveau. C’est un mode de communication de la société numérique qui traduit une angoisse, un besoin de partage et parfois très souvent, un cri d’amour ou de désespoir. Le contact physique se raréfie alors que les réseaux sociaux nous rapprochent pour se donner bonne conscience.

Je me délecte à lire ces textes et à visionner ces vidéos, tous plus ou moins loufoques. Il en ressort un sentiment unanime: le réveil des esprits. C’est une étape importante qui conduira au réveil des consciences, à l’évolution démocratique de l’Afrique qui est indispensable pour sortir de la grande nuit.

Les thèmes sont multiples et variés: la brutalité des forces de l’ordre, la corruption, le népotisme, le tribalisme, le clientélisme, les élections truquées, la françafrique, le franc CFA, les présidents qui s’éternisent au pouvoir, les constitutions bafouées, le rôle trouble des ONG, etc. Mais on y trouve aussi les faits divers au quotidien et cette frénésie religieuse de tous ceux qui ne croient plus en leurs dirigeants.

Tous ces thèmes, jusque-là tabous, sont traités à travers les réseaux sociaux. On y découvre des aberrations sur l’origine du franc CFA, du rôle très actif de la françafrique, de l’influence de la maçonnerie, du pacte colonial ou des accords de coopération signés lors des indépendances des états de l’Afrique francophone, des séjours permanents et prolongés du président Paul Biya en Suisse aux frais du contribuable, de la religion Vaudou, etc. Tous ces sujets méritent un débat national et continental. Mais les pouvoirs en place ne le supporteraient pas. Pourquoi?

Les intellectuels africains sont les grands absents du dialogue informel sur le net. Ils ont tort de ne pas participer à ce mouvement inclusif en s’arcboutant derrière un déclinisme pathétique qui les caractérise. Les nouveaux médias, à la portée de tout le monde, véhiculent la démocratie, l’état de droit et la bonne gouvernance.

Les réseaux sociaux nous comblent et font le bonheur des sans voix. Ils irritent les autorités habituées à inonder les médias par leur pensée unique. Ce privilège est révolu.

Une catégorie de citoyens méprisés monte au créneau. Leurs revendications s’ajoutent à leur colère. On y trouve des vérités gênantes pour les pouvoirs en place. On y apprend que certains présidents africains sont des marionnettes. Cette vérité n’est pas nouvelle. Mais elle s’amplifie et circule dans toutes les strates de la société.

Les blogueurs du web inondent la population d’informations très souvent concordantes. Les médias traditionnels à la solde du pouvoir sont délaissés. Les pouvoirs paniquent. La gestion calamiteuse des richesses est décriée. Le mensonge permanent s’étale sur le Web. Le roi est mis à nu. Ils n’ont pas le contrôle de la toile et s’en inquiète.

Au Cameroun, les autorités continuent à user des vieilles méthodes héritées de la colonisation. Pour étouffer les revendications, les «forces de l’ordre» brutalisent, tuent et paralysent les populations anglophones. Des images circulent sur les réseaux sociaux et étalent les violences sur une population qui ne demande qu’à être écoutée. Certains ministres zélés ont choisi la manière forte en menaçant de poursuites judiciaires, de graves sanctions et de prisons tous ceux qui véhiculent sur la toile des informations «fausses et erronées». Internet est coupé au Cameroun Occidental car cette pieuvre tentaculaire est à la source des mouvements contestataires en cours. La brutalité du pouvoir est choquante à travers les images qui circulent. Ce n’est pas la réponse appropriée à une légitime revendication. La volonté de taire tout un peuple traduit la brutalité des autorités. Elles ne tolèrent pas les médias qui échappent à leur contrôle.

Les pouvoirs en Afrique s’activent à couper le net. Ils s’affolent car leurs mensonges depuis les indépendances ne font plus recette. La justice est saisie pour un délit nouveau. Mais, lequel ? L’anonymat du net est parfois critiquable. Mais il est devenu le seul moyen pour dénoncer les dérives des pouvoirs absolus.

Tel membre du gouvernement, pour plaire à son président, promet des représailles, des sanctions, des «procès exemplaires» pour dissuader les internautes. A ce rythme, il va falloir construire de nouvelles prisons.

Internet n’est la propriété de personne et ses mutations sont imprévisibles. Les pouvoirs publics gagneraient à libérer les objecteurs de conscience et à dynamiser la jeunesse par une dose de démocratie et de transparence pour lutter contre les maux hérités de la colonisation : corruption, népotisme, tribalisme, vol des deniers publics. Internet est devenu un contre-pouvoir d’une élite enfermée dans ses mensonges et aveuglée par ses préjugés. Il serait malvenu de bloquer Internet qui est un support de lutte contre les dictatures. Internet survivra, avec ses vérités, ses mensonges et ses délations.

La révolution Internet n’est pas seulement un outil de développement économique et social. Elle nous aide aussi à nous transformer pour transformer nos peuples. Qu’on se le dise!