Cameroun :  AlertGBV, une plateforme pour lutter contre les violences basées sur le genre

Women in Entrepreneurship and Technology (Wetech) a lancé cette initiative à Douala le 17 février 2023.

La lutte contre les violences faites aux femmes semble être une préoccupation constante des pays africains qui s’efforcent depuis quelques années de reconstruire pour les femmes une citoyenneté garantissant leur dignité. Dans cette logique, la plateforme camerounaise de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) initiée par Wetech a lancé avec le concours du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) sa solution digitale AlertGBV.

« Notre mission à travers AlertGBV consiste non seulement à apporter une assistance optimale et adéquate aux survivantes de violences basées sur le genre (VBG), mais aussi d’être un cluster de référence des acteurs, professionnels, associations et organisations qui viennent en aide aux survivantes », a expliqué sa fondatrice et directrice exécutive, Élodie Nonga-Kenla.

Selon les porteurs de projet, cette plateforme permet surtout aux survivantes de recevoir l’aide adéquate dont elles ont besoin, par rapport à leur situation. « Dans sa phase de test, le site web enregistrait déjà plus de 3 000 visites, et le chatbot quant à lui a déjà reçu une trentaine de témoignages de survivant(e)s avec plus d’une dizaine de personnes dont elle a pu offrir un support direct. AlertGBV entame sa phase de déploiement dans plusieurs pays africains, parmi lesquels le Cameroun, le Tchad et l’Afrique du Sud. Elle compte se développer en permettant aux particuliers en Afrique comme à l’étranger, d’offrir des packs d’assistance aux victimes ou encore aux entreprises de bénéficier des séances de formations et sensibilisations sur les VBG en milieu professionnel« .

Pour mémoire, Wetech est le premier gagnant du concours international « Joint Innovation Challenge 2022 ». Ce concours, organisé par le Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa), vise à fournir des fonds aux entreprises sociales proposant des solutions innovantes qui font progresser l’autonomisation des femmes et des filles dans le monde.

 

Cameroun-Mgr Abraham Kome : « Beaucoup de nos compatriotes sont mécontents »

Le président de la Conférence épiscopale nationale attire l’attention des forces vives sur le mécontentement de certains Camerounais. Les évêques invitent les uns et les autres à prendre leurs responsabilités dans la vérité.

 

 

Nombreux sont les sujets qui préoccupent les évêques du Cameroun. Crise de la vie chère, violences conjugales, crises sécuritaires, difficultés d’approvisionnement en eau, coupures intempestives d’électricité sont autant de tourments dans lesquels la société camerounaise est noyée aujourd’hui. Ils ont été dénoncés par la Conférence épiscopale nationale à l’occasion de l’ouverture des travaux de sa 47è Assemblée plénière le 26 avril 2022 à Mvolyè à Yaoundé.

Le conclave que préside Mgr Abraham Kome n’entend pas prendre part à la négligence du mécontentement de certains Camerounais causés par ces différentes préoccupations. « Beaucoup de nos compatriotes sont mécontents. Il faut le savoir. Nous prions toutes les forces vives de notre pays, de ne pas sous-estimer le mécontentement de la grande majorité de nos compatriotes, de façon sourde ou active, exprime leur soif de vivre », alerte le président de la Cenc

Parmi les sujets évoqués, la montée en puissance de la violence en général et des violences conjugales en particulier retient davantage l’attention des prélats. « Nous voulons inscrire notre profond regret suite à la rechute dans l’opprobre de la violence de certains Camerounais, notamment envers les femmes. Ces comportements barbares doivent être tenus pour inacceptables et réprimandés de la façon la plus ferme, surtout quand ils aboutissent à la mort des victimes », insiste l’évêque de Bafang, président de la Cenc.

Au regard de ces problèmes, le président de Conférence épiscopale interpelle la société camerounaise. Il s’inquiète de l’affaiblissement de l’éducation aux valeurs telles que la sacralité de la vie et le respect de la dignité humaine. Pour trouver la solution, il indique la voie.

« On a souvent tendance à jeter les responsabilités sur les uns et les autres. Mais, ce que nous souhaitons c’est que chacun à son niveau, y compris l’église, que nous prenions notre responsabilité dans la vérité. Parce que si on nie la vérité, la solution s’éloigne. Il faut faire un état des lieux franc et sincère », propose Mgr Abraham Boualo Kome qui préside la dernière session plénière de son mandat qui s’achève.

Cameroun : la femme d’un pasteur demande le divorce à cause des violences conjugales et de la pauvreté

Parent de trois enfants encore mineurs, la femme d’un pasteur dit ne plus vouloir de ce dernier comme époux. Elle  a saisi le tribunal pour qu’il ordonne la séparation. Les faits sont relatés par Kalara.

 

 

 

 

« Je ne veux plus être le tam-tam de cet homme. Je suis fatiguée des bastonnades tous les jours. Je l’ai épousé parce que je pensais qu’il craignait Dieu. Hélas ! ». C’est en ces mots que Barbara a entamé son témoignage devant le juge de tribunal de premier degré (TPD) de Yaoundé le 20 octobre dernier.

Chrétienne engagée et épouse d’un évangéliste dans une église réveillée, elle dit avoir reçu déception  et humiliation à la place du grand amour que lui avait promis Jules, son époux et père de ses trois enfants. Les violences conjugales, l’irresponsabilité et le manque de respect de son homme, sont des motifs de sa requête en divorce introduite devant cette juridiction il y a à peine deux mois.

Jules, qui a comparu pour la première fois, a décliné la compétence du Tribunal coutumier après que son épouse ait fini de faire son témoignage. La dame, qui ne doutait de rien, a naturellement relaté au tribunal la litanie de ses déboires conjugaux. Elle a raconté au tribunal avoir fait la connaissance de Jules lorsqu’elle était encore élève en fiancé à un autre homme, qui payait ses études, après le décès de ses deux parents.

Ce dernier lui a posé des conditions, parmi lesquelles elle devait d’abord obtenir le baccalauréat avant de l’épouser. Ne pouvant  pas remplir ces conditions qui pour elle était une forme de chantage, elle s’est jetée dans les bras de Jules, qui a cette époque était dans une école de formation et son enseignant à l’école biblique.

Barbara déclare que son tuteur, le pasteur de leur congrégation religieuse, n’a jamais apprécié Jules. Selon lui, il n’était pas un homme pour elle, encore moins celui qui devait faire son bonheur. Elle s’est entêtée et la relation s’est poursuivie.

Au bout de quelques mois, l’évangéliste, qui prônait la chasteté avant le mariage, a eu des rapports sexuels avec elle. « Il m’a presque obligé de le faire. Dès notre premier rapport sexuel, je suis tombée enceinte de notre premier enfant », a-t-elle confié. Pour ne pas tomber davantage dans le péché, Jules a demandé Barbara en mariage.

La cérémonie a été célébrée le 27 décembre 2015 en l’absence des membres de la famille  de la femme, qui se sont toujours opposés à leur mariage. « Je l’ai épousé sous pression. Il ne m’a pas «doté» parce qu’il n’avait pas de moyens. Il avait peur que mon ex me récupère ».

Il peut me tuer

Barbara déclare que son calvaire a commencé un an après leur mariage civil et religieux. Elle raconte que son homme a commencé à poser la main sur elle pour la première fois lorsqu’elle fait des reproches à ce dernier pour avoir bastonné son grand-frère. Elle a quitté le domicile conjugal et est allée se réfugier dans les bras de son ex-fiancé.

Après plusieurs assises entre les deux familles, elle est revenue dans son foyer. Depuis lors, déclare-t-elle, elle s’occupe toute seule des charges du ménage. Son époux, qui n’est pas en activité, est aussi une charge pour elle. Aujourd’hui parents de trois enfants âgés respectivement de 6, 4, et 1an, Barbara dit ne plus vouloir de Jules comme époux.

 « Depuis que j’ai épousé cet homme, je suis constamment victime de violences conjugales. Je suis fatiguée, mon corps souffre. Il m’a déjà cassé une dent, si je reste avec lui il peut me tuer. Je veux divorcer », a-t-elle conclu.  Silencieux tout au long du témoignage de son épouse, Jules est resté bouche bée lorsque le juge lui a demandé sa version des faits.

Il s’est juste rapproché et a produit un document. «Pourquoi  avoir attendu que votre femme fasse son témoignage ? Madame, votre mari ne veut pas être jugé devant le tribunal du village. Il a décliné notre compétence» a déclaré le juge avant de mettre l’affaire en délibéré sur la compétence du TPD à connaître cette affaire. Ce sera à l’audience du 17 novembre 2021.

Dominique Tchimbakala : « Il est temps que d’autres femmes sortent de l’ombre et libèrent leur parole »

L’affaire Rokia Traoré – du nom de la chanteuse malienne arrêté et incarcérée à Paris suite à une affaire l’opposant à son ex-mari – continue de susciter de l’indignation. Alors que l’écrivain Felwine Sarr s’est porté solidaire de la chanteuse en expliquant que statistiquement, les femmes africaines perdaient leurs droits parentaux à la suite d’un contentieux post-union, la journaliste Dominique Tchimbakala (d’origine congolaise) apporte un témoignage personnel pour l’étayer.

« Pour la plupart des couples mixtes, les femmes quand elles sont africaines perdent souvent à l’issue de contentieux post-union, leurs droits parentaux. C’est une donnée statistique et structurelle ».

Felwine Sarr, merci d’ouvrir cet espace de parole. Nous sommes trop nombreuses à vivre les situations dont vous vous faites le porte-voix. Sidérées par le choc, anéanties par la violence des institutions sensées nous protéger, nous nous enfermons dans la honte et dans un mutisme traumatique.

La plupart d’entre nous avons été traitées comme des criminelles, insultées, montrées du doigt, jugées folles, hystériques, déséquilibrées et bien sûr, jugées incapables d’être de bonnes mères. Parce que ces mots ont été prononcés, répétés, écrits, validés par des représentants d’institutions ou des autorités administratives, ils ont acquis la puissance d’une vérité judiciaire.

Puisque c’est par les mots que nous avons été enfermées, alors il est temps de reprendre possession de notre récit pour dire qui nous sommes et ce que nous subissons. C’est la raison pour laquelle je décide de m’affranchir de la honte pour témoigner de ce que j’ai vécu.
Que vous soyez une honnête travailleuse, une mère de famille consciencieuse, investie dans la vie scolaire et associative, journaliste reconnue ou artiste de renommée internationale, face à des représentants d’institutions, vous n’êtes rien d’autre qu’une femme noire. C’est-à-dire rien.

Peu importe que vous soyez victime de violences conjugales. Peu importe que vos enfants soient instrumentalisés. Peu importe que votre ex-compagnon ait reçu un rappel à la loi pour possession d’armes sans autorisation. Peu importe votre plainte pour harcèlement (qui sera d’ailleurs classée). Peu importe votre demande de protection à la police, c’est vous qui serez placée en garde à vue. Peu importent les antécédents judiciaires et les articles de presse sur le caractère violent du personnage, si votre ex-compagnon est un homme blanc, il sera tout-puissant.

A l’issue du contentieux post-union, il obtiendra tout. Non seulement vous pourrez perdre la garde de vos enfants mais en effet, perdre jusqu’à vos droits parentaux. Vous serez traitée comme une mère-porteuse. Toutes les institutions juridiques, éducatives, psychologiques, sociales vous regarderont comme suspecte. Et parce que vous ne leur ressemblez pas, parce qu’ils ont du mal à vous mettre dans une case, intuitivement –à leurs yeux- vous serez coupable. Vous serez jugée illégitime pour élever vos enfants. Et plus vous serez calme, plus vous tenterez d’expliquer l’absurdité de la situation, l’absurdité des décisions de justice, plus les institutions deviendront violentes à votre égard. Pour vous remettre à votre place, ou plutôt à celle qu’elles vous assignent.

Oui, les séparations dans les couples mixtes sont souvent plus violentes et traumatisantes que dans les couples non-mixtes. Au moment de la rupture, en particulier si nous en avons pris l’initiative, nous découvrons un autre visage de ces hommes que nous avons aimés, avec qui nous avons vécu et eu des enfants. Nous découvrons des individus capables de se comporter comme le faisaient les grands-bourgeois du 19è siècle ou les colons de la même époque : en maîtres et possesseurs de leurs épouses, de leurs compagnes et de leur progéniture. En conséquence, ils vous prendront tout, à commencer par vos enfants, pour vous punir d’avoir voulu exister en dehors d’eux.

Cette violence post-séparation est malheureusement la réalité de beaucoup de femmes, quelle que soit leur couleur. Mais il faut être une mère noire pour expérimenter la violence des institutions supposées nous protéger.
Cela commence avec une directrice d’école qui alerte les services sociaux en dehors des règles énoncées par l’Education Nationale.

Vient ensuite l’institutrice frustrée, jalouse, envieuse du statut que -vous une femme noire- avez pu atteindre dans SON pays. L’institutrice qui vous insulte devant vos enfants, refuse de vous laisser les récupérer à la sortie de l’école, en l’absence de toute décision de justice ! La même personne rongée par le sentiment de déclassement que vous entendez vous cracher sa haine et vous dire : « ah… Vous parlez bien, hein… Vous parlez bien !»
Puis l’inspectrice d’académie qui refusant de reconnaître la validité de vos arguments conclut par un argument d’autorité spécieux : « Madame nous sommes en France et en France il y a des règles et des lois ».

Puis l’expert-psychiatre désigné par la Cour pour juger de votre santé mentale et déterminé si les enfants sont ou non instrumentalisés. Un « expert » qui ne vous verra jamais interagir avec vos enfants. Une « expert » qui, alors que vous lui exposez les violences auxquelles vous avez été soumises de la part de votre ex-compagnon, vous répond : « Madame vous m’avez l’air volcanique, j’ai du mal à croire que vous vous soyez laissée faire ».
Enfin, le Juge des Affaires Familiales qui- contre l’avis du Juge des enfants !- décide de ne plus vous laisser voir librement votre fils.

Mais tout au long de la procédure, il y a un ex-compagnon, qui vous décrit auprès de tous les intervenants comme une femme «privilégiant sa carrière au bien-être des enfants », comme une personne déséquilibrée se livrant à des « crises d’hystérie sexualisée », bref l’archétype de la femme noire sauvage et sexualisée. Des propos tellement outranciers qu’ils pourraient faire rire si la situation n’était pas dramatique mais qui ne font réagir aucun des éducateurs, assistantes sociales, psychologues et autres supposés experts.

Peu importent les éléments tangibles, peu importent les documents que vous pourrez produire, la justice adoptera à l’égard de votre ex-compagnon une indulgence complice. Quand vous êtes une femme noire, face à un homme blanc et que vous êtes en situation de vulnérabilité, les institutions qui devraient être protectrices deviennent prédatrices.

D’un trait de stylo, elles peuvent vous faire basculer de la case « famille modèle » à la catégorie « cas social ». En une expertise, un jugement, elles peuvent anéantir votre vie et mettre en danger la construction psychique de vos enfants. C’est ainsi que des familles entières sont détruites en France.

Oui, Felwine Sarr, cette réalité est une donnée statistique et structurelle. Et j’ajouterai, pour paraphraser une citation célèbre, qu’il y a quelque chose de pourri en France dans le fonctionnement des institutions et de la justice familiale.
Il est temps que d’autres femmes sortent de l’ombre et libèrent leur parole pour qu’enfin, nous puissions ouvrir ce débat.