Le téléphone portable, qui est dans l’ère du temps, peut être un outil important pour donner de précieux conseils en matière de santé de la reproduction et réduire la mortalité maternelle
«Je suis une primipare et je porte une grossesse de 30 semaines. Depuis le début, je reçois des SMS sur la gestion de ma grossesse. Je reçois même des messages qui me rappellent d’aller faire des visites prénatales. Même quand j’aurais accouché, je vais encore souscrire au service afin de recevoir des conseils pratiques au sujet de la gestion d’un nouveau-né», soutient Sandra H. Une jeune tanzanienne. De son coté, Victoria S. ne cache pas sa joie. «J’ai six enfants avec mon mari, et j’avais décidé d’arrêter le nombre à cinq. Sur le conseil de mes proches, j’ai commencé à prendre des antibiotiques comme méthode contraceptive. Curieusement, un nouveau bébé est arrivé. J’étais dans le doute, c’est ainsi que sur le conseil de mon fils ainé, j’ai commencé à recevoir des sms sur le planning familial. Je les applique et les résultats sont visibles», indique-t-elle.
Au-delà de ces témoignages, la santé reproductive demeure un challenge en Afrique et au Cameroun. Selon de récents rapports du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), une femme meurt toutes les deux heures au Cameroun des suites de complications liées à la grossesse. 7000 femmes ont perdu la vie en 2014. Près de 27.000 bébés sont également morts pour les mêmes causes. Une augmentation de la mortalité qui contraste avec la tendance mondiale plutôt en baisse.
Selon le Dr Seidou Moluh, responsable de la santé de la reproduction au ministère de la Santé publique du Cameroun, l’une des principales causes des décès maternels demeure en effet les avortements à risques, très souvent pratiqués par des femmes ou des jeunes filles ayant contracté une grossesse non désirée. Il s’agit en réalité de l’impossibilité de choisir ou de décider du moment où l’on veut avoir un enfant dans un couple, précise-t-il. «30% de ces décès auraient pu être évités si en amont, les personnes sexuellement actives en couple, mariées ou célibataires, utilisaient scrupuleusement au moins une des nombreuses méthodes contraceptives disponibles dans toutes les formations sanitaires et commerces du pays, à l’instar du préservatif par exemple», conclut-il. Cette situation est consolidée par un déficit d’information et de suivi médical, conclut à son tour le rapport UNFPA 2012.
Toutefois, il n’y a pas lieu d’être fataliste. La technologie mobile, qui est dans l’ère du temps peut être un outil important pour palier à ce manquement. Le téléphone portable est devenu l’accessoire indispensable à l’être humain du XXIe siècle. Au Cameroun, le taux de pénétration du téléphone portable était de 71% en 2014, d’après des données de l’Agence de régulation des télécommunications du Cameroun (ART). Le mobile est donc déjà progressivement rentré dans les habitudes des Camerounais.
Au-delà même de son usage habituel, il permet d’apporter des services bancaires, administratifs, médicaux, scolaires, entrepreneuriaux. Le téléphone portable a franchi, en 2010 la barre symbolique des 5 milliards de clients dans le monde selon le groupe suédois Ericsson, numéro un mondial des réseaux mobiles. C’est devenu l’accessoire indispensable à l’être humain du XXIe siècle. C’est donc une réelle opportunité à saisir dans plusieurs domaines, dont la santé.
Conscient de cet avantage, l’un des premiers programmes de ce genre baptisé «Mobile for reproductive health» (M4RH) a été mis sur pied en 2010, au Kenya,en Tanzanie et au Ghana , par l’ONG américaine Family Health international et sous financement du système d’aide américain USAID. Les résultats sont plutôt encourageants.
Pourquoi le Cameroun ne doit plus attendre?
La mise sur pied d’un système de santé mobile nécessite deux facteurs. En amont une plateforme web ou l’on fait de la programmation et en aval un terminal de réception qui est le téléphone portable. L’une des phases les plus importantes est donc la conception du message de 160 caractères à envoyer. Pour le cas des projets pilote au Ghana, Kenya et en Tanzanie, les contenus ont été créés sur la base des prescriptions de l’OMS en matière de santé de reproduction et sur les politiques nationales de promotion du planning familial. Le partenaire technique TTC mobile a mis sur pied un mécanisme d’envoi et de réception des messages.
Une fois le contenu et la partie technique terminés il faut donc impliquer les participants. Il revient ici de faire appel à tous les partenaires sociaux pour mettre en oeuvre la communication de masse : Affiches, émissions radios et télé, spots. tous ces moyens sont convoqués pour faire participer le plus grand nombre. A l’issue d’une campagne de sensibilisation de quatre mois, plus de 2000 participants ont souscrit au service pour le cas du Kenya.
Les contenus des SMS renseignent non seulement sur des méthodes contraceptives, à adopter, mais aussi sur la localisation des centres de santé les plus proches en cas de besoin. A l’issue de 2 ans de campagne, les résultats obtenus ont été assez encourageants. Selon les rapports présentés par TTC mobile, plus de 80% de personne touchées estiment que le mobile est un bon canal pour recevoir des informations sur les questions de santé de reproduction. Ils ajoutent par ailleurs qu’ils conservent les messages qui sont envoyés et les partagent avec leur partenaire.
D’aucuns vont même plus loin dans leurs réponses en confirmant qu’ils encouragent les membres de leur entourage à s’enregistrer pour recevoir ces messages. Selon le même document, d’autres moyens d’informations ont été convoqués pour appuyer les SMS, ceci en fonction des caractéristiques de chaque téléphone. Il s’agit entre autres des appels vocaux interactifs, et des vidéos.
Au vu des expériences réussies de Tanzanie, du Kenya et du Ghana, la santé mobile se répand progressivement dans d’autres pays africains. C’est le cas du Rwanda, de l’Ouganda, de l’Ethiopie. Les méthodes se peaufinent et sont de plus en plus précises. Selon une étude menée par TTC mobile, entreprise pionnière dans le mobile pour le développement en Afrique, en 2014, environ 30 à 50 % de personnes sollicitées au cours des campagnes mobiles en Afrique réagissent effectivement. Selon la même étude les hommes sont ceux qui détiennent majoritairement les mobiles, mais les femmes qui sont dans la tranche 18-40 ans sont celles qui inter agissent le plus au cours de ces campagnes.
Avec l’avènement de la 3g et de la 4g, le Cameroun a désormais les arguments technologiques nécessaires pour sauver des vies à travers le mobile. Il faut y aller maintenant!
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