Sur proposition de l’Etat du Cameroun, le Ballon d’or africain 1984, par ailleurs maire de Yaoundé IV, aura droit à l’hommage national
« Aux grands hommes, la nation reconnaissante », dit l’adage. Pour convertir cette maxime en acte, la nation camerounaise veut rendre des hommages mérités à ce footballeur d’exception qu’a été Théophile Abéga. L’Etat du Cameroun, de sources concordantes, prévoit organiser des obsèques grandioses, à l’image de l’illustre disparu, le samedi 15 décembre 2012. Soit un mois jour pour jour après sa mort. Depuis sa disparition, les veillées se tiennent tous les soirs au domicile du défunt au quartier Nkomo, où il était par ailleurs chef traditionnel. A la marie de Yaoundé IV, où il était le patron des lieux, la mine défaite du personnel les contraint néanmoins à tenir les réunions pour l’organisation des funérailles. Les membres de la famille disséminés dans les quatre coins du monde arrivent par vagues. L’aîné des fils de Théophile Abéga a pris connaissance des propositions de l’Etat du Cameroun, qui seront rendues officielles dans les prochains jours. Entre temps, les supputations pour le lieu de la grande veillée vont bon train. Les autorités politiques, sportives et traditionnelles sont partagés entre le stade Ahmadou Ahidjo et le stade Adolphe Mbida Abéga, du nom de son géniteur, situé au quartier Nkomo, mais qui a une faible capacité d’accueil.
Son père, fondateur de Lion de Yaoundé, rêvait de faire de lui un médecin, Théophile Abéga a plutôt choisi, pendant sa carrière de footballeur, de soigner les fans en leur offrant des dribbles chaloupés et les vives émotions. Pas étonnant donc que l’annonce de sa mort a fait la Une de tous les journaux parlés des médias camerounais. Pour de nombreux amis et ex-coéquipiers, en parlant de l’homme qui a contribué à écrire les belles pages de l’histoire du Canon de Yaoundé, les témoignages sont très laudateurs. Pour François Ndoumbe Lea, c’est l’artisan de la victoire du Cameroun à la Can de Côte d’ivoire en 1984. «C’était un frère, on a travaillé à la Cameroon airlines où j’étais au recouvrement pendant que lui était au contrôle ; dans le Canon, il était mon capitaine et il était à l’écoute des jeunes joueurs», se souvient Dagobert Moungam, son coéquipier aussi bien en club qu’en sélection nationale. «C’était un rassembleur, un homme de bonne moralité et de bonne foi, quelqu’un qui mettait toujours de l’ordre là où il y avait le désordre ; il est resté pour nous un grand frère», indique Edmond Enoka, ancien coéquipier du défunt.
Le dernier génie
Pour Ndip Akem Victor, qui l’a connu comme coéquipier et dirigeant, la nouvelle est très triste. «C’est lui qui m’a accueilli quand on est allé à la Coupe d’Afrique au Caire en 1986 ; il était très proche des jeunes joueurs et comme président de club, il a toujours été au chevet de l’équipe afin que celle-ci, ne manque de rien», témoigne-t-il. De ses deux vies dans le football, c’est certainement celle qu’il a passée sur le stade qui est la plus riche. Il aura, avec le Canon sportif de Yaoundé où il a évolué pendant huit années, (1976-1984), remporté quatre fois le championnat national et cinq Coupes du Cameroun. Sur la scène continentale, il a gagné les défuntes Coupes d’Afrique des clubs champions (1978 et 1980) et la Coupe des vainqueurs de coupe (1979). Avec les Lions indomptables, après avoir séduit lors du Mondial espagnol en 1982, il conduit sa sélection pour la première fois sur le toit de l’Afrique en 1984. En terminant la Can comme meilleur joueur et meilleur buteur, avec trois buts. Mais, en Egypte deux années plus tard, sa carrière pique du nez suite à la double fracture tibia-péroné à l’issue d’un choc avec le gardien zambien Efor Chabala. Arrivé tardivement dans le football professionnel, à 30 ans, son adaptation à Toulouse n’est pas à la hauteur de sa réputation. Après un bref passage à Vevey Sport ; modeste club Suisse, alors en D1, il retourne au bercail en 1987 et rejoint le Canon de Yaoundé, son club de c ur. Lors d’un grand derby contre le Tonnerre kalara club, Théophile Abéga quitte définitivement les stades sur un carton rouge, après avoir assené des coups de poings à l’arbitre Barong Abo Edouard, de regretté mémoire.
Dès la fin de sa carrière, il dirige le Canon de1988 à 2009, d’abord comme directeur général, puis comme président, pour un bilan assez mitigé. Profitant de sa grande popularité, il choisi le terrain politique pour faire valoir son talent. Il sera élu adjoint au maire de Yaoundé IVème à l’issue des premières consultations municipales pluralistes de 1996 à 2002. Ambitieux, le capitaine vise un siège de l’Assemblée nationale. Mais il échoue à la députation, dans les conditions floues, au profit de Nicolas Amougou Noma, lui aussi disparu depuis. A la manière d’un lion, il n’en démord pas. En 2007, il brigue à nouveau la mairie et devient le maire de la commune de Yaoundé la plus importante en termes de conseillers municipaux (61) et en superficie, dont il a d’ailleurs bâti le siège. Pour Charles Ndongo, directeur de l’information à la Crtv et camarade de classe du docteur ès football, au collège Vogt à Yaoundé, «c’est triste et douloureux». Pour Gérald Dreyffus, qu’Abéga invita lors de son jubilé en 1989, il retient surtout le côté sportif : « C’est simplement le plus grand meneur de jeu du continent que j’ai vu évoluer. Il est le dernier génie du football camerounais. Son talent est incomparable », a-t-il lancé, dans une voix teintée de vives émotions, sur les ondes de Rfi. Salut l’artiste.