Lettre ouverte aux Candidats à l’élection Présidentielle de la République du Cameroun, par Serges Tchaha
Le 1er janvier 2010 signifiera dans le monde entier plusieurs choses importantes. Mais il sera, pour nous camerounais, la conjonction d’évènements encore plus déterminants. Le 1er jour de 2010, sera pour nous, comme pour le monde entier, le début de la deuxième décennie du troisième millénaire, selon l’ère chrétien. Mais, il sera aussi le 50ème anniversaire d’indépendance de ce qui est considéré comme l’Afrique en miniature.
Depuis donc, un demi-siècle, nous avons le droit de nous autodéterminer. C’est un camerounais qui incarne l’autorité suprême et qui régente les affaires de notre État. C’est un âge relativement jeune à l’échelle d’une nation – la Chine a quelque cinq millénaires – mais, c’est un âge adéquat pour lancer un regard vers le passé mais surtout, c’est un moment idéal pour se projeter vers l’avenir et avancer quelques propositions qui pourront réellement structurer notre futur lointain et proche. C’est le périlleux et exaltant exercice que je vous invite à faire avec moi via ce papier. Je vous propose que nous institutions une troisième langue officielle au Cameroun. Je vous invite à réfléchir à la possibilité de faire du Camfranglais ou du Francanglais notre troisième langue officielle. Je précise tout de suite que je propose que l’on la dénomme désormais le Camerounais ou le Camer.
Je sais qu’à priori, plusieurs pouffent de rire ou se demandent si j’ai confondu 1er janvier et 1er avril (poisson d’avril). Parce que pour beaucoup, ça représente comme on disait, la langue des « enfants de la rue », le langage des « bandits ». Sachez qu’il n’en est rien. Et je vous invite à former un avis définitif uniquement à la fin de ce papier. Plusieurs constats me conduisent à avancer que les conditions sont réunies pour adopter cette langue métisée, cette langue riche de plusieurs de nos langues traditionnelles comme LANGUE OFFICIELLE. Je m’explique.
Pourquoi on peut et on doit faire du Camerounais (Camer) notre 3ème langue nationale?
1. Le Camerounais ou le Camer est une langue nationale ou à tout le moins a vocation à le devenir. Les camerounais, du Grand Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est, en passant par le centre peuvent comprendre les mots et expressions suivantes :
Mollah, c’est how non?
Tara, bring moi le ndiba
Mbo, je te dis que je ya mo la nga mal, tu as meet ses lass?
Cameroun, Obosso
O me trembler? O me trembloter?
Je vous cite ces exemples car qu’on le veuille ou non, ça fait partie de nos expressions culturelles. Cette langue fait partie de notre identité. C’est la raison pour laquelle, elle importe tant aux membres de la diaspora. Elle donne le sentiment d’être proches d’un frère,d’une s ur, et à fortiori, d’être proche de la mère patrie. C’est sans doute une des raisons qui a poussé un camerounais de Chicoutimi (Québec, Canada) a créé sur le réseau social FACEBOOK, un groupe dénommé ici on topo le Camfranglais! le speech des vrais man du Mboa. Ce groupe qui compte déjà 1 144 membres regroupe les enfants issus de toutes les provinces du pays. Dans le titre de leur groupe, il est indirectement dit que pour être un vrai camerounais, il faut parler le Camfranglais. Voilà une autre preuve que cette langue nous unit et rassemble. Dans le monde mondialisé dans lequel on vit, il est absolument fantastique de constater que la seule chose sur que les différents États du monde ont décidé de préserver du libre échange est LA CULTURE. C’est le sens de la CONVENTION SUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DE LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES. Je vous rappelle que l’un des principaux objectifs de cette convention est « de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles »
2. Le document gouvernemental CAMEROUN VISION 2035 signale clairement que «l’un des défis majeurs du Cameroun reste donc celui de consolider l’unité nationale» . Je prétends que le Camerounais est déjà d’une certaine façon un puissant facteur d’unité nationale. Je voudrais simplement que chacun tâche de mesurer l’impact dans la conscience collective que ce serait d’hisser le Camerounais au rang de LANGUE OFFICIELLE.
Contrairement à la langue française, elle ne nous aura pas été imposée.
Contrairement à la langue anglaise, nous l’aurons choisie.
Plus que le créole – Selon le Trésor de la Langue Française au Québec (TLFQ) « Un créole se forme au contact des langues pour en former une nouvelle » – parlée en Haïti par exemple, le Camfranglais n’est pas seulement une dérivée, un mix du français et de l’anglais, mais, il est aussi un amalgame de nos langues traditionnelles. Ainsi par exemple, quand l’on dit. « Hey man, arrête, parce que si tu continues on va tiamme ». En fait, on fait référence au mot de la langue Fang ntsame qui signifierait : tout gâter, d’où le sens bagarrer que nous lui donnons. Autre exemple, quand une femme semble très amoureuse d’un homme, on a coutume de le verbaliser en disant « c’est le ndolo ». Chacun sait que ce mot douala – je crois – signifie qu’elle est en amour.
3. L’Adoption de cette langue là serait non seulement une reconnaissance de notre génie collectif et créatif, mais, au surplus, ce serait une affirmation forte de notre identité.
Je ne dis pas que nous ne devons plus parler français et anglais, j’y reviendrai plus tard. Mais j’argue simplement que, sans le vouloir, nous avons collectivement inventé une langue unique qui mérite d’être structurée. Je parle de génie collectif car nous avons su donner à cette langue qui n’a que quelques décennies une vitalité singulière. Je dis ainsi à tous nos amis « camerounophiles » que le pour dire homme (gars), nous disposons d’au moins 9 synonymes à savoir : tara, m’bo, man, m’bra, dibo, mollah, magnan, massa, m’bom,.
La légitimation, la sacralisation de cette langue, cinquante après notre indépendance, serait s’incrire dans la parfaite continuité de notre histoire. En effet, nous qui sommes tous fils de Njoya, devons garder à l’esprit que ce roi Bamoun, avait, il y a plusieurs siècles déjà, INVENTÉ UNE ÉCRITURE. Messieurs les Candidats à l’Élection Présidentielle, jugez-vous les camerounais suffisamment mâtures pour pouvoir décider de créer eux-mêmes une langue dans laquelle ils souhaitent s’exprimer, s’aimer et communiquer?
4. Le Camerounais ou Camer est forcément une langue d’avenir. Nous sommes présentement près d’une vingtaine de millions au Cameroun. À horizon 2035, nous serons près de 40 millions, si la tendance se maintient.
Qui peut sérieusement prétendre que le Camerounais ou le Camer serait une langue futile si elle est parlée par 40 millions de personnes? Dois je rappeler que Haïti, c’est moins dix millions d’âmes, dois-je signaler que le Sénégal où quasiment tout le pays parle Wolof, c’est moins de 15 millions de personnes? Dans plusieurs pays de l’Europe de l’Est où la démographie est moins importante que la nôtre, ils parlent des langues dont les locuteurs ne sont que les membres de ce pays là. C’est également une langue d’avenir car nous aurons, puisque, c’est nous qui la définirions, tout le loisir d’y ajouter les mots que nous jugeons pertinents. Il nous sera selon notre bon vouloir, et c’est mon souhait le plus cher, possible d’y greffer des centaines de mots issus des différentes locales du Cameroun. C’est certes déjà fait, mais, en ayant notre Académie, nous renforcerons avec beaucoup d’intelligence et de sagesse cela.
5. Le Camerounais ou le Camer servira de point de repère et d’ancrage à tous ceux qui ne parlent pas ou très peu leurs langues traditionnelles. Entendons nous bien, je ne dis pas qu’il faut les délaisser, je plaide même pour tout le contraire, mais qui peut nier que nous connaissons une régression à ce niveau là. Certes, il faut se battre, car c’est sur les langues traditionnelles que reposent nos coutumes mais dans le même temps, il est impossible de nier que le Camer deviendra pour nous ce qu’est le créole haïtien aux Haïtiens et le créole guadeloupéens aux guadeloupéens.
À ceux qui penseraient que ce serait trop difficile voire impossible.
1. Le français ou l’espagnol sont des langues issus du latin.
2. Dans l’émission Conversation d’avenir, dans laquelle, il intervient régulièrement, Jacques Attali, expose des faits qui témoignent du dynamisme et de la dynamique de l’évolution des langues parlées dans le monde. Je vous présente quelques chiffres :
Depuis l’origine de l’humanité, il y a eu près de 30 000 langues;
Actuellement, il y aurait 6000 langues parlées;
On pense qu’une langue disparait tous les 15 jours;
En Afrique, il y a 2000 langues dont 90% ne sont pas écrites. J’en profite pour saluer l’initiative de Mme Lydie Seuleu (Allemagne) qui avait invité les gens à l’aider à avoir accès à des ouvrages écrits dans les langues traditionnelles du m’boa. (Voir article Camer.be du 18 nov. 2009)
Ça nous permet de comprendre que de tout temps, les langues dans lesquelles les hommes se sont exprimés, vivent et meurent.
3. D’après le TLFQ, « C’est la Constitution de mars 1987 qui rendra rend co-officiels le français et le créole (art. 5) ». Bref, il n’est ni absurde, ni prématuré, encore moins impossible d’instituer le CAMER COMME LANGUE OFFICIELLE.
Mais est ce que 3 langues officielles, ce ne serait pas trop?
Non. Quatre fois non. D’abord, parce qu’une fois de plus, nous n’avons pas un effort particulier à faire pour l’inventer, la créer, elle existe !
Par ailleurs, les deux autres nous sont très utiles et nous leur apportons beaucoup aussi. Vous savez, dans le monde tel qu’il sera demain, il faudra pour s’en sortir être un pays capable de nouer diverses alliances, être membre de plusieurs clubs et réseaux. Il est donc hors de question de sortir de la Francophonie, ni du Commonwealth. J’aimerais signaler que pour la première organisation mentionnée, tout ce qui est Francophonie Économique sera un plus pour nos ambassadeurs économiques. Une des ambitions de cette volonté de faire de l’espace francophone, un espace d’affaires, est de créer un VISA D’AFFAIRES FRANCOPHONE.
Nous sommes un des rares pays au monde à être à la fois dans ces deux organisations et à être membre de la Conférence islamique. C’est dans l’ADN de notre pays d’être divers. Arrêtons-nous là.
CONCLUONS
Précieux leaders d’opinion, Distingués Candidats à l’Élection Présidentielle de la République du Cameroun, je crois avoir fait la constatation que tous les camerounais sont capables de communiquer via une langue commune. Langue qui manifeste le génie de ce peuple, la diversité sur laquelle il a été bâti.
Précieux leaders d’opinion, Distingués Candidats à l’Élection Présidentielle de la République du Cameroun, dans l’article 5 de la Constitution d’Haïti dont j’ai fait mention plus haut, il serait écrit : « tous les Haïtiens sont unis par une langue commune: le créole. ». Au lendemain de la prochaine élection présidentielle, allez-vous proposer au Parlement de notre pays d’écrire dans notre constitution :
« tous les Camerounais sont unis par une langue commune : le Camerounais. » ?
Excellent 50ème anniversaire d’indépendance.
@mitiés c@merounaises et sentiments p@triotiques,
Serge TCHAHA
Un dibo d’Ongola qui ya mo le Camer et qui est un vrai man du Mboa puisqu’il speak le Camfranglais ou plutôt le Camerounais
Un Mbra du Mboa qui ya mo les Lions et qui mimba qu’ils vont win la CAN
PS : Un merci sincère à SEGN et à DHAM qui lors d’une longue conversation lors de notre traversée du Saint-Laurent m’ont convaincu de la nécessité de cette réflexion.