Un livre revisite l’histoire du Cameroun dans le prisme du 1er maire Noir de Yaoundé
Aucun ouvrage n’avait été commis depuis sa disparition, intervenue il y a 28 ans. Fouda André (l’appellation la plus courante), le tout premier maire Noir de la capitale camerounaise, reste pour beaucoup un mystère. A part, pour certains, les croix de Saint André qui marquaient un préavis de démolition des habitations, qu’ils gardent en mémoire. Le livre de l’historien Serge Enyegue, « André Fouda. Itinéraire politique d’un bâtisseur, 1951-1980 », paru aux éditions l’Harmattan en mai dernier viendra, sans doute, lever un coin de voile sur cette autre grande figure de l’histoire politique du Cameroun. André Fouda Omgba Nsi aura été la première édile de Yaoundé pendant près d’un quart de siècle (1967-1980). Le portrait de Serge Enyegue présente les différentes facettes de l’homme politique, rendu populaire à travers ses travaux visant à donner un visage de ville moderne à Yaoundé. M. Fouda était-il un collaborateur du colon ou un nationaliste ? La question de l’auteur suscite tout un débat sur son parcours, une trilogie autour de sa francophilie, sa consécration politique et le développement de sa ville.
André Fouda est en effet étiqueté comme un « conservateur »: Ce beau pays, quoiqu’il en soit, doit vivre et rester français. Vive le Cameroun français, déclarera-t-il un jour, s’opposant de ce fait à son camarade de la Jeunesse camerounaise française (Jeucafra), Paul Isidore Soppo Priso, présenté comme progressiste. Une opposition à peine voilée de ce suppôt des Français à la marche du Cameroun vers l’indépendance. Même si l’historien relève que André Fouda était capable de plusieurs revirements politiques. Il aurait rejoint la position de l’Union des populations du Cameroun (Upc) que son parti, le Bloc démocratique camerounais (Bdc) combattait farouchement, estimant qu’il ne fallait pas se contenter d’une indépendance de façade. Son ascension est soutenue par son appartenance tribale – un Mvog-Ada, pour contrer les Mvog-Atemengue qui auraient pactisé avec les Allemands.
Le sujet de l’étude est ainsi présenté comme un acteur dans le processus de légitimation du pouvoir colonial français au Cameroun. Il va construire son ascension politique sur la déchéance politique de son « frère » André Marie Mbida, le tout premier Premier ministre camerounais, avec l’appui de Louis-Paul Aujoulat. M. Mbida qui était accusé par le colon de vouloir émanciper le parti administratif (Bdc) dont Fouda était également membre, de sa « tutelle ». Daniel Abwa dira de lui qu’il est l’un des précurseurs de la « gaullisation » des indigènes au Cameroun. Il sera élu ministre des Affaires économiques dans le tout premier gouvernement d’Ahmadou Ahidjo. Il est aussi élu maire de Yaoundé lors d’un scrutin contesté.
André Fouda sera aussi accusé d’être d’auteur de l’instrumentalisation des ressources politiques à l’instar de l’Association des maires du Cameroun, dont il fut le président, pour occuper la fonction de délégué de gouvernement auprès de la commune urbaine de Yaoundé, à laquelle il accède en 1967. Ces ressources politiques lui donnent l’opportunité de perpétuer un rituel auquel il avait été habitué pendant la colonisation, au point de s’ériger en interlocuteur du peuple beti.
Comme bâtisseur l’auteur évoque, avec beaucoup d’intérêt, les travaux d’Hercule réalisés par le disparu dans la ville de Yaoundé. Dont les plus mémorables sont l’adressage des rues, des avenues et de certaines places de la métropole politique, mais aussi le recasement de certaines populations, la mise en uvre du plan d’urbanisme, qu’il prit soin de définir au milieu des années 70.
C’est d’ailleurs à travers la démolition d’habitations qu’il sera rendu célèbre. Serge Enyegue prend soin, dans sa démarche, de souligner qu’André Fouda n’était pas un saint. Il quitta la scène le 27 février 1980. Sans emporter avec lui sa croix.
Serge Enyegue: André Fouda,Itinéraire politique d’un bâtisseur, 1951-1980 – Harmattan Cameroun – Mai 2008 – 200 pages

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