Par Vincent-Sosthène Fouda, Président du Mouvement camerounais pour la social-démocratie (M.C.P.S.D)
Ma belle-mère me disait il y a quelques jours seulement qu’un arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse. Cette métaphore est une réalité dans l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, une véritable révolution antisystème comme le dit mon collègue le sociologue Mathieu Bock-Côté de HEC Montréal.
Nous vivons dans un monde plein de désespoir au Nord comme au Sud, où subsistent de nombreuses inégalités pas seulement matérielles, mais aussi culturelles et cultuelles. La dictature de la minorité bien-pensante face à la majorité en guenille qui crie famine. Mais cette minorité peine à réaliser qu’elle est elle-même plongée dans une grande misère politique parce que la fracture est grande, le fossé trop large déjà avec ceux qu’ils gouvernent malgré eux.
Les industries de sondages voire de fabrication de l’opinion publique nous ont présenté un Donald Trump grossier et raciste, mais c’est ce Donald-là qui quelque minute après sa victoire s’est empressé d’appeler Ben Carson sur le podium en disant « je ne le connaissais pas, les primaires m’ont permis de rencontrer un homme d’une grande valeur. » Ce sont des actes qui nous marquent dans la banlieue dans nos tours et barres.
Aujourd’hui entre à la Maison Blanche un antisystème un homme ordinaire quoique milliardaire, présenté comme mégalomane erratique et aventurier, mais un homme qui a su entendre le cri de révolte poussé par le peuple contre la mondialisation sauvage qu’ils veulent eux moderne. Le peuple qui demande les maisons, les salaires décents, une protection sociale, de l’eau pour se laver, des hôpitaux pour se soigner est peut-être le même qui réclame des frontières, mais il ne les veut pas devant sa porte. Ce peuple que l’on veut dresser comme des chiens contre l’immigration dite massive pour le triomphe des identités nationales répond par le Brexit. Le peuple qui est privé de la liberté d’aller et de venir, la jeunesse spoliée de son avenir répond dans la rue à Tunis, à Ouagadougou.
Les étudiants à qui on dit qu’il faut payer toujours plus pour s’instruire répondent en sortant dans la rue dans toutes les villes sud-africaines. Chaque peuple dans son pays, à sa manière, en puisant dans ses propres traditions politiques et sociales et dans ses propres archétypes, nous adresse un message que nous devons nous efforcer d’étudier et de comprendre.
Ces votes expriment une demande de protection et de respect du sentiment populaire que je crois partagée par une large majorité dans le monde et plus encore dans les pays du Sud et au Cameroun en particulier. Cette majorité silencieuse dans nos médias, dans les instituts de sondage, dans les écoles de fabrique d’une élite déconnectée des réalités doit être entendue et comprise, sans conduire pour autant à des réponses de fermeture ou de repli, à une sortie de chars et de massacres inutiles.
C’est la condition pour les transformer non pas en rejet du présent, mais en espoir de changement.
Le souffle que je sens aujourd’hui, est celui qui a porté Barack Obama au pouvoir, c’est celui qui a porté Justin Trudeau au Canada au pouvoir, c’est ce souffle-là qui a fait naître en Allemagne le collectif d’artistes « Zentrum für politische Schönheit » (Centre pour la beauté politique) qui veut ramener en Allemagne les morts de la Méditerranée enterrés dans les fosses communes au sud de l’Europe pour leur donner une sépulture digne. C’est le mouvement de l’économie solidaire, bref c’est le refus de ceux et celles-là qui disent toujours si « nous voulons préserver l’école, nos systèmes sociaux, redresser des inégalités criantes, nous avons besoin de solidité, d’une droite décomplexée, de refus de l’aventure et d’imagination » alors qu’ils n’ont jamais pris aucun risque avec la vie et la société.

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