OpinionsNon classé, Opinions, Tribune




Voici pourquoi Maurice Kamto peut faire peur

Par Marius Teussido 2018 sera une année électoralement chargée au Cameroun car de nombreuses mutations politiques s'opéreront dans cet horizon.…

Par Marius Teussido

2018 sera une année électoralement chargée au Cameroun car de nombreuses mutations politiques s’opéreront dans cet horizon. C’est dans le spectre de la probable non candidature du président Biya et la perméabilité du jeu électoral que cette situation pourrait générer, que beaucoup d’entrepreneurs politiques affutent leurs armes. Si dans les rangs du pouvoir, on n’ose pas montrer officiellement ses ambitions présidentielles, il n’en n’est pas de même dans les partis d’opposition, où on semble plus que jamais afficher une certaine détermination pour que l’alternance tant souhaitée ne soit plus une chimère en 2018.

Dans cette opposition, un homme suscite une attention particulière de la part du pouvoir. Il s’agit de Maurice Kamto, nouvelle figure emblématique de l’opposition camerounaise. En effet, depuis sa démission du gouvernement et son investiture par un parti politique, le professeur Kamto est devenu une véritable attraction dans la sphère politique camerounaise. C’est ainsi que certains acteurs du pouvoir, tapis dans l’ombre, multiplient des man uvres pour faire obstacle à ce futur adversaire de 2018. Ils agissent sous prétexte que leurs actions sont de nature à faire plaisir à leur leader naturel Paul Biya alors qu’en réalité, ils s’activent pour leur propre compte.

Après sa démission du gouvernement, le régime semble lire ses intentions.
Quand Maurice Kamto quitte le gouvernement, personne ne peut dire exactement ce qu’il fera dans sa prochaine escale. Et pourtant les évènements qui s’en suivront semblent indiquer une certaine suspicion de la part du régime. Cela se traduit par les interdictions ciblées et répétées de sa conférence de presse prévue pour expliquer simplement à l’opinion publique les raisons de sa démission. C’est ainsi que pour contourner ce rouleau compresseur, le professeur Kamto optera finalement pour un rendu public. En effet dans sa déclaration publique, il dira en guise d’introduction qu’il a «pris la décision du 30 novembre 2011 pour l’avenir» et appellera à la renaissance nationale pour un Cameroun qui gagne». C’est ici qu’il prononcera pour la première fois le mot «renaissance» et pas de manière hasardeuse puisque l’on retrouvera plus tard cette même expression dans la devise principale du parti qui l’investira. Ce qui veut dire que le professeur Kamto avait bien préparé et bien ficelé son plan d’action. Nous verrons cela dans les prochaines lignes.

Il est immédiatement investi par un parti politique
Le professeur Kamto est le premier qui démissionne du gouvernement non pas pour créer son propre parti mais pour être investi par un parti politique. Le film des évènements jusqu’à son investiture se déroulera d’une manière étrange et il sera difficile de ne pas suspecter une longue préparation à l’avance. Ainsi, après sa démission, comme par hasard, plusieurs micros partis découvrent subitement qu’il faut se mettre ensemble pour créer un seul parti politique. De cette coalition soudaine naitra un jeune parti qu’on appellera MRC (mouvement pour la renaissance du Cameroun). Ensuite, quelques jours après, celui que l’on présentait encore comme le simple militant Kamto, sera porté à la tête de ce nouveau parti (MRC)

L’étonnante grande participation du MRC aux dernières élections municipales et législatives
A la dernière double consultation électorale du 30 septembre 2013, le MRC réussira l’exploit de présenter les candidats dans cinq régions sur les dix que compte le pays. Ce qui était une performance remarquable pour un jeune parti qui avait à peine une année d’existence. Un responsable de ce parti dira à cet effet que le MRC aurait pu faire mieux si le calendrier électoral était connu à l’avance. Par ailleurs, peu de vieux partis d’opposition pouvaient revendiquer un tel taux de représentativité à cette échéance. Ceci dans la mesure où, ces différents partis vivent le plus souvent dans un environnement de précarité ambiant. Ainsi, cette surprenante percussion du MRC fera naitre dans une certaine opinion, l’idée selon laquelle ce parti aurait un solide réseau de soutènement masqué. Et c’est alors, que d’autres subodorent que les soutiens du MRC pourraient révéler leur véritable visage en 2018.

Le régime réagit quand son discours prend une certaine tonalite
Au lendemain de la proclamation des résultats de la double échéance électorale du 30 septembre 2013, Maurice Kamto annoncera la couleur en prononçant un discours retentissant qui témoignait au passage sa capacité à durcir aussi son ton et à monter d’un autre cran pour celui que l’on considérait jusque-là comme amorphe. Voici un extrait de ce qu’il disait: « notre attachement obsessionnel au changement dans la paix ne doit pas être mal compris. Lors du prochain scrutin dans notre pays, à la barbarie électorale du RDPC et du pouvoir, nous opposerons jusqu’à notre dernier souffle une résistance citoyenne et républicaine.»

Comme on pouvait le soupçonner, la réaction des thuriféraires du régime ne se fera pas attendre. C’est ainsi que, quelques jours après, Maurice Kamto sera convoqué par la DGSN. Au cours de cette rencontre, le Délégué général à la sureté nationale, Martin Mbarga Nguele, lui fera une mise en garde solennelle en l’accusant de porter atteinte à la sécurité publique et d’organiser la sédition par ses propos, ses agissements et son comportement. Par ailleurs, on se serait attendu que le régime multiplie ce type de réaction, chaque fois qu’un homme politique ose critiquer ouvertement son système.

Mais ce qui est paradoxal, c’est que, quelques mois auparavant, notamment après la convocation du collège électoral pour les sénatoriales, le chairman Ni John Fru Di montait au créneau en appelant les Camerounais à prendre les machettes pour aider le président Biya à gâter le Cameroun. Après cette sortie spectaculaire et bien plus menaçante que celle de Kamto, le chairman ne fera l’objet d’aucune convocation. Bien au contraire, son parti recevra même pour la circonstance, un émissaire délégué par le régime dont la mission principale était de convaincre le chairman à prendre part aux élections. La suite, on la connait. Et comme cerise sur le gâteau, le SDF s’adjugea même le soutien du RDPC dans les circonscriptions de l’Ouest et de l’Adamaoua.

Même Marafa Hamidou Yaya parle de Maurice Kamto
Malgré sa détention au SED, Marafa garde encore une éclatante côte de popularité dans le Septentrion. Sa situation carcérale ne lui a pas enlevé l’envie de rester toujours très proche de l’actualité politique camerounaise comme en témoigne ses multiples lettres. Ainsi dans sa cinquième livraison, Marafa dit ceci: «Aux nouveaux partis qui se lancent dans la campagne, dont je connais parfois la qualité des dirigeants pour avoir servi avec eux au gouvernement, ou pour les avoir côtoyé dans mes fonctions antérieures, je souhaite bonne route. Qu’ils sachent que je suis attentivement leurs activités, et que j’espère qu’ils contribueront à animer le débat politique dont notre pays a cruellement besoin». Il faut noter que cette lettre est produite à la veille de la double échéance électorale à laquelle prenait part un nouveau parti (MRC) et dont le leader avait effectivement servi au gouvernement.

A l’examen de cette déclaration de Marafa, il en ressort de toute évidence, qu’il faisait référence au parti du professeur Kamto. De cette proximité soudaine entre les deux hommes, pourrait naître une alliance politique future. Ceci dans la mesure où Marafa, sachant que ses ennuis judiciaires compromettront ses ambitions présidentielles et par conséquent annihileront sa possibilité de candidater en 2018, il pourrait en revanche du haut de sa popularité dans le septentrion, demander à ses nombreux sympathisants de voter pour le candidat Maurice Kamto.

La nouvelle coqueluche des médias
Il ne lui aura pas fallu assez de temps pour conquérir le monde des médias. Très vite, les médias sont tombés en extase devant cet intellectuel et son discours très séduisant. Ce succès médiatique lui sera facilité par sa connaissance de cet univers et surtout de sa proximité avec cette espace pour avoir été lui-même cofondateur d’un quotidien de presse (Mutations). C’est ainsi qu’il devient une véritable attraction médiatique et en même temps, un produit marketing. Dès lors, toutes ses actions même les plus insolites sont suivies et relayées par les médias. On se souvient encore de cette scène montrant Maurice Kamto entrain de marcher pied nu dans une marre d’eau à Douala et qui fera les choux gras de la presse. Même les réseaux sociaux ne sont pas en reste. Ici, tous les sujets associés à son nom suscitent une réelle attention. Le professeur Kamto n’est pas de ces hommes politiques très volubiles dans les médias. Mais il est plutôt de ceux-là qui se font un peu rares et dont chacune des apparitions s’apparente à un mythe. Il est aujourd’hui le politicien qui fait de l’audience dans les médias et cette forte côte médiatique pourrait lui être précieuse en 2018.

L’un des héros de la victoire de Balassi
S’il existe une victoire politique que le régime actuel peut revendiquer avec autorité, c’est bien celle du différend frontalier qui opposa le Cameroun au Nigeria. L’affaire Bakassi, comme il est convenu de l’appeler aura été l’une des plus grandes ou si non la plus grande satisfaction de ce régime. Ce fut un moment de grande solidarité nationale car c’est aussi l’une des rares fois dans ce pays où on a vu toutes les obédiences politiques converger vers le même intérêt, en saluant à sa juste proportion un acte politique minutieusement mené par le régime du renouveau. Maurice Kamto aura été le grand capitaine de cette équipe de juristes qui conduisit avec brio à ce succès historique. Sa remarquable contribution lui a valu une récompense du chef de l’Etat qui le nomma au poste de ministre délégué à la Justice. Elle l’aura surtout permis de se façonner une certaine audience dans l’espace public camerounais en le propulsant dans le cercle très fermé des personnalités les plus respectées par les Camerounais.

In fine, en explorant toutes ces pistes d’analyses, force est de constater que le professeur Kamto est un sérieux prétendant à la magistrature suprême en 2018. Son leitmotiv qui est celui de vouloir faire la politique autrement suscite dans l’opinion publique une certaine curiosité. Ce qui fait de lui un des hommes politiques sur lequel il va falloir compter pour demain.

Pr. Maurice Kamto
Droits réservés)/n