Le Cameroun devenait ainsi un protectorat allemand, et ce jusqu’à la grande guerre de 1914.
12 juillet 1884 – 12 juillet 2017. Cela fait exactement 133 ans que le Cameroun passait sous la coupole allemande. Un épisode controversé de l’histoire de notre pays, qui jusqu’à ce jour n’a toujours pas livré tous ses secrets. Ceci en dépit de l’abondante littérature qui a pu émerger sur le sujet, et qui nous donne aujourd’hui les circonstances dans lesquelles cette signature s’est produite. C’est le cas du Prince Kum’a Ndumbè III, docteur en Histoire contemporaine et Professeur d’université en sciences sociale, qui a travaillé sur le sujet.
Selon lui, Le traité germano-douala est intervenu dans un contexte où les structures économiques et politiques de nos sociétés traversaient des phases critiques face à la mondialisation du continent africain. Ces phases qui avaient commencé avec l’esclavage et qui assuraient à l’Europe de la révolution industrielle des avantages exorbitants face à l’Afrique, et une prépondérance certaine dans nos relations bilatérales, étaient mise à mal par plusieurs guerres internes ébranlant l’autorité des potentats du “Cameroons”.
C’est ainsi que King Akwa adressa le 7 août 1879 une lettre à la reine d’Angleterre pour demander l’application des lois anglaises avec une administration britannique sur son territoire. King Bell en fera de même le 8 mars 1881, et les deux signeront une demande commune le 6 novembre 1881. Cependant, les deux ne voulaient ni annexion, ni colonisation, mais un transfert de souveraineté qui n’enlèverait pas aux rois l’essentiel de leur pouvoir. Les Anglais hésiteront jusqu’à la fin, le consul britannique Hewett ne pouvant accéder aux exigences camerounaises.
Les Allemands représentés par les firmes commerciales Woermann et Jantzen & Thormählen avaient réussi à arracher une partie importante du commerce camerounais et à convaincre le chancelier allemand Bismarck d’y entreprendre l’acquisition d’un protectorat. Bismarck qui initialement était opposé à toute politique coloniale, finira par céder aux pressions des milieux commerciaux qui réclamaient des colonies. Il envoya donc un bon connaisseur de l’Afrique, le Dr Gustav Nachtigal, en le dotant de pouvoirs plénipotentiaires pour négocier rapidement et signer des traités de transfert de souveraineté au nom du Reich allemand, afin que lui Bismark puisse exhiber ces parchemins à la conférence internationale de Berlin sur le partage de l’Afrique qu’il préparait et qui siégea de novembre 1884 à février 1885 à Berlin.
Les Allemands connaissant la volonté des rois du “Cameroons” d’ouvrir leurs territoires à l’administration et à l’industrialisation moderne européenne accepteront rapidement les conditions difficiles des rois Duala, et signeront le traité. Ce sera le début de près de 3 décennies de protectorat au cours desquels les allemands imposeront leur suprématie aux peuples du Cameroun, nonobstant les sévères conditions limitant le pouvoir des partenaires européens. Usant de toutes formes de violence, les allemands n’hésiteront pas à exécuter les leaders camerounais qui essayaient de revendiquer le respect des clauses du traité. Ce fut le cas de Douala Manga Bell et de son cousin Ngosso Din Douala, tous deux pendus. La « colonisation » allemande s’achèvera à la fin de la 1ere guerre mondiale en 1918 avec la signature de l’armistice le 11 novembre de la même année.
Un pan de notre histoire qui soulève des questions sur son actualité qui, sans être unique en son genre fait encore couler des flots d’encre et de salive 133 ans après. Force est de reconnaitre cependant qu’il a profondément marqué la société camerounaise dans son essence, et qu’il s’agit d’un souvenir qui devrait nous permettre d’en tirer quelque chose pour notre société actuelle.
En savoir plus : La colonisation allemande au Kamerun.